"Ma barbe, c'est pour suivre un ordre du prophète !" : cinq jeunes Lensois ont comparu lundi devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir rejoint ou tenté de rejoindre la Syrie en 2014 pour combattre auprès de l'organisation État islamique.
Les prévenus sont un converti à l'islam, Gaëtan Vandevelde, 23 ans et quatre jeunes d'origine marocaine : deux frères, Abdel-Latif et Sofiane Ouhemmou, âgés respectivement de 21 et 19 ans, Abdallah Boukfou, 25 ans et Mohamed El Baz, 34 ans, ce dernier toujours en Syrie étant sous le coup d'un mandat d'arrêt.
La procédure débute en octobre 2014 par un signalement à la police de la famille Boukfou sur la disparition de leur fils qui les a appelés pour leur dire qu'il se rendait en Syrie. Expulsé de Turquie après un séjour de plusieurs mois en Syrie, le jeune homme sera interpellé à son arrivée en France. Il expliquera avoir été emprisonné par l'Etat islamique pour avoir refusé de combattre et pu quitter son emprise en promettant de faire sauter un pont à Paris, avant de revenir sur ses propos.
L'enquête montrera qu'il avait été auparavant contrôlé au Luxembourg en compagniede G aëtan Vandevelde, qui venait lui d'effectuer un séjour en Syrie avec son épouse enceinte et sa fille de 21 mois. L'homme a expliqué s'être rendu en Syrie, via Genève et la Turquie, pour effectuer la hijra (émigration vers un pays musulman). Il affirme y être resté trois semaines sans combattre ni s'entraîner avant de regagner la France, se disant déçu par "le comportement de ses frères".
Leurs investigations conduiront les policiers à s'intéresser aux frères Ouhemmou, qui étaient en relation téléphonique avec Vandevelde. Ils ont été interpellés par la police turque alors qu'ils cherchaient à pénétrer en Syrie. Le cinquième prévenu, Mohamed El Baz, fréquentait comme les quatre autres la mosquée de Lens. Il avait quitté la France en octobre 2014 dans une voiture avec son épouse et ses enfants et a pu gagner la Syrie où il serait toujours.
Peu importe la loi des kouffars
Dans le box, Vandevelde, arborant barbe épaisse et cheveux longs, est interrogé par le président sur son apparence. "Pour moi, c'est avant tout religieux, c'est suivre un ordre du prophète mais c'est aussi esthétique, je me trouve beau avec la barbe et ma femme aussi", dit-il. Il confirme avoir rencontré son épouse sur un site musulman. Son annonce spécifiait deux conditions : le port du niqab et le souhait d'immigrer dans un pays musulman.Sur des écoutes, le jeune homme, dépeint comme "un salafiste" par l'imam de Lens, fait preuve de radicalisme. "Le seul jugement qui compte pour les musulmans (...) c'est la charia d'Allah, le Coran et la sunnah (chemin, pratique, ndlr) (...), peu importe la loi des kouffars (qui ne croient pas en Allah), il ne faut pas accepter leur jugement."
"J'essayais d'être dur pour paraitre crédible, me donner une image", justifie le prévenu. Il dit être opposé à la loi française sur le port du voile islamique, tout en affirmant qu'il n'ira pas "se battre avec la police pour imposer ses idées" mais préfèrera émigrer vers un pays musulman. Incarcéré à Fleury-Mérogis, il y suit depuis mars un programme de déradicalisation dans une unité dédiée aux islamistes radicaux, tout comme Abdallah Boukfou à la
maison d'arrêt d'Osny (Val d'Oise).
"Mais je suis pas radical, je suis quelqu'un d'ouvert", rectifie Vandevelde. Il dit participer aux activités théâtre ou "yoga pour relâcher la pression", mais regrette son isolement. "On est un peu comme des rats de laboratoire", dit-il. Un rapport sur Boukfou remis au président par l'administration pénitentiaire souligne une évolution du détenu qui participe aux ateliers, "paraît plus serein et commence à se projeter dans des projets d'avenir".
Le procès se poursuit mardi, le jugement est prévu dans la soirée.