Une semaine après l'accident provoqué par l'humoriste Pierre Palmade sous l'emprise de la cocaïne, le ministre de l'Intérieur a déclaré vouloir le retrait automatique des 12 points du permis en cas de conduite sous stupéfiants. Une proposition qui ne fait pas l'unanimité, nous explique un spécialiste du droit routier.
"Je propose le retrait des douze points du permis de conduire pour toute personne qui conduit alors qu'elle a consommé de la drogue", a déclaré Gérald Darmanin dans une interview au Journal du dimanche, le 19 février. Actuellement, la perte du permis n'est automatique qu'en cas de récidive.
Selon le ministre, cette mesure forte, accompagnée d'une augmentation des contrôles, permettraient de limiter cette infraction préoccupante pour la sécurité routière. Une annonce saluée par la Ligue contre la violence routière.
Mais pour Antoine Régley, avocat au barreau de Lille spécialiste du droit routier, c'est "une fausse bonne idée".
Peu dissuasif
Spécialisé dans la défense des victimes de la route, Antoine Régley est pour tout initiative "qui va dans le sens de la sécurité routière". Mais pour lui, cette proposition "ne paraît pas du tout dissuasive".
On se rend compte que la sanction ne fait pas peur à grand monde.
Antoine RégleyFrance 3 Lille
"Justement le problème des stupéfiants, particulièrement la cocaïne, c'est qu'on se croit tout puissant, décrit-il. Quand celui qui a consommé des stupéfiants va prendre le volant, il ne va pas penser à Gérald Darmanin et les 12 points qu'il peut perdre."
Droit à l'erreur
Autre critique de l'idée de Gérald Darmanin : la sanction automatique dès le premier délit ne laisse pas le droit à l'erreur.
"Aujourd'hui, vous avez fait cette faute de conduire sous stupéfiants pour la première fois, vous n'avez pas de casier judiciaire, vous être bien inséré dans la société, ça se trouve vous bossez avec votre permis mais là direct on vous l'annule, raconte l'avocat pénaliste."
Selon lui, 'il faut davantage qu'on impose des soins aux primo-délinquants. Il faut qu'on traite le problème à la racine." Une opinion partagée par Gérald Darmanin, qui souhaite également "rendre obligatoire la visite médicale de tout consommateur avéré de drogue pour qu'il soit autorisé à conduire s'il se soigne."
Le problème c'est la consommation de stupéfiants avant la conduite. Donc traiter la conséquence de manière répressive sans traiter la cause, c'est mettre la charrue avant les bœufs.
Antoine RégleyFrance 3 Hauts-de-France
Augmentation des contrôles
Gérald Darmanin veut aussi mettre en place un million de contrôles routiers contre la drogue par an. Un total de 800.000 contrôles routiers "contre la drogue" ont eu lieu en 2022, "soit le double des années précédentes", précise-t-il à l'AFP.
La Ligue contre la violence routière salue cette initiative. Son président Pierre Lagache regrette sur Franceinfo le fait que "la pression des contrôles et des sanctions n'est pas suffisante".
Une meilleure solution que la sanction selon Antoine Régley, pour "détecter plus de personnes à risques" et dissuader les consommateurs ponctuels de prendre le volant.
Mais "il faut changer l'outil" de contrôle selon lui, quitte à revenir aux prises de sang. "Les kits de dépistages sont tellement sensibles qu'ils afficheront positif pour des consommateurs de CBD ou même passifs. Ils ne permettent pas de doser la quantité de stupéfiants."