ARCHIVE. A l’occasion d’une semaine de la sécurité routière à Douai, petite enquête sur la femme au volant en 1968

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A Douai en 1968, une automobiliste répond à une enquête sur la femme au volant
Enquête sur la femme au volant à Douai en 1968 ©INA

L’Automobile Club du Nord de la France organise en mai 1968 une semaine de la sécurité routière. A cette occasion, une journaliste de l’ORTF se rend à Douai pour une petite enquête sur la femme au volant.

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Mais qui est cette dame qui accroche son parapluie à la poignée du starter et met son clignotant à droite pour tourner à gauche ? Quand elle n’installe pas son nécessaire à maquillage sur le tableau de bord… Selon certains, il s’agirait de la femme au volant. Un spécimen étrange, dénué de toute aptitude à la conduite automobile.

Et qui plus est, gratifié de qualificatifs croquignolesques : maladroite, dangereuse, distraite, peureuse, émotive… Pour résumer, la femme au volant est une godiche.

L'automobile, c'est une affaire sérieuse

Et comment la femme, avec sa conduite légère, pourrait-elle la comprendre ?

Les symboles sont forts : puissance, virilité, vitesse etc. Autant d’images que publicités et industriels se sont employés à forger depuis le début du 20ème siècle, dessinant en creux le portrait d’une femme évidemment ravissante mais totalement inculte en matière de conduite automobile. Néanmoins, une femme très réceptive aux atouts virils de la voiture, comme à ceux de son conducteur.

Car oui, la voiture est aussi faite pour séduire, et même dans ce 21ème siècle. En 2019, Volkswagen promeut ainsi son modèle SUV T-ROC : "Faites en sorte que l’amant de votre femme, ce soit vous".

L'automobile reste un marqueur fort de la masculinité, mais les mœurs ont tout de même évolué depuis les années 60. Même s’il reste des progrès à faire, certaines postures restent immuables. L’Automobile Club de France, par exemple, ne s’est toujours pas décidé à ouvrir sa porte aux femmes…

Des clichés en nombre, mais il y a de l'espoir

Si les préjugés sexistes ont la vie dure, études et statistiques déconstruisent petit à petit cette image d’arrière-garde. Ainsi ce vieil adage particulièrement rétrograde, "Femme au volant, mort au tournant", que la Sécurité Routière s'emploie à dénoncer en tordant le cou aux idées reçues.

Car non, les femmes au volant ne sont pas des dangers publics : plus respectueuses que les hommes du code de la route, beaucoup moins enclines à prendre le volant en étant alcoolisées, elles causent aussi beaucoup moins d’accidents mortels que la gent masculine. Et oui, elles peuvent aimer la mécanique ! Pour preuve, un secteur de l’automobile qui se féminise enfin, lentement mais sûrement.

Dans un domaine plus consumériste, près de la moitié des femmes aujourd’hui achètent leur voiture seule. Les constructeurs ne s'y sont pas trompés, qui s'évertuent à développer des modèles très ciblés à destination de la gent féminine. De jolie godiche à fine connaisseuse, le changement de statut est en bonne voie !

Femmes et voiture, une histoire qui date

Dès la fin du 19ème siècle, certaines femmes se passionnent pour ces engins à quatre roues et s’illustrent dans un univers pourtant très masculin.

Elles réalisent des exploits : ce voyage incroyable de 106 km réalisé par Bertha Benz en 1888, une première participation féminine française au Paris-Berlin de 1901 avec Camille du Gast, ce tour du monde en voiture dans lequel se lance Clärenore Stinnes en 1927…

Pionnières, aventurières, mais aussi inventrices : le chauffage de l’habitacle, c’est Margaret Wilcox en 1893 ; le rétroviseur, c’est Dorothy Levitt en 1909, pour ne citer qu’elles.

La duchesse d’Uzès est la première femme en 1898 à obtenir son  permis de capacité (ancêtre du permis de conduire), mais très peu de femmes pourront lui emboiter le pas. 

A l’époque les plaisirs de la conduite ne sont réservés qu’aux gens les plus fortunés, essentiellement des hommes. On imagine la difficulté pour les dames d’accéder aux frissons du volant, d’autant plus si elles ne bénéficient pas d’un statut social élevé.

Mais ces pionnières ouvrent la voie aux années 60, au cours desquelles, en même temps qu’elles s’émancipent, les femmes prennent le volant.

Il faudra tout de même attendre 1976 pour que le nombre de permis accordés aux femmes dépasse celui des hommes, une inversion de courbe qui va perdurer jusqu’aux années 2000.

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