Ce dimanche 20 décembre avait lieu une manifestation contre le projet de serre géante près de Berck dans le Pas de Calais, alors que le permis de construire a été délivré et que les travaux devraient débuter en 2021.
“Il est aussi stupide et incohérent de faire des serres tropicales dans le nord de la France que de faire des pistes de ski dans le désert du golfe persique.” Ce dimanche 20 décembre en tout début d'après-midi, ils étaient environ 200 personnes à brandir des pancartes colorées sur cette terre ventée entre Rang du Fliers et Verton, sur la Côte d’Opale dans le Pas-de-Calais. Leur objectif, dire non à Tropicalia, le projet de serre géante qui devrait pousser sous leurs pieds, alors que le permis de construire a été délivré et que les travaux devraient commencer en 2021.
Est-ce qu’on se rend compte de l’urgence climatique ? Je me pose la question quand je vois des projets pareils.
Héloïse, qui fait partie de la Convention citoyenne pour le climat, n’y va pas par quatre chemins. “Est-ce qu’on se rend compte de l’urgence climatique ? Je me pose la question quand je vois des projets pareils. Il faut agir maintenant et vite, on le sait, on l’entend tous les jours aux informations. Le gouvernement nous dit qu’il en a conscience, et en même temps, il y a des projets comme Tropicalia qui se mettent en place, et qui entrainent une perte de biodiversité, une urbanisation, une bétonisation. Alors oui, je me pose beaucoup de questions”, s’insurge la jeune femme.
Sur cette terre objet de conflit entre ces militants et le promoteur de la serre, s’étirent d’anciens champs, le marais de Balaçon, des prairies humides et des bocages protégés. En 2010, l’immense terrain est transformé en zone d’aménagement concerté (ZAC). On prévoit d’y faire construire des logements et des activités économiques.
Une serre pour rendre la biodiversité tropicale accessible
C’est alors qu’entre en jeu Cédric Guérin. Ce vétérinaire et chef d’entreprise a pour projet de construire la plus grande serre au monde, abritant forêt tropicale, espèces exotiques, eau, bassin, montagne et cascade. Un microcosme artificiel abrité par une verrière d’éthylène tétrafluoroéthylène qui permettrait de “rendre accessible la biodiversité tropicale” et surtout de créer une centaine d’emplois directs et indirects.
Le projet prend forme. La région, la communauté d’agglomération, et même des fonds européens subventionnent 1/7e du budget estimé à 73 millions d’euros. Alors que le permis de construire est accordé fin 2019, la contestation de militants et de citoyens ne faiblit pas.
Des recours pour retarder le début de la construction
Des associations du collectif organisateur de la manifestation “Non à Tropicalia” déposent d’abord un recours gracieux rejeté en janvier 2020 pour que le permis de construire soit réévalué, puis un recours devant le tribunal administratif dont la décision reste à venir. L’été dernier, certains militants menaçaient d’y implanter une zone à défendre, à l’image de Notre Dame des Landes, sur cet immense terrain en friche.
“Ces recours ralentissent la procédure de construction” explique cette militante. “Nous déplorons de nombreuses insuffisances dans l’étude d’impact sur l’environnement qui a été faite. On n’imagine pas une intégration d’une telle structure de 30 mètres de haut et de 20 000 m2 dans cet environnement de plaine maritime fragile” détaille la cinquantenaire.
Pour cette autre militante qui note que les autorisations ont déjà été délivrées, il faut continuer à agir : "Tant que la construction n’a pas débutée, il y a de l’espoir. Et aujourd’hui, on ne peut plus fonctionner comme avant, à coup d’autorisation de construction sans consulter les citoyens".
Un acharnement dénoncé par les partisans de la serre
Les partisans de la serre dénonçent, de leur côté, un acharnement contre un projet qui prend place dans une ZAC arrêtée.
Bernard, commerçant de Berck aux cheveux grisonnants, un masque prônant VivaTropicalia sur le visage, est justement venu observer la manifestation. A l’écart, il explique qu’il existe “un gros argument économique. Dans notre région, il n’y a plus rien, à part les hôpitaux et le commerce. Plus une seule industrie. Cette serre géante fera vivre les gens, surtout en hiver. Les visiteurs s’arrêteront dans nos restaurants, nos hôtels. Tout le monde est pour sur la Côte d’Opale."
Il est d’ailleurs rejoint par Cédric Guérin en personne, l’inventeur de la serre. Ce dernier répond point par point à nos questions, à bonne distance des militants. “L’étude d’impact a été faite avec les services de l’Etat. Derrière moi, vous le voyez, on est sur une friche destinée à être construite entre un hôpital et des bâtiments. Ce n’est pas du tout ce qui est présenté comme un terrain à protéger. Le public a aussi été concerté à Berck, et ce dès le début. En mars dernier, nous avons fait une conférence qui informait toutes les retombées de Tropicalia, notamment écologiques.”
Aux critiques de protection de l’environnement justement, il répond que : “Aujourd’hui, on est capable de chauffer d’immenses structures avec des énergies vertes. Notre process, c’est de recycler la chaleur générée par l’effet de serre pour nos propres besoins. On peut difficilement faire plus écologique que ça”.
Au bout de quelques heures, les manifestants finissent par quitter les lieux. Ont-ils noté les deux hommes qui observaient, de loin, la scène ? Certainement pas, mais ce qui est sûr, c’est que la discussion entre ces deux camps n’aura pas lieu.