Dans l'Avesnois, un village a exprimé son inquiétude face à la perspective d'accueillir un centre d'accueil pour migrants. Projet finalement abandonné par la Préfecture.
Le plan de répartition des migrants de Calais en France continue de faire gronder certains élus. L'exemple de Gussignies est parlant. Dans ce village de 400 habitants, la création d'un centre d'accueil pour les exilés était envisagée jusqu'à hier mardi.
Inquiets, des habitants de Gussignies étaient venus dénoncer le passage en force de la sous-préfecture d'Avesnes-sur-Helpe, mais après plusieurs heures d'attentes, ils ont été soulagés. Jean-Jacques Bakalarz, le maire de cette commune de l'Avesnois, a annoncé que le projet était abandonné. "La sous-préfète a conscience qu'elle ne peut pas installer n'importe où des centres comme ça sans questionner les élus", a-t-il expliqué à la sortie d'une réunion de concertation. Preuve que le dialogue existe. Dans ce petit village paisible, c'est dans un centre de vacances que 60 migrants devaient être hébergés. Inadapté selon les habitants. "D'habitude ici, c'est des classes vertes. Avec des lits superposés pour enfants qui ne sont pas adaptés", explique Sylvia Duhamel, maire de Bruay-sur-l'Escaut.
La commune attire chaque année des milliers de touristes et l'arrivée à la hâte de ces migrants représenterait une menace pour l'attrait du village. "C'est du cache-misère pour vider Calais avant Noël, pense Xavier Bailleux, brasseur. Ce n'est que des problèmes qui sont déplacés. Ces problèmes se seraient retrouvés devant notre terrasse. Forcément, nos clients ne seraient plus venus retrouver ce qu'ils viennent chercher depuis maintenant plus de quarante ans."
Malgré les 500 000 euros prévus par l'Etat pour aider la commune dans l'accueil des réfugiés, ils disent leur village trop isolé et sans avenir pour les migrants. "Vous imaginez si c'était des jeunes de 25-30 ans toute une journée ici à rien faire, explique une habitante. Une association qui allait venir les encadrer pendant un mois, deux moi, six mois...Et après ?" "Peut-être à la limite, on pouvait intégrer une famille mais pas une soixantaine de personnes", affirme une autre.
"Pas de gros centres dans des petits villages"
Selon le plan de répartition du gouvernement, les Hauts-de-France (à l'exception du Pas-de-Calais) devraient accueillir 1000 migrants d'ici la fin de l'année. Mais Gussignies risque d'ouvrir la voie à d'autres communes frondeuses.Le choix de Gussignies était d'autant plus suprenant que le 21 septembre dernier, le gouvernement avait dit vouloir "éviter à tout prix" d'installer des centres "de grande taille dans des bourgs de petite taille". Ce qui n'aurait "aucun sens", avait même indiqué le ministre de l'Intérieur lors d'une audition devant la commission des Lois du Sénat, plaidant pour une "adéquation" avec la taille de la commune et "la nécessité d'avoir des tailles humaines pour procéder à un accueil de qualité".
Comment l'Etat va répartir les migrants ?
C'est l'Etat qui décide de l'implantation des centres d'accueil pour migrants. Depuis l'annonce du démantèlement de la "Jungle", le ministère de l'intérieur recense l'ensemble des lieux susceptibles d'accueillir les migrants. Ils doivent être sufiisamment grands mais aussi permettre une insertion dans le tissu local notamment avec l'aide active dun tissu associatif.Une fois ces lieux identifiés, vient la concertation avec les élus locaux. Et c'est souvent là que la bât blesse. Les élus et les habitants demandent à être consultés. Une commune de la Drôme a même organisé un référendum mais il vient d'être invalidé par la justice.
Toutes les régions, sauf l'Ile-de-France et la Corse, seront sollicitées. Compte tenu de l'existant, "8.200 nouvelles places" en centres d'accueil et d'orientation (CAO) doivent encore être créées pour les héberger le temps qu'ils réfléchissent à une éventuelle demande d'asile, et "les orientations devraient commencer à la mi-octobre".
Pour l'Etat, le défi est immense, et s'inscrit dans le droit fil d'une "réponse équilibrée, associant humanité et fermeté, à la crise migratoire", selon Beauvau.
Car il faut trouver les fameux hébergements -- dans des centres de vacances, des locaux de La Poste ou d'EDF.
A moins de huit mois de la présidentielle, le sujet est éminemment politique. Le président (LR) de la région Paca Christian Estrosi s'était inquiété de la
création de "micro jungles de Calais". "On ne peut pas tenir un double discours: on ne peut pas constamment mettre en cause l'Etat sur le fait qu'il ne gère pas cette situation et en même temps s'étonner que l'Etat prenne en charge cette politique", avait répondu la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, qui a dénoncé "des réactions très dures" à droite. La maire (LR) de Calais, Natacha Bouchart, avait jugé pour sa part que le plan gouvernemental arrivait "beaucoup trop tard". "Depuis deux ans, nous subissons les événements. Le gouvernement ne maîtrise pas le phénomène", avait-t-elle critiqué dans Le Parisien de mercredi. L'élue a fustigé également "certaines réactions très égoïstes" de la part de certaines communes appelées à accueillir des migrants.