La Belgique autorise l'euthanasie depuis 2002. L'une de nos équipes a rencontré des médecins, des avocats et des familles de personnes, gravement malades, qui ont choisi de mettre fin à leurs jours. Un passage à l'acte qui n'a plus rien de tabou chez nos voisins.
Dans son bureau, elle n'est jamais loin de lui. En photo désormais. Sophie, la fille de Daniel Soudant est morte il y a 5 ans. C'est elle qui a décidé de mettre fin à son existence. Frappée à 20 ans par un cancer fulgurant, la jeune femme a fait le choix de l'euthanasie comme le lui permet la loi belge. Une demande respectée par son père. "Quand un jour, une personne m'a interpellé en disant "Vous êtes un assassin", j'ai dit "Vous ne comprenez rien"", raconte ce Bruxellois, la gorge nouée. "Quel est le parent, aimant son enfant qui, délibérément, va se dire "Je vais tuer mon enfant". Ce n'est pas tuer mon enfant, c'est la libérer. Parce qu'il fallait la voir souffrir comme elle souffrait. Je vais employer un terme terrible : je suis heureux que ça se soit passé et qu'elle n'ait plus souffert."
Reportage d'Yves Asernal et Jean-Marc Vasco.
Ce choix de l'euthanasie est possible en Belgique depuis une quinzaine d'années, Il a même été étendu aux mineurs depuis 2013.
Avocate au barreau de Bruxelles, Jacqueline Herremans s'est toujours impliquée dans les questions éthiques de son pays. Elle a vu les mentalités changer. "Ces lois ont permis la circulation de la parole", estime-t-elle. "Elles ont permis que l'on puisse aborder toutes ces questions de fin de vie d'une manière tout à fait apaisée, et franche, et honnête". A l'Institut Jules Bordet de Bruxelles, l'euthanasie n'est plus un sujet tabou. Les patients atteints de pathologies graves en parlent souvent au début de leur traitement, un repère dans leurs parcours de soin. "Les patients acceptent davantage la pénibilité de certains traitements", explique le médecin Dominique Lossignol. "Ils se disent : "Si je passe au travers, tant mieux, c'est le souhait de tout le monde. Mais si ça ne va pas, si je ne peux pas contrôler la maladie, je sais que mon médécin pourra m'aider le moment venu quand je choisirai pour moi le moment qui sera la limite". C'est quelque chose qui dans la construction de la pensée, est extrêmement fort."
Le cas de Marieke Vervoort a fait beaucoup parler ces derniers mois, bien au-delà de la Belgique. Atteinte d'une maladie musculaire dégénérative, cette athlète paralympique belge se sait condamnée.
Mais la perspective de pouvoir mettre fin à ses jours lui a permis de continuer à vivre. "Si je n'avais pas eu l'accord pour l'euthanasie, je me serais déjà suicidée", a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse en septembre lors des Jeux Paralympiques de Rio, où elle a décroché deux médailles - une d'argent et une de bronze - en sprint sur fauteuil.
L'an dernier, en Belgique, 2000 cas d'euthanasie ont été déclarés, soit 2% du nombre de personnes décédées dans le pays. Des chiffres en voie de stabilisation.