L'association médico-sociale Anne Morgan a mis en place depuis le 11 octobre des groupes de parole pour permettre aux enfants de se libérer des violences auxquelles ils ont pu assister. Une éducatrice et un psychologue animent ces séances qui se tiennent le mardi soir à Soissons. Les enfants, victimes collatérales des violences conjugales, sont souvent les grands oubliés de leur prise en charge.
L'ampleur de la tâche est immense. Armés de leurs convictions, Peggy Servain, éducatrice, et Jean-Luc Delval, psychologue, s'attaquent à un océan de détresse dont les frontières sont mal cartographiées.
Certes la prise de conscience face à la réalité des violences conjugales est de plus en plus large, mais les conséquences sur les enfants, témoins de ces drames, sont encore très peu prises en compte.
À l'origine, un appel à projet de la CPAM a permis la création de ces ateliers. "J'avais déjà beaucoup travaillé sur ces questions dans le cadre du centre maternel de Laon, mais il n'existait pas dans le département de structures spécifiques pour les enfants." Peggy Servain avoue encore manquer de recul après seulement 3 séances, mais elle ne doute pas un seul instant de l'intérêt de la démarche.
7 enfants au total répartis en deux groupes d'âge, l'un pour les 6-9 ans et l'autre pour les 10-12 ans, participent à ces réunions interactives pour se libérer du poids des violences dont ils ont été les témoins. "Nous n'abordons jamais directement la question, le dessin joue au départ un rôle de médiation pour permettre peu à peu des échanges avec le reste du groupe et les animateurs."
La mairie de Soissons à mis à la disposition de l'association Anne Morgan la salle Gisèle Halimi pour permettre cette action. Pour le moment, des séances sont planifiées jusqu'en mars 2023. Des suivis particuliers pourraient suivre selon les profils détectés.
"Les enfants nous sont confiés par les unités territoriales d'action sociales, d'autres proviennent d'hébergements d'urgence. Nous avons également pris un enfant en charge à la demande de sa mère", précise Peggy Servain
Les violences conjugales peuvent entraîner chez les enfants témoins, qui ne sont pas pris en charge, des troubles du comportement, des troubles de l'apprentissage et des conduites addictives
Jean-Luc DelvalPsychologue
Aux côtés de Peggy Servain, un psychologue officie chaque mardi. Pendant 40 ans, Jean-Luc Delval a été à l'écoute de la détresse des mères et des enfants au centre maternel du bois Charron à Laon. Son travail se poursuit à Soissons désormais sous une autre forme. Les enfants sont écoutés pendant au moins une heure, une relation de confiance doit s'établir pour permettre l'expression des non-dits. "Sentiment de culpabilité, colère, incompréhension, "dégagement" de la figure du parent mortifère, les expressions des traumatismes revêtent des formes diverses. La prise de parole peut permettre à l'enfant atteint de renouer le contact, au terme du processus, avec le père violent", affirme Jean Luc Delval.
Le psychologue insiste sur le manque d'accompagnement de ces enfants, victimes collatérales de violences qui peuvent avoir pour cause des questions de parentalité. "Un facteur qui augmente encore, le poids à supporter pour des enfants à qui l'on ne cesse pourtant de répéter qu'ils n'y sont pour rien."
Même si les tribunaux demandent parfois un suivi pour ces mineurs pris dans l'enfer des violences conjugales, le manque de moyens ne permet pas de traiter davantage ces souffrances regrette Jean-Luc Delval. La priorité des autorités reste la mise en sécurité des enfants, ce qui est essentiel mais pas forcément suffisant.