Un an après le scandale des pizzas contaminées, Nestlé pourrait annoncer ce jeudi 30 mars la fermeture définitive de son usine Buitoni de Caudry, laissant sur le carreau près de 200 salariés qui disent n'avoir "rien à se reprocher".
Le site est au coeur du scandale pour avoir produit les pizzas surgelées à pâte crue de la gamme Fraîch'Up, qui pourraient avoir provoqué la mort de deux enfants et l'intoxication de dizaines d'autres par la bactérie Escherichia coli.
Une information judiciaire est ouverte depuis mai dernier à Paris pour homicide involontaire dans le cas de deux victimes et blessures involontaires pour 14 autres, selon une source judiciaire.
Selon une source syndicale, la direction de l'usine a donné rendez-vous aux représentants des salariés à 9H00, puis à l'ensemble des employés à 11H15, pour leur annoncer sa décision sur l'avenir du site, dont l'activité est déjà suspendue depuis début mars en raison, selon Nestlé, d'une chute des ventes.
"Toutes les options sont sur la table. Mais notre enjeu majeur, c'est d'agir en responsabilité vis-à-vis de nos collaborateurs", avait déclaré, énigmatique, une porte-parole de Nestlé France à l'AFP mi-mars. Mais sur le site, la fermeture définitive est redoutée.
"Ça va mal se terminer"
Force Ouvrière a demandé aux employés d'être présents dès 7H00, chacun étant invité à poser une croix avec son nom, prénom, matricule, date d'embauche et le "30 mars 2023" comme fin symbolique.
Des élus et habitants devraient se mobiliser à leurs côtés, pour défendre un site qui reste le deuxième pourvoyeur local d'emplois derrière L'Oréal. Ils étaient jusqu'à un demi-millier lors d'une manifestation le 13 mars.
"C'est tendu. On sent que l'échéance arrive", confie à l'AFP Stéphane Derammelaere, délégué Force ouvrière. "Si ça part là-dessus (une fermeture définitive, ndlr), je pense que ça va mal se terminer", prévient-il, évoquant de nombreux salariés de plus de 50 ans et des couples dont les deux membres sont employés par Buitoni.
"J'ai des collègues qui sont très remontés, parce qu'ils vont perdre leur emploi, qu'ils ont des familles à nourrir", alors qu'ils n'ont "rien à se reprocher".
Contacté par l'AFP, Nestlé n'a pas souhaité faire de commentaires avant la réunion. Le groupe avance "une contamination de la farine" comme explication "la plus probable" de la présence de la bactérie sur ses pizzas.
Mais d'autres causes possibles sont évoquées : selon la préfecture, des inspections des autorités sanitaires avaient mis en évidence "la présence de rongeurs" et le "manque d'entretien et de nettoyage des zones de fabrication" dans l'usine.
"Claquement de doigts"
L'affaire remonte à février 2022, quand Santé publique France (SPF) et la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF) sont alertées d'une recrudescence de cas d'insuffisance rénale chez des enfants, liés à une contamination par E. coli.
Le 18 mars, Nestlé rappelle ses pizzas et ferme les deux lignes de production. La préfecture interdit dans la foulée toute activité, les autorités sanitaires ayant établi un lien entre la consommation des pizzas et plusieurs cas graves de contamination.
L'usine rouvre partiellement mi-décembre, après neuf mois d'arrêt, seule la ligne de pizzas à pâte cuite, non concernée par le scandale étant autorisée à redémarrer.
Mais la réouverture ne tient que deux mois et demi: le groupe annonce début mars la suspension de l'activité en raison d'une chute des ventes de pizzas surgelées, qui "a d'autant plus impacté la marque Buitoni".
Le ministre délégué à l'Industrie Roland Lescure et le maire divers-droite de la ville Frédéric Bricout ont suggéré que Nestlé produise autre chose que des pizzas sur le site, une hypothèse qui semble avoir été balayée par le géant de l'agroalimentaire.
"On ne transforme pas une usine comme ça en un claquement de doigts", avait commenté mi-mars la porte-parole de Nestlé France, jugeant cette solution "très complexe".
Avec AFP