Bien que membre de l'opposition, le député Les Républicains de Saint-Quentin estime avoir obtenu un accord avec la majorité présidentielle pour faire adopter sa proposition de loi sur les retraites des chefs d'exploitations agricoles. Grâce à elle, les pensions seraient calculées à l'avenir sur leurs 25 meilleures années et non plus sur l'ensemble de leur carrière.
Lutter contre la faiblesse des retraites agricoles, c'est un vieux combat de la profession. Un combat qui a trouvé un écho particulier auprès du député Les Républicains de Saint-Quentin. Pour Julien Dive, "C'est un enjeu d'appétence pour le métier et aussi pour préserver le système de redistribution. Dans les 10 ans, 50 % des exploitants vont partir en retraite".
Bien qu'élu de l'opposition, le parlementaire de l'Aisne espère réussir à faire adopter sa proposition de loi sur le sujet. Elle sera soumise au vote ce jeudi 1er décembre à 9h à l'Assemblée nationale. "À l'occasion de la niche parlementaire, chaque camp peut présenter des propositions. Peu sont votées en général, mais il y a des exceptions", explique Julien Dive. La proposition de l'élu axonais pourrait en être un exemple. Au terme d'âpres négociations politiques, Julie Dive aurait finalement obtenu un accord de la majorité dans ce but.
400 000 à 500 000 agriculteurs concernés
Si sa mesure entre en vigueur, les retraites des non salariés agricoles (les chefs d'exploitations) seraient calculées sur les 25 meilleurs années de leur carrière et non plus sur l'ensemble. "Cela concerne 400 000 à 500 000 non salariés agricoles. Cela va du petit éleveur qui galère au viticulteur de Champagne ou du Beaujolais. Ils touchent en moyenne 600 euros de moins par mois qu'un salarié du régime général et c'est souvent inférieur à 1 000 euros", explique le député de l'Aisne.
"Dans quelques semaines nous aurons la réforme des retraites. C'est un sujet qui anticipe. C'est un régime oublié depuis plusieurs années. Il faut commencer par un bout", précise Julien Dive qui avance d'autres idées pour l'avenir comme la réversion pour les couples pacsés ou le gain de trimestres pour les bénévoles associatifs.
Toute mesure propre à revaloriser les retraites est évidemment soutenue par les syndicats agricoles. Selon un communiqué de la FNSEA, "tous régimes confondus, y compris les régimes complémentaires, les anciens non-salariés agricoles (chefs, conjoints et aides familiaux) ayant eu une activité agricole perçoivent une pension de 1 150 euros bruts mensuels (à comparer avec la moyenne nationale qui dépasse 1 500 euros bruts)".
Une vieille revendication
En 2012, Henri Carton, retraité agricole à Marly-Gomont dans l'Aisne avait déjà été sous le feu des projecteurs pour avoir mené le combat en faveur d'une revalorisation des pensions. Il avait même fini par être reçu à l'Elysée. "C'est une vieille revendication. Depuis 20 ans que je suis en retraite on demande cela. C'est une revendication très juste. Il n'est pas normal que l'on calcule sur toutes les années alors que les revenus fluctuent énormément en fonction de l'année et de la météo. Quand on pense que pour les fonctionnaires, c'est sur les 6 derniers mois", déplore le retraité. Henri Carton reconnait néanmoins des améliorations ces dernières années, mais "on est encore loin de la moyenne. Un euro cotisé doit donner le même rendement pour tout le monde".
La mesure défendue par Julien Dives pourrait, dans le meilleur des cas, ajouter quelques centaines d'euros supplémentaires par mois à la retraite des agriculteurs. Pour Henri Carton, "ça ne peut qu'augmenter, car on supprime les moins bonnes années. Ça fait un petit plus, mais ce n'est pas énorme quand même".
Son successeur à la tête de la Section des anciens exploitants agricoles de l'Aisne, Marcel Decorte, y voit également une avancée. "Il faut espérer que ça va changer. Ça devrait amener 300 à 400 euros par mois en plus. Ce n'est pas normal, vous démarrez avec beaucoup d'emprunts. Il y a une dizaine d'années à galérer. Nous avons un système issu du revenu cadastral. C'est un système compliqué et cela va être dur de passer de l'ancien système au nouveau". Une complexité qui explique d'ailleurs pourquoi la mesure ne s'appliquerait qu'en 2026. Le député a dû s'y résoudre alors qu'il visait plutôt 2024.
Un effet limité
De son côté Charlotte Vassant, la présidente de l'Union des syndicats agricoles de l'Aisne craint que la portée de la mesure soit insuffisante. "Nous, on espère cela depuis une quinzaine d'années. On s'installe à 35 ans en moyenne. Entre 35 et 63 ans ça fait 28 ans, au mieux ce sont 3 années qui ne vont pas compter", calcule la représentante agricole.
Pour autant, elle espère que la proposition sera adoptée. "On met des années pour être reconnus. Les retraites sont inférieures à tous les autres régimes : 1 150 euros bruts mensuels en moyenne contre 1 500. Pour les jeunes qui s'installent le niveau de la retraite fait que le métiers n'est pas des plus attractifs", estime la représentante agricole.
Technique, le sujet est aussi politique. Si la proposition a d'abord été rejetée en commission des affaires sociales (18 voix contre 18), Julien Dive veut croire que l'accord trouvé avec le gouvernement et la majorité permette finalement à sa mesure d'être adoptée. "Si la proposition était rejetée cela ferait polémique et cela pourrait courroucer", prévient l'élu de l'Aisne.