Si le château fort de Guise est actuellement fermé au public, il est ouvert aux chercheurs du CPIE de Thiérache. Leur mission, confiée par la Région, depuis 2 ans : recenser les chauves-souris qui hibernent dans l'édifice. Un point stratégique pour comptabiliser les populations.
Muni d'une lampe troche et d'une paire de jumelles, Guénael Hallart n'arpente pas les allées humides du château fort de Guise à la recherche d'un quelconque trésor. Le responsable de l'antenne Thiérache du Centre permanent d'initiatives pour l'environnement (CPIE) des Hauts-de-France fouille du regard le moindre recoin en hauteur pour trouver des chauves-souris.
Et selon l'endroit où il est, il sait exactement quelle espèce de chauves-souris il va observer : "ici, dans la grande d’entrée, comme les plafonds sont très très hauts, ça plaît plutôt aux chauves-souris de courants d’air, des chauves-souris qui vont chercher les entrées froides, murmure-t-il. On cherche d’abord à la torche si on n’a pas une petite tête noire ou une petite tête grise avec de grandes oreilles qui dépasse. Et si on a un doute, on prend les jumelles pour vérifier."
Un lieu idéal pour l'hibernation
Pipistrelle, murin de Natterer, murin à moustache, barbastelle. Le fort de Guise est un lieu stratégique pour l'hibernation des chauves-souris : fermé au public en hiver, il offre l'humidité, l'obscurité et la fraîcheur que recherchent les chiroptères pour passer l'hiver. Ce qui en fait l'un des sites témoins phares dans le nord de l'Aisne.
Et ce n'est pas toujours accrochées aux anfractuosités de la pierre que Guénael trouve ces petites bêtes mal aimées : dissimulée derrière une plaque d'orientation en métal, "on a une sérotine, nous montre-t-il. Une sérotine commune. C’est une grosse chauve-souris marronne. Elle est aussi foncée sur le ventre que sur le dos. C’est ce qui la différencie des autres chauves-souris qu’on voit ici. Elle fait presque 12 cm. C’est une grande chauve-souris. Et elle est cachée derrière la plaque. C’est normal de trouver une chauve-souris dans ce genre d’endroit. Et c’est même plutôt normal pour ce genre d’espèce : ce n’est pas une chauve-souris qui cherche à se mettre spécialement à l’abri du froid. Les courants d’air, ça ne la dérange pas trop. En général, on la trouve dans les galeries, à hauteur d’homme. Typiquement derrière cette plaque, c’est assez courant. On en avait trouvé une première ce matin et pareil, elle était tout à l’entrée du château dans un trou de parpaing. On n’en voit jamais beaucoup ici. On n’en voit en général qu'une ou deux. On en a observé déjà deux donc c’est très bien."
L'équipe du CPIE Thiérache scrute tous les interstices, cavités et autres crevasses des lieux. L'intérieur des murs est lui aussi passé à la loupe. Ou plutôt à la caméra endoscopique. Introduit dans les trous des parpaings, l'endoscope permet de pouvoir observer les chauves-souris qui sont suffisamment petites pour se faufiler dans ces petites alvéoles et que l'œil nu ne pouvait pas détecter. "Ça fait vraiment de belles loges pour elles. Parce que c’est impossible de les déranger à l’intérieur. C’est comme un nichoir idéal", explique Guénael.
En une matinée, ce jour-là, le CPIE a pu observer une quinzaine de pipistrelles grâce à ce matériel. Mais la cavité qui va être inspectée va révéler une excellente surprise : "extra ! Il y en a trois ! compte Guénael. L’année dernière, on n'avait trouvé qu'un seul Natterer. Et ça nous avait fait plaisir. Et là, en trouver trois, ça nous montre l’intérêt de prospecter les parpaings."
Des effectifs stables voire en hausse
Cela fait une quinzaine d'années que les chauves-souris du fort de Guise sont recensées. L'idée n'est pas d'avoir un chiffre précis mais plutôt une vue globale de l'évolution des effectifs : "il y en a toujours qui nous échappent, admet Guénael. Mais peu importe : l’important, c’est de pouvoir comparer d’une année sur l’autre. Et on peut comparer quand même parce que la proportion de celles qui nous échappent doit être toujours à peu près la même. L’intérêt, c’est d’avoir une image année après année de l’effectif de chauves-souris. Comme beaucoup du secteur se rassemblent en hiver dans le château, ça nous donne une idée de l’évolution des populations de chauves-souris globalement."
En Thiérache, une dizaine de sites servent à comptabiliser les chauves-souris. Depuis le début du recensement, leur population est stable. Fin février, le comptage sera terminé. En 2023, dans le nord de l'Aisne, 503 chauves-souris avaient été observées dans les sites témoins de référence et les secondaires. Un chiffre en légère hausse par rapport à 2022.
Certaines espèces ont cependant augmenté en nombre un peu plus que les autres, "par exemple, le grand murin. Ici, avant, on n’en avait jamais plus de 5. Aujourd’hui, on en est à une quinzaine voire une vingtaine et ça a été une augmentation progressive sur les 15/20 ans. Ce qui est intéressant, c’est qu’on observe cette augmentation sur les plus petits sites dans un rayon de 30 km. Et cela nous a permis de constater une amélioration des effectifs du grand murin alors qu’on partait de très très bas."
Avec Léna Malval / FTV