"Antisémite" : un syndicat étudiant ciblé par une insulte de la part d'un doyen de l'Université de Lille ?

Lors de la réunion de prérentrée des étudiants en première année d'économie à l'Université de Lille, une prise de parole de l'UNEF aurait été empêchée par le doyen de la faculté. Après quelques minutes de débat entre le secrétaire général et le doyen, l'altercation se serait finalement soldée par une insulte de la part de ce dernier.

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"Lors des prérentrées, traditionnellement les syndicats étudiants peuvent intervenir pour se présenter, s'exprimer sur ce qui leur semble bon de savoir avant la rentrée". En tout cas c'est ce que pensait Niko, secrétaire général de l'UNEF avant la rentrée 2024-2025 des étudiants de la filière économie à l'Université de Lille.

"Depuis plusieurs années, les présidences successives essaient d'empêcher ces interventions" témoigne-t-il. Mais "la manière dont cela se fait est assez limite". En cette rentrée, un nouveau pallier semble en effet avoir été franchi par François-Olivier Seys, doyen de la faculté de sciences économiques, sociales et des territoires qui se serait opposé à la tenue de cette prise de parole par l'UNEF. Le tout se soldant par la profération d'insultes à travers l'amphithéâtre à l'encontre du syndicat.

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"On lui a dit que c'était scandaleux"

"On s'est retrouvé dans une prérentrée d'éco où un des doyens était présent" se rappelle Niko. Ce même doyen "qui régulièrement a du mal à nous laisser rentrer." Sans surprise pour le syndicat étudiant, il aurait donc fait le choix d'empêcher leur prise de parole de rentrée.

S'en suit alors un débat quant à cette décision, qui se serait déroulé plutôt "tranquillement" estime Niko, qui comprend que François-Olivier Seys ne fera pas machine arrière. "On comprend qu'il n'y aura pas d'intervention" raconte-t-il, même si "on lui a dit que c'était scandaleux."

"J'explique donc cela à voix haute aux étudiants. Je me suis exprimé 30 secondes, et au moment où l'on sort de l'amphi il appelle la sécurité" témoigne le syndicaliste qui se souvient porter un keffieh autour du cou au moment de sa prise de parole. "Pile au moment où l'on sort, il a dit « moi au moins je ne suis pas antisémite », alors que dans tout le débat que l'on a eu avant ensemble, il n'était pas question de la Palestine. Notre prise de parole devait dénoncer la précarité et la situation politique en France. On avait prévu un petit passage sur la Palestine et les mouvements de mobilisation de l'année dernière."

Ni une, ni deux, Niko retourne alors dans l'amphithéâtre pour demander au doyen de répéter ses propos. "J'ai repris la parole devant les étudiants en expliquant qu'on luttait contre les discours qui amalgament. Ensuite on est reparti, on s'est réexpliqué avec le doyen, qui a maintenu ses propos."

Une position de la direction de l'université critiquée par l'UNEF

Cet incident entre le syndicat étudiant et le doyen inquiète le secrétaire général de l'UNEF. "Ce qui nous a frappés, c'est qu'un doyen nous insulte sur ces questions-là devant tout un amphi, c’est irresponsable et inquiétant sur la position de l'Université de Lille" fustige-t-il. D'autant plus que cette dernière était déjà au cœur de la tourmente il y a quelques mois après l'annulation de la conférence sur la Palestine de Jean-Luc Mélenchon.

Dans un des comptes rendus des comités de direction de l'université que l'UNEF nous a permis de consulter, il est inscrit qu'il y a un "risque d'instrumentalisation par les syndicats dans les réunions de Jivés [Journées Immersion Vie Étudiante, NDLR]." Ainsi, ils "n'ont pas le droit d'intervenir pendant le temps institutionnel qu'est la prérentrée. Ils peuvent éventuellement venir à la fin des amphis, mais il vaut mieux éviter car le discours est souvent biaisé, voire mensonger" poursuit le compte rendu.

Pour Niko, il s'agit d'interdictions qui "nous empêchent de militer dans des mesures raisonnables. L’argument invoqué est politique, le problème c’est ce qu’on dit, mais ils ne le disent pas tel quel."

"La liberté syndicale n'est pas remise en cause à l'Université de Lille"

De son côté, la présidence de l'Université de Lille rappelle que les prérentrées sont "des temps pédagogiques d’accueil des nouveaux étudiants, pendant lesquels leur sont présentés l’ensemble des services et ressources à leur disposition pour leur réussite universitaire, l’organisation des études et de la vie étudiante." Pour ce faire, les organisations étudiantes disposent d'un "temps et de lieux dédiés pour aller à la rencontre des étudiants : panneaux d'affichage, tractages, événements de type stands dans le hall, friperie solidaire et diverses actions de rentrée."

C'est parce que l'UNEF a tenté d'interrompre le temps institutionnel de présentation des études par un doyen que la situation s'est tendue

Présidence de l'Université de Lille

Les propos prononcés par M. Seys sont "en réponse à une accusation en public de racisme" poursuit l'Université, où il "a pu répondre « que lui n'était pas antisémite »". Cet incident, la présidence de l'institution le déplore. "Il est regrettable, qu'une fois encore, le contexte national et international conduise à des altercations qui n'ont pas lieu d'être à l'université."

Si "la liberté syndicale n'est pas remise en cause à l'Université de Lille", la présidence rappelle cependant qu'il "existe des règles de fonctionnement interne qui fait qu'elles doivent s'exercer dans le cadre fixé et lié à nos missions. En l'occurrence, c'est parce que l'UNEF a tenté d'interrompre le temps institutionnel de présentation des études par un doyen que la situation s'est tendue."

► Lire aussi : "On va mourir de l'amiante ou quoi ?", près de 7000 étudiants contraints de suivre leur cours dans d'autres locaux, à l'Université de Lille

Pour Niko, cet événement est révélateur "d'un tournant". "On a peur que ça se reproduise. On a envie que les étudiants puissent se mobiliser s'ils en ont envie. Qu'on puisse s'exprimer et critiquer."

Dans un communiqué publié dans la foulée, l'UNEF Lille a rappelé que "n'en déplaise à la présidence, nous n'arrêterons pas d'appeler à combattre par les luttes le gouvernement, les politiques de sélection sociale des présidences d'université, le manque de budget, etc. Dans un pays où l'extrême droite fait plus de 30% aux élections européennes et législatives s'acharner à refuser les syndicats étudiants dans les prérentrées est aussi un moyen de faire reculer la combativité et la conscience des étudiant-e-s, au profit des discours réactionnaires et idées rétrogrades."

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