Malgré la "pression policière", les migrants de Calais s'accrochent à l'Angleterre
"Si on ne se décourage pas, c'est parce qu'on voit nos amis passer en Angleterre", confie un jeune Érythréen en repliant sa tente. Malgré la "pression policière" dénoncée par les associations, entre 350 et 500 migrants vivent toujours à Calais, ville "forteresse", portés par l'espoir de traverser la Manche.
"Police is coming !", crie un jeune Éthiopien en apercevant un fourgon de policiers arriver sur le terrain vague d'une zone industrielle où une centaine de réfugiés viennent de passer la nuit. Il est 8H30 et les forces de l'ordre s'apprêtent à démanteler leur petit campement.
"Ils font ça tous les deux jours", comm ente, las, Mohammed, Pakistanais, regroupant ses affaires dans son petit sac à dos. Dès que les policiers seront partis, comme les autres, il se réinstallera ici.
Les policiers "viennent, on revient, et encore et encore... Je ne comprends pas", souffle plus loin un migrant arrivé voici trois mois du sud de l'Afghanistan.
"Une routine absurde et une pression constante qui épuise les migrants", dénonce Charlotte de l'association Utopia 56. "Une action de police pour éviter la reconstitution de zones de non-droit", explique au contraire le préfet du Pas-de-Calais, Fabien Sudry.
Jusqu'à 500 réfugiés
Entre 350 et 500 réfugiés selon les sources vivent actuellement à Calais – majoritairement des hommes, originaires du Soudan, d'Éthiopie, d'Érythrée, d'Afghanistan, d'Irak et, depuis peu, d'Iran – disséminés dans des petits camps.Les associatifs leur distribuent de la nourriture, des vêtements, des duvets et leur proposent des soins. L'État a installé des points d'eau et distribue des repas depuis presqu'un an.
La préfecture propose par ailleurs des places dans des centres d'accueil. "Trop éloignées de Calais" et "pas adaptées aux personnes qui ne relèvent pas du droit d'asile", affirme Utopia 56. "Un espace de répit", rétorque la préfecture.
Depuis le démantèlement, en 2016, du camp de la Lande, où vivaient quelque 10.000 migrants, les autorités s'emploient à empêcher la création d'une nouvelle "Jungle" à Calais et à décourager les tentatives de passage.
Á cette fin, un mur et des dizaines de kilomètres de hauts grillages existent déjà ; récemment, un nouveau mur de 3 mètres de haut a été construit autour d'une station Total pour empêcher les intrusions de migrants dans des camions et des grillages ont été installés sous un pont pour les empêcher de s'abriter.
Du "harcèlement" ?
Sur le terrain, "les consignes sont de recenser les camps et de les démanteler quotidiennement si possible", affirme Gilles Debove, responsable littoral du syndicat Unité SGP Police. Cette politique permet, selon lui, "de contenir le peu de migrants sur la frontière" en "les décourageant de s'implanter sur le secteur"."Mais, quand tous les matins, on vient vous déloger à 8H00 pour vous relaisser vous réinstaller 30 minutes après au même endroit, ce n'est pas une politique, c'est du harcèlement", dénonce Jean-Claude Lenoir, de l'association Salam.
"Les gens sont à bout et mettent encore plus d'énergie pour essayer de passer à tout prix", déplore aussi Christian Salomé, de l'Auberge des Migrants. Pour preuve, selon lui, la hausse des traversées de la Manche sur des petits bateaux: depuis le 1er janvier, la préfecture maritime a déjà comptabilisé 50 traversées ou tentatives de traversée.
"On ne fera pas demi-tour si près de notre but"
"Il y a nombre de migrants qui restent déterminés à se rendre coûte que coûte en Grande-Bretagne (...) mais la pression sur Calais est nettement moins forte parce que l'État est déterminé à permettre au territoire de retrouver un peu de sérénité et une vie normale", assure à l'AFP le préfet Fabien Sudry.En témoignent, selon lui, les chiffres: 25.946 migrants ont été découverts dans des camions à la frontière en 2018 contre près du double (50.395) en 2016. De même, 26 barrages ont été érigés par des migrants pour tenter de grimper dans les camions en 2018 contre... 865, deux ans plus tôt.
"La seule raison pour laquelle nous restons ici, c'est parce qu'on veut rejoindre l'Angleterre. On ne fera pas demi-tour si près de notre but", résume Abebe, Ethiopien, à Calais depuis un an.