Jouer au football féminin en milieu rural, un défi de taille pour les joueuses

Les femmes consacrent une heure par semaine de moins au sport que les hommes, en cause parfois le faible nombre de clubs ouverts aux filles. C'est le cas en football et notamment en milieu rural, là où l'offre était quasi inexistante pour les filles il y a quelques années.

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Fressenneville, 2200 habitants et un club de football dont la section féminine a été ouverte il y a quinze ans. Un exploit au coeur d’une zone désertique pour la discipline. Alors quand le club de football dans lequel joue sa fille voit son président partir, Eric Lenne retrousse ses manches :

C’était compliqué. Au début, on a pris 24-0 sur le premier match, après on prenait des 10-0, des 12-02. (...) Il fallait remobiliser les filles.

Ce petit club, enclavé entre la côte et Abbeville, a pris de plus en plus d’assurance à mesure que les filles ont gagné en jeu et en pugnacité.
Pourtant, mobiliser les femmes dans les clubs de localités peut s’avérer complexe. Selon le Baromètre annuel Sport Santé 2016 de la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire (FFEPGV), les femmes ayant une activité physique régulière, soit 63% d’entre elles, déclarent pratiquer trois heures de sport par semaine contre 3 heures et 54 minutes pour les hommes. Une différence qui s’explique notamment par un manque de temps, mais aussi par des contraintes de taille.
 

Un éloignement plus grand que pour les garçons

Sur les 60 licences que compte l’AS Nibas Fressenneville, une poignée seulement loge en ville : toutes les joueuses ou presque avalent l’asphalte pour venir à l'entraînement. Tessa Mini et sa mère jouent à Fressenneville et habitent à une quinzaine de kilomètres du club.

En plus des allers-retours au stade, il y a aussi la route pour aller aux matchs”, explique Tessa, qui fait ses études à Rouen. L’équation est simple : il y a peu de clubs féminins dans la région, les équipes se trouvent alors plus éloignées les unes des autres que celles des garçons. Mécaniquement, si une division régionale pour des garçons peut se réduire à un département, chez les filles, la division régionale peut aller jusqu’à des équipes de la banlieue de Lille.  
 

Parfois, “on a plus de route que de match”, confie Tessa qui ajoute :

ça pèse, mais c’est une activité sportive donc c’est bien.

Une pratique sportive que le club a su développer, en formant des éducateurs notamment. “On essaye d’avoir une structure correcte pour pouvoir jouer à un niveau intéressant”, raconte Grégory Plévert, l'entraîneur.

Une cohésion plus difficile à atteindre

Les garçons trouvent généralement un club dans leur village d’origine ou à proximité. Ils y grandissent et vont à l’école ensemble, la cohésion existe, car les relations sociales pré-existent. Pour trouver un club féminin, il faut se déplacer. Et pour la cohésion, partir de zéro. “Les filles viennent d’horizons différents, d’écoles différentes, il faut les amener à ce qu’elles s’entendent bien ensemble. D’où l’importance des entraînements, des fois on fait des petites soirées pour maintenir la cohésion de groupe, on fait un tournoi en Vendée à la Pentecôte sur deux jours, ça permet aux filles d’être solidaires entre elles et d’avoir cette cohésion qui n’existe pas au départ”, témoigne Eric Lenne.

Une situation presque structurelle : à partir de 13 ans, les joueuses doivent intégrer une équipe féminine non mixte. Selon les chercheurs Stéphane Héas, Dominique Bodin, Karen Amossé et Sophie Kerespar, dans "Football féminin : 'c'est un jeu d'hommes'""L’investissement prolongé dans ce sport implique ipso facto — contrairement à ce qui se passe pour les joueurs — une rupture importante des conditions mêmes de la pratique : perte des camarades de jeu habituelles, coéquipières souvent sensiblement plus âgées, entraîneurs ou entraîneuses différent(e)s, trajets et déplacements importants. Tout cela explique que les équipes de football féminines demeurent rares"

Un manque d’offre qui peut aussi entraîner l’envie de la créer. Auparavant connu pour son équipe masculine qui n’existe plus depuis septembre, le club de football de Marly-Gomont, village de 457 âmes dans l’Aisne, est désormais exclusivement féminin. De 17 à 49 ans, la plupart des joueuses n’avaient jamais touché un ballon, entendu parler d’une conduite de balle ou d’aller au contact.
L’équipe évolue dans la plus petite et seule division de l’Aisne : le foot à 8. Au-dessus, c’est du régional à 11. “La deuxième année on a trois joueuses qui sont parties créer une équipe dans un village à côté” raconte Alain Braghieri, président de l’AS Marly-Gomont :

“C’est ce qui fait plaisir et ce qu’on voulait, c’est qu’il y ait une émulation au niveau des filles pour qu’on crée quelque chose de nouveau”.

Cela provoque un renouvellement de l’équipe et qui dit nouvelle joueuse dit travail d’inclusion. Une cohésion difficile à atteindre et à maintenir donc, mais c’est aussi la diversité, l’adversité face à toutes ces contraintes et la solidarité, qui font la force de ces équipes féminines qui ne lâchent rien.
 

Pour Alain Braghieri, si créer un club est difficile, le faire durer l'est encore plus : "Après, il y a toute l’organisation qui va derrière avec toutes les contraintes. Avec l’équipe qu’on a, sur les vingt filles il y en a dix-huit qui travaillent et on a deux étudiantes. Vous avez la difficulté de trouver des équipementiers, on a la chance d’avoir la coiffeuse du village qui nous a offert un jeu de maillots. Tout est lié, la difficulté est partout.

Les difficultés auxquelles fait face le président de l’AS Marly-Gomont, font écho à celles de Fressenneville. Malgré tout, Grégory Plévert, l'entraîneur de l'équipe senior de Fressenneville, est confiant : en travaillant avec les filles dès le plus jeune âge, les clubs peuvent ensuite construire de solides équipes senior. Les jeunes ? "Elles peuvent être la relève !

Reportages d'Emilie Montcho, Aurélien Barège, Maxime Milluy, Nicolas Duchet, Delphine Dubourg, Simon Boré et Pierre-Olivier Pappini.

 
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