Quatre personnes qui s'étaient perdues dans les galeries souterraines de Lezennes (Nord) ont été retrouvées saines et sauves ce week-end. Elles s'étaient perdues dans ces anciennes carrières de craie, de véritables labyrinthes qui se cachent sous terre, dans toute la métropole de Lille. Coup de projecteur sur ces réseaux de tunnels, qui provoquent effondrements et faits divers.
Une histoire qui aurait pu virer au drame. Ce dimanche 28 avril 2024, une personne a été signalée comme disparue, après être entrée dans une galerie souterraine de Lezennes (Nord), qui compte un vaste réseau de tunnels sous les pieds des habitants, et sans donner aucun signe de vie après plusieurs heures passées sous terre.
18 sapeurs-pompiers du Nord et plusieurs chiens ont été mobilisés sur place pour retrouver cette personne, ainsi qu'une seconde également signalée. Deux personnes ont pu regagner la surface par leurs propres moyens en milieu d'après-midi, signalant la présence de deux autres individus sous terre, également secourus quelques minutes plus tard, sains et saufs.
Effondrement d'une partie d'un jardin à Fâches-Thumesnil, trou béant sur le terrain d'un magasin de pièces automobiles à Seclin... les catiches qui régulièrement s'effondrent sans crier gare font la Une des journaux. Même si les galeries dans lesquelles ces quatre personnes se sont perdues n'étaient pas des catiches mais des simples "chambres et piliers", comme précise Gaëtan Cheppe, responsable du service des carrières souterraines de la Ville de Lille, ce phénomène a mis en lumière ces réseaux de tunnels propres à la métropole de Lille.
On vous explique en quoi consistent ces catiches et les risques qu'elles peuvent représenter dans la région.
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Une catiche, c'est quoi ?
Avant les évènements de ce week-end, le terme "catiche" vous était peut-être inconnu. Pas de panique, on vous explique. Le mot catiche est une expression propre aux Hauts-de-France qui désigne ces galeries souterraines de la métropole européenne de Lille (MEL) créées à partir du XVIIIe siècle en exploitant la couche de craie qui se trouve à 15 mètres sous nos pieds. Ce dédale constitue un véritable labyrinthe, avec des zones plus ou moins denses.
Selon Gaëtan Cheppe, elles s'étendent sur 180 hectares de sous-sol et dans
11 communes de la métropole lilloise, mais leur cartographie n'est pas exacte : 20% de ces tunnels ne sont pas encore connus.Les catiches possèdent une forme bien distincte des autres structures souterraines créées par l'exploitation minière. On les compare généralement à des bouteilles de champagne : ces grottes artificielles sont évasées vers le bas (de 7 à 10m), resserrées vers le haut (2m) et reliées entre elles par des galeries. Lorsqu'elles étaient encore exploitées, le haut de ces "bouteilles" était ouvert pour remonter la craie, employée pour alimenter les fours à chaux ou pour le marnage des champs, à l'aide de cordes. Pour reboucher ce trou, les exploitants construisaient une voûte et redéposaient une couche de sédiment par-dessus.
Pourquoi s'effondrent-elles ?
La structure des catiches est donc assez fragile et, lorsqu'une voûte ou qu'un pilier cède, les pierres de la galerie s'effondrent, ouvrant un trou béant dans le sol. Plusieurs d'entre eux apparaissent régulièrement, sous le regard des passants, bouche bée. Dans le meilleur des cas, ces trous se forment dans des zones non habitées, dans le pire des cas ceux-ci surgissent en pleine ville ou zone d'activité, comme en mai 2023 à Seclin.
"Ça peut apparaître partout et sans prévenir", alerte Francis Meilliez, ancien enseignant-chercheur en géologie. "Il n'y a pas d'affaissement préalable ni de signes avant coureurs."
Lorsqu'il pleut longtemps comme durant cet hiver, le nombre de mouvements de terrain augmente de façon significative.
Gaëtan Cheppe
Selon le géologue, désormais retraité, les fortes pluies accélèrent logiquement l'effondrement. Quand il pleut beaucoup, la craie finit par laisser l'eau s'infiltrer, ce qui dissout la voûte et crée également ce type d'effondrement. "L'eau vient diminuer de façon importante la résistance à la compression de la craie. Ainsi lorsqu'il pleut longtemps comme durant cet hiver, le nombre de mouvements de terrain augmente de façon significative", confirme Gaëtan Cheppe en précisant que dans 90% des cas, l'eau est la cause de l'effondrement.
Ces catiches sont donc très surveillées par les mairies et les laboratoires de recherches, mais heureusement ce type de catastrophe n'arrive pas si souvent. Dans la MEL, le service carrières souterraines de la Ville de Lille compte environ 7 mouvements de terrain par an et recommande aux particuliers de les contacter avant d'acheter un terrain. Pour l'instant, grâce à des travaux préventifs, aucune habitation n'a été touchée.
En cas d'inquiétude, les particuliers qui résident au-dessus de ces galeries peuvent contacter le service de mairie au 03 20 49 54 74.
Peut-on aller en explorer ?
Évidemment, nombreux sont tentés d'aller observer les catiches de leurs propres yeux. Mais il est interdit de se rendre dans ces galeries, seul ou accompagné. Malgré tout, il arrive que des férus d'urbex bravent ces interdictions et parviennent à entrer, même si l'accès est bouclé, fermé par un verrou fortifié.
"On comprend les envies d’aventure, mais pour ça les clubs de spéléologie existent", assène le SDIS 59 qui a dû intervenir ce dimanche pour aider les personnes perdues dans les galeries de Lezennes.
C’est comme si on partait faire le Mont Blanc sans avoir le bon trajet et sans matériel. Ça paraît irréaliste et pourtant certains le font ici.
SDIS 59
Les sapeurs-pompiers du Nord alertent donc sur les dangers de ce labyrinthe sous-terrain : "On peut se perdre, se blesser si on s’y rend tout seul, il peut y avoir des éboulements… De tels risques ne valent pas le coup face à une simple promenade sous terre. On ne peut pas vraiment connaître à l’avance les dangers du terrain. Savoir si le sol et les parois sont assez résistants... C’est comme si on partait faire le Mont Blanc sans avoir le bon trajet et sans matériel. Ça paraît irréaliste et pourtant certains le font ici."
Chutes, noyade, manque d'oxygène, éboulements... Beaucoup de dangers se cachent dans ces grottes qui ne sont pour l'instant accessibles en aucun cas. Mais le projet de laisser les habitants de la région découvrir ce patrimoine spécifique à la MEL est en cours de réflexion.
En attendant, Gaëtan Cheppe insiste : "Si vous n'êtes pas un spécialiste il peut vous arriver énormément de problèmes. Ma grande crainte c’est d’être appelé pour venir rechercher un blessé grave ou d’assister à un décès. Alors s'il vous plaît, ne vous aventurez pas dans les catiches."
Depuis, le maire de Lezennes a décidé de porter plainte contre les personnes qui ont bravé les interdictions ce dimanche.