L'association régionale de défense des victimes, basée à Dunkerque, craint un risque d'injustice.
La Cour de cassation a ouvert vendredi la voie à l'indemnisation du préjudice d'anxiété pour tous les travailleurs exposés à l'amiante, sous certaines conditions qui laissent présager des débats complexes devant les tribunaux.
"Préjudice d'anxiété"
Le "préjudice d'anxiété", consacré en 2010 par cette Cour, permet l'indemnisation de personnes qui ne sont pas malades, mais qui s'inquiètent de pouvoir le devenir à tout moment.S'agissant de l'amiante, la Cour de cassation restreignait jusqu'ici ce mécanisme aux seuls salariés dont l'établissement est inscrit sur des listes ouvrant droit à la "préretraite amiante" : les travailleurs de la transformation de l'amiante ou de la construction et de la réparation navale.
Cette décision élargit donc le nombre de personnes pouvant prétendre à de telles indemnités, qui ne s'élève toutefois qu'à quelques milliers d'euros. On pense notamment aux victimes de la contimation à l'amiante de Normed Dunkerque, qui tentent depuis leur première plainte il y a 23 ans d'obtenir un procès des responsables nationaux du scandale sanitaire.
L'ARDEVA (Association régionale de Défense des victimes de l'amiante dans le Nord Pas-de-Calais) avait par ailleurs lancé une nouvelle offensive judiciaire en janvier.
Dans son arrêt rendu vendredi, la Cour de cassation reconnaît que "le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements" listés.
"De nombreux salariés" dont l'angoisse de devenir malade ne pouvait être indemnisée jusqu'ici "ont pu être exposés à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé", a reconnu la haute juridiction.
Risque d'"injustice"
Dans un communiqué, plusieurs syndicats et associations de victimes ont salué vendredi soir la fin d'une "injustice", une "étape essentielle" dans leur combat."La porte est ouverte, alors qu'avant elle était fermée", s'est également félicité Alain Bobbio, de l'Association nationale des victimes de l'amiante (Andeva). "On va enfin avoir des dockers, des ouvriers du bâtiment qui pourront faire valoir leurs droits".
À Dunkerque, l'ARDEVA n'est pas tout à fait du même avis, regretant que les cas soient traités au cas par cas.
"Cette dernière décision de la Cour de cassation est une bonne chose, mais le problème aujourd’hui est que chaque tribunal devra apprécier souverainement si le salarié a subi une exposition à l’amiante générant pour lui un risque élevé de développer une pathologie grave" a indiqué le président de l'ARDEVA Pierre Pluta sur France Info. "Or, les juges n’ont pas évidemment les compétences pour évaluer ce risque élevé".
Pour lui, cette décision amènera "des décisions arbitraires qui seront perçues comme injustes. Pour une même situation individuelle, un tribunal pourra attribuer le bénéfice du préjudice d’anxiété et un autre le refusera sans aucune raison objective".