"On attend que nos vieux soient une priorité du gouvernement" : en difficulté financière, les Ehpad tirent la sonnette d'alarme

De plus en plus d'Ehpad sont déficitaires et pointent du doigt un abandon des politiques. Dans l'Aisne, un établissement a franchi pour la première fois la barre des 126 000 euros de déficit. Une situation compliquée pour la direction qui doit aussi faire face à une crise de la profession d'infirmier et d'aide-soignant.

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En France, pas moins de 60% des Ehpad sont en déficit et leur situation budgétaire se détériore de plus en plus. Alors que le gouvernement de Michel Barnier vient d'être annoncé, les personnels attendent des annonces concrètes pour améliorer la qualité de vie des séniors et des employés.

Dans un Ehpad de Coucy-le-Château, dans l'Aisne, les résidents semblent épanouis, mais en interne, la situation est plus tendue. La direction s'apprête à annoncer un déficit en fin d'année, au minimum 126 000 euros, pour la première fois.

Inflation, taux du livret A, dépenses imprévues...

Les raisons sont multiples. Amandine Dos Santos, directrice, en liste plusieurs. D'abord, "l'inflation qu'on subit tous actuellement et qui n'est pas forcément complétée par le prix de la journée ou par les autorités de tutelle", le Conseil départemental et l'Agence régionale de santé (ARS). Le prix de leurs maintenances, lié à l'inflation, a aussi augmenté.

Ensuite, le prêt qui a été contracté "pour la reconstruction" de l'établissement n'arrange pas les choses. Il s'agit d'un prêt à taux variable indexé sur le taux du livret A. "Donc là, il est à 3%, ce n'est pas forcément confortable pour nous parce qu'on est passés de 74 000 à 200 000 euros d'intérêts". Enfin, le groupe électrogène est en panne, ce qui les a poussés à en louer un d'urgence. Il leur revient à 4 000 euros par mois.

La direction a beau essayer de faire des dépenses raisonnables, elle ne trouve pas de solutions pour améliorer le déficit. "Je ne sais pas si on est un bon élève, mais on va dire qu'il y a une bonne gestion, explique Amandine Dos Santos. Il y a aussi eu une reconstruction qui a été faite avant toute cette augmentation, et on avait du patrimoine qui a pu être vendu, issu de l'ancien établissement, ce qui a permis d'éviter d'être trop endetté".

Je suis à 98% de taux de remplissage. C’est-à-dire que même à 98 %, on n’y arrive pas. Ce n’est pas un probleme de gestion, ni de remplissage.

Amandine Dos Santos, directrice de l'Ehpad

Vers la mise en place prochaine d'un tarif différencié

La directrice relativise et souligne que, malgré tout, son Ehpad s'en sort mieux que d'autres. Certains établissements ont dû faire des demandes de fonds d'urgence auprès de l'ARS à cause de leur déficit qui tourne autour des 400 000 euros. C'est pourquoi elle note que leur situation "n'alerte personne pour le moment, étant donné qu'on a encore un peu de trésorerie. On n'est pas parmi les pires, c'est ce qui m'alerte".

Elle et ses collègues d'autres établissements réclament un "vrai projet sur la loi grand âge". Au cours des Assises des Ehpad, plusieurs pistes ont été évoquées : la fusion de la section "soins et dépendances", qui va être effectuée par certains départements ou encore d'autres politiques qui proposeraient des assurances individuelles, peut-être "sous forme de mutuelle pour payer la dépendance".

On attend surtout que le grand âge, nos vieux, soient une priorité pour le gouvernement.

Amandine Dos Santos, directrice d'Ehpad

Pour certains politiques, c'est à l'État de prendre en charge la dépendance, car il s'agit d'une "affaire sociale et tout le monde doit faire l'effort". D'autres ont proposé aux Ehpad des mutuelles afin qu'elles aient "l'obligation de payer la dépendance par la suite, ce qui nécessite forcément une augmentation des mutuelles".

Une solution est tout de même ressortie : la mise en place prochaine d'un tarif différencié proposé aux résidents en fonction des revenus, probablement à partir de 2025. Mais Amandine Dos Santos, qui héberge 40% de personnes habilitées à l'aide sociale, ne pourra l'appliquer. "Je serais obligée d'être au plus bas, c'est un semblant de solution qui n'est pas suffisant", regrette-t-elle.

L'Ehpad ne peut pas non plus augmenter ses tarifs à cause de la signature d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. "Et le tarif a déjà augmenté de 4 euros" au 1er janvier 2024.

Une crise de la profession

Au-delà de toutes ces contrariétés économiques, l'Ehpad peine à recruter. "Il y a beaucoup d'offres d'emploi et au niveau des aides soignants, il y en a peu qu'on reçoit à la suite de candidatures. Ils ont déjà vu plusieurs établissements, et souvent, ils ont plusieurs réponses positives", observe Alexandre Ramos, infirmier coordinateur au sein de cet établissement de l'Aisne.

Qu'est-ce qui l'explique ? Le secteur de la personne âgée est en difficulté. Les écoles d'aides soignants ont de plus en plus de mal à remplir leur quota d'étudiants. Chez les infirmiers, "c'est encore pire, on a vraiment un déficit, il en manque vraiment et c'est vrai qu'il faut se montrer compétitif face à tout ça". L'entraide est donc de mise entre les collègues dans cet Ehpad axonais pour réussir à le maintenir debout.

L'établissement essaie de s'adapter en étant flexible sur les plannings, de répondre favorablement aux demandes des employés quand c'est possible. "On essaie d'avoir de la communication avec les nouveaux, de les doubler quand ils arrivent, de bien les intégrer pour qu'ils puissent rester chez nous", conclut Alexandre Ramos.

Face à cette crise de la profession, une mobilisation nationale est prévue mardi 24 septembre dans tout le pays pour alerter sur la situation des Ehpad, des séniors et faire passer un message essentiel : "les vieux méritent mieux".

Avec Mary Sohier / FTV

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