Cette année encore, les conditions sanitaires bousculent le monde de l’animation. Annulées l’année dernière, les sessions de formation au BAFA devront se dérouler à distance selon un décret publié le 2 avril 2021. "Impossible" pour les associations et organismes de formation.
Chaque année, des milliers de jeunes des Hauts-de-France obtiennent leur BAFA, brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur. Une formation reconnue par l’État qui permet, dès l’âge de 17 ans, d’encadrer des mineurs lors de colonies de vacances ou en centres de loisirs. Pour l’obtenir, les futurs animateurs suivent une formation à la fois pratique et théorique. Cependant, "théorique ne signifie pas être autour d’une table et simplement prendre des notes", explique Slimane Bouraya, délégué général de la Ligue de l’enseignement de l’Oise, signataire d’un appel contre le BAFA en distanciel.
Non au BAFA en distanciel
Comme la ligue de l’enseignement, plusieurs organismes de formations tels que l’AFEV Hauts-de-France, l’UFEV, Familles rurales Hauts-de-France, la FCPE Picardie ou encore les chantiers internationaux Condordia, ont signé le 23 avril une tribune demandant le maintien des formations au BAFA en présentiel. "Aujourd’hui, nous, organismes de formation, organisateurs d’accueils collectifs de mineurs, refusons de former de cette manière. Prôner le distanciel montre une certaine méconnaissance du BAFA-D et de son ADN", argumentent-ils au sein de l’appel relayé par le CRAJEP des Hauts-de-France (comité régional des associations de jeunesse et d’éducation populaire).
L’ensemble des organismes signataires, se sont d’ores et déjà mis d’accord : aucune formation à distance au BAFA n’aura lieu. Celles organisées pour les mois de mai et juin, sont pour le moment suspendues.
L’animation à distance est impossible
Car pour les organismes de formation, aussi organisateurs de séjours pour la plupart, l’animation ne peut s’apprendre à distance : "Ça fait 30 ans maintenant que je fais de l’animation, s’il y a bien une formation qui ne s’apprend pas derrière un écran, c’est celle-là", avance Slimane Bouraya. Création d’animations, apprentissage des règles de sécurité, connaissance des enfants et des jeunes... Les futurs animateurs "passent les trois quarts de leur formation à expérimenter ce qu’ils feront sur le terrain", explique Gauthier Herbomel de l’Union française des colonies de vacances des Hauts-de-France. "Vous imaginez organiser un jeu de ballon devant votre ordinateur ? Ou apprendre à faire traverser un passage piéton en visio ? C’est inconcevable."
Outre le contenu, la méthode de formation au BAFA repose sur un échange collectif, difficilement transposable en ligne d’après le délégué régional de l’UFCV : "pendant les formations, même les apprentissages plus théoriques comme la propreté, l’hygiène des enfants ou le rapport à l’autorité, prennent la forme de débats pour forger leur savoir-être. Faire ça en Zoom ? J’ai peur de ce que cela va donner."
Recrutement à reculons
De leur côté les directeurs de centres de vacances, colonies ou centres de loisirs, comme Saïd Bouderbane, directeur de l’association les P’tites Pousses à Norrent Fontes dans le Pas-de-Calais, s’inquiètent du niveau des futurs animateurs : "on travaille avec des êtres humains cela ne s’improvise pas. D’ordinaire, la formation BAFA permet à l’animateur de se tromper une première fois. Là, cela signifie qu’il sera jeté dans le bain sans filet ? Moi ça ne m’inspire pas confiance." Ce dernier envisage déjà un accompagnement spécifique des nouveaux animateurs cet été par des plus qualifiés, quitte à limiter le nombre de sorties pour les enfants.
Pour Gauthier Herbomel, c’est même la responsabilité des organisateurs de séjours qui est en jeu. "Le BAFA à distance revient à transformer les animateurs en machines. Or je connais peu de parents qui seraient prêts à laisser la garde de leur enfant à un ordinateur." La crainte d’une hausse des incidents est partagée par l’ensemble des organisateurs contactés.
À contrario, certains admettent ne pas forcément demander le BAFA avant l’embauche de nouveaux animateurs et préfèrent se concentrer sur "l’attitude de l’animateur lors d’une période d’essai, la ponctualité et la bienveillance", plutôt que sur le contenu du brevet d’aptitudes. À noter que les animateurs en centres de loisirs et colonies ne sont pas obligés d’avoir le BAFA. La loi exige l’embauche d’au minimum 50% d’animateurs diplômés.