Les maires de petites communes de Lorraine désemparés face à l'accueil des migrants de Calais

Des délais serrés, des élections régionales qui en ont fait un thème central de la campagne et une population parfois effrayée: l'arrivée de migrants de Calais dans des petits villages de Lorraine est devenu un cocktail explosif que les maires ont du mal à désamorcer.

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"On sert un peu de pare-feu, si vous voulez: on est là pour calmer le jeu, calmer les esprits et puis défendre nos habitants", explique Dominique Foinant, maire de Pexonne (Meurthe-et-Moselle), à peine 400 habitants, "pas de commerce et un seul bistrot".

Environ 50 migrants vivant actuellement dans la "jungle" de Calais devaient arriver à Pexonne pour passer l'hiver à l'abri et y effectuer les démarches
administratives nécessaires. Mais le conseil municipal a mis sa démission dans la balance, et le projet est pour l'heure suspendu. A moins d'un mois des régionales, et alors que le Front national est donné au coude à coude avec la droite dans les derniers sondages, "est-ce que ça ne va pas encore amener de l'eau au moulin ?" des extrêmes, s'inquiète le maire, sans étiquette, qui dit refuser toute récupération politique.

"Submersion migratoire"

Le candidat frontiste Florian Philippot s'est d'ailleurs empressé de s'émouvoir de cette "submersion migratoire", de même que l'ex-tête de liste du département pour la liste d'union de la droite et du centre aux régionales Nadine Morano, qui dénonce un "scandale national". Pour désamorcer les polémiques, des réunions publiques vont être organisées, comme celle prévue le 19 novembre à Tantonville (Meurthe-et-Moselle), où 37 migrants
sont attendus à la fin du mois, en présence du secrétaire général de la préfecture de la Meurthe-et-Moselle, Jean-François Raffy. Ce dernier, qui assure que la préfecture a dialogué avec les élus, regrette que certains aient pu "crier au loup" avant de demander de l'aide.

"On ne sait rien"

Mais pour le maire de Pexonne, la préfecture n'a pas suffisamment expliqué la situation - alimentant "suspicions" et "rumeurs" dans une population déjà "extrêmement fragile" socialement. Et la crainte, à la mairie, de violences. Un argument aussi avancé par Christian Fegli, le maire d'Etival-Clairefontaine,
à une dizaine de km de là dans les Vosges, où 15 migrants devaient être hébergés.

Le conseil municipal a adopté le 5 novembre une délibération considérant que "le projet de centre de transit tel qu'évoqué ne peut être actuellement envisageable" dans la commune de 2.600 habitants. Pour désamorcer l'emballement suscité par cette délibération, le maire a distribué dans toutes les boîtes aux lettres des explications écrites, précisant notamment qu'elle "n'exprime pas un refus sans appel, mais un constat d'incapacité actuelle",
qu'elle "n'a été motivée ni par une quelconque démarche de rejet ni par une attitude xénophobe ou raciste".

Assis derrière son bureau, dans la mairie en travaux, M. Fegli explique que les maires de petites communes se retrouvent "seuls dans la bagarre".
"Personne ne m'a dit: on va s'arranger, on va trouver une solution...", regrette l'élu, qui affirme que "ce qui bloque, c'est qu'on ne sait rien". "Qu'on me donne les moyens, qu'on fasse une conférence sur les pays d'origine des migrants, ce qu'ils ont vécu: j'ouvre la salle, je la chauffe et je paye à boire".

"Tout se passe bien"

En Lorraine, une ville de Moselle a déjà accuelli des migrants : Arry, 540 habitants, où 51 migrants soudanais venus de Calais sont hébergés depuis
le 27 octobre. Deux semaines après un conseil municipal houleux et quelques manifestations de désaccord à l'arrivée du bus, "tout se passe bien, maintenant ils jouent au foot, il y a même des jeunes qui jouent avec eux", raconte le maire, Arthur Minello.

Depuis leur arrivée, ils ont aidé à déblayer les feuilles du centre puis de la place du village. Certains participent au cours de français organisés par une conseillère municipale. "Il y a un échange déjà, de manière sympathique. Et je ne demande qu'une chose, c'est que ça dure", ajoute M. Minello.

On ignore combien de centres de répit doivent voir le jour dans les semaines à venir en France. A Calais, plus de 4 500 migrants sont encore dans la jungle.
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