En pleine pénurie d’essence et alors que les voitures électriques et à hydrogène ont la côte au Mondial de l’Automobile à Paris, quel est l’avenir des voitures thermiques ? Du côté des Hauts-de-France, la région travaille actuellement à la mise en place de Zones à Faibles Émissions (ZFE), avec son lot de défis pour une transition vers des voitures plus vertes.
Les heures d'attente aux stations-service pour un plein, pdevenues coutume en ce mois d’octobre, feraient presque regretter d’avoir une voiture thermique. Et c’est peut-être pour le mieux, puisque dans quelques années, les voitures diesel ou essence les plus polluantes seront progressivement interdites à la circulation dans certaines zones.
Pour diminuer la propagation du CO2 et des particules fines dans l’air, la loi d’Orientation des Mobilités en 2019 a créé un dispositif national obligatoire : les Zones à Faibles Émissions, aussi appelées ZFE, où les voitures sont autorisées à circuler - ou non - selon leur classement environnemental Crit'Air.
Depuis la loi Climat de 2021, la mise en place de ces ZFE, qui se fait de manière pérenne, a même été étendue à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Et ce, indépendamment de la qualité de l’air des villes.
Les Hauts-de-France à la traîne
En France, onze zones comme celle-ci existent déjà dans des métropoles : Aix-Marseille, Grand Paris, Grenoble-Alpes, Lyon, Montpellier, Nice, Reims, Rouen, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulouse.
Quant à la Métropole européenne de Lille (MEL), elle aurait pu se targuer d’être une pionnière de la ZFE : en juin 2019, elle s’était en effet engagée, alors que rien ne l’y obligeait, à interdire à partir du 1er janvier 2021 la circulation des véhicules les plus polluants. 11 communes s’étaient portées volontaires.
De 11 à 95 communes de la MEL
Mais encore aujourd’hui, aucune zone n’est mise en place…. et ne le sera pas avant début 2025. En cause, un premier report pour 2022 décidé pendant la crise sanitaire et une nouvelle loi Climat qui a élargi le périmètre d’application : plus de 50% de la population doit être concernée, or les 11 communes auparavant impliquées ne représentaient que 32%. La future zone à faibles émissions nouvellement définie s’appliquera donc les 95 communes qui composent la collectivité, comme annoncé par le président de la MEL, Damien Castelain.
Un scénario ambitieux qui pourrait comprendre la Voie Rapide Urbaine (VRU, nationale 356), l’A25 et l’A1 sur les communes traversées, et pour lequel des études et une phase de concertation ont été lancées. La MEL, sur son site, indique vouloir établir “le périmètre exact, les dérogations, la communication, l’accompagnement auprès des usagers, le contrôle, le suivi et la mesure des effets”. Sur ces bases, une consultation citoyenne sera organisée en 2023.
Avec ce nouveau calendrier, qui s’applique aussi à la ville d’Amiens, les ZFE devraient donc être effectives au 31 décembre 2024, dernier délai selon la loi. Débutera alors une période de pédagogie d’au moins six mois avant l’application de sanctions, notamment une amende de 68 euros en cas de non-respect.
Des véhicules en sursis
Particuliers et professionnels seront concernés, peu importe le type de véhicule : deux-roues motorisés, voitures, utilitaires, bus, cars, camions et poids-lourds, sauf possible dérogation. La première vague d’interdiction de circulation cible pour l’instant les véhicules Crit’air 4, 5 et non classés. Il s’agit de voitures anciennes respectivement immatriculées avant 1997, 2000 et 2005.
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Toutefois, pas d’élément, à ce jour, sur une date d’interdiction Crit’air 3 ou 2. Bien loin des objectifs de la Métropole lyonnaise où il est prévu qu’en 2026, seuls les véhicules Crit’air E, 100% électriques et roulant à l’hydrogène soient autorisés à circuler.
Une régulation progressive
La MEL parie au contraire sur le temps long pour éviter que les ZEF ne deviennent, selon l’expression utilisée par Damien Castelain, des “Zones de Forte Exclusion”. En effet, dans les Hauts-de-France, les voitures aux vignettes Crit’Air 5, 4 et non classées, qui seront donc concernés par l’interdiction de circuler, représentent encore 13.5%, contre 0.5% seulement pour les Crit’air E. Le tout dans les mêmes proportions qu’en France, avec une majorité de vignettes Crit’air 3, 2 et 1.
Les usages ont tout de même déjà fortement évolué en une décennie : tandis qu’il existait 103 voitures électriques et à hydrogène en 2011 dans les Hauts-de-France, leur nombre atteignait environ 17 400 en 2021. Malgré une présence renforcée des véhicules verts, ceux à vignette Crit’air 2 restaient majoritaires : plus d’un million en 2021 dans la région.
Au même titre que l’essence et le gazole, encore très largement majoritaires dans le parc automobile des Hauts-de-France, comme l’illustre cet autre graphique :
L’entrée en vigueur des ZFE suppose donc une politique globale, par exemple avec le renforcement de l’offre de transports en commun et l’accompagnement financier, afin que les habitants puissent si besoin investir pour se mettre aux normes. Autant d’éléments indispensables pour rendre cette nouvelle réglementation socialement acceptable.
Objectif zéro voitures thermiques vendues en 2035
Et ce, alors que l’Union européenne entend aller encore plus loin en arrêtant la vente de voitures thermiques d’ici 2035, selon l’objectif qu’elle s’est fixé. Si le Mondial de l’Automobile, organisé à Paris du lundi 17 au dimanche 23 octobre, est justement l’occasion pour le gouvernement français de réaffirmer cet objectif tout en faisant la part belle aux véhicules électriques et hydrogènes, le prix d’un véhicule neuf de ce type se situe généralement entre 20 000 et 90 000 euros pour l’électrique, et à plus de 60 000 euros pour l’hydrogène. Soit un investissement considérable.
Il y a quelques jours sur le plateau de franceinfo, le directeur général du constructeur automobile mondial Stellantis, Carlos Tavares, était interrogé à ce sujet : “Dans nos prévisions, en 2026”, les véhicules électriques seront moins chers que leurs versions à moteur thermique, avec “une égalité de la structure de coûts des deux technologies”, avait-il assuré.
Le gouvernement français se veut également rassurant à propos de l’accompagnement financier pour l’achat de ces nouveaux véhicules, dont certains, comme la 4L et la Kangoo électriques, seront en partie fabriqués à l’usine Renault de Maubeuge, dans le Nord.
Première option disponible à l’échelle nationale ? La prime à la conversion, qui peut aller jusqu’à 5 000 euros pour l’achat d’un véhicule neuf ou d’occasion en échange de la mise au rebut d’un vieux véhicule.
Montant du bonus écologique revu à la hausse
Une aide qui se cumule, pour les ménages les plus modestes, avec le bonus écologique, cette prime à l’achat d’un véhicule électrique ou hydrogène, qu’il soit neuf ou d’occasion, à condition qu’il coûte moins de 47 000 euros.
Lors de l’inauguration du Mondial de l’Automobile, le président de la République, Emmanuel Macron, a justement annoncé la revalorisation de cette aide, de 6 000 à 7 000 euros. Ce bonus s’applique également aux contrats de location pour un véhicule électrique loué à 100 euros par mois “pour une durée d’au moins deux ans”.
Quant aux Hauts-de-France, à ce stade, mis à part une subvention pour rouler au bioéthanol, la région ne propose aucune aide financière à l’achat d’un véhicule.
Quel maillage territorial pour les bornes de recharge ?
Autre condition préalable à la mise en place des ZFE et à l’atteinte des objectifs européens et français : la présence de points de charge pour les voitures électriques. Le 13 octobre, le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires précisait que près de 67 000 points de recharge étaient ouverts au public en août. “Cela représente une augmentation de 49 % en 12 mois et fait de la France le troisième pays de l’Union européenne avec le plus de points de recharge ouverts au public”, assurait le ministère.
Toutefois, le maillage des points de charge diffère encore selon les régions : 128 pour 100 000 habitants en Occitanie, région où l’on trouve le plus de bornes de recharge accessibles au public, contre 93 pour 100 000 habitants dans les Hauts-de-France. À noter que dans la région, leur présence a augmenté de 50% au cours des douze derniers mois.
Pollution de l’air : 11 à 16 mois d’espérance de vie en mois
Ces problématiques liées au transport et à la mobilité, qui s’accumulent, forment ainsi autant de leviers d’action à saisir pour les régions. Car améliorer la qualité de l’air et limiter l’impact de la pollution forment un enjeu de santé publique.
Lors du conseil métropolitain du 28 juin 2019 à propos des ZFE, la MEL partageait les chiffres d’une étude de Santé Publique France : 6 500 décès prématurés seraient évitables par an à l’échelle de la Région Hauts-de-France et près de 1 700 dans la MEL. En outre, la mauvaise qualité de l’air diminuerait l’espérance de vie de 11 à 16 mois.