Le photographe aérien Philippe Frutier s'est lancé dans le projet d'un film documentaire, Paysans du ciel à la terre, pour mettre en avant les agriculteurs qui tentent de redynamiser les sols affaiblis par l'agriculture intensive.
Philippe Frutier parcourt le ciel des Hauts-de-France depuis plus de 25 ans, à la recherche des plus beaux clichés des terres du nord de la France. À bord de son ULM, il voit les paysages changer au fil des années.
Depuis les années 2010, "et particulièrement depuis 2015, 2016", précise-t-il, ce photographe aérien, âgé de 65 ans, a remarqué de plus en plus de coulées de boue visibles en hauteur. Ces coulées sont la conséquence de nombreuses années d'agriculture intensive additionnées à la sécheresse.
"Cela m'a catastrophé, je me suis dit que quelque chose n'allait pas", confie le fils d'agriculteur, originaire de Boiry-Saint-Martin dans le Pas-de-Calais. Il poursuit : "Dans mon petit ULM, j'étais un peu seul à observer tout ça et l'idée m'est venue de partager ce qui se passait et surtout d'aller à la rencontre des premiers concernés, les agriculteurs."
C'est ainsi qu'est né le film documentaire Paysans du ciel à la terre. Ce film d'1h24 est une suite de rencontres entre Philippe Frutier et des agriculteurs qui essaient de faire bouger les choses.
Philippe Frutier explique que l'agriculture intensive élimine la porosité du sol. "C'est tout un monde vivant dans le sol, détaille-t-il. Il y a plein de petits trous avec les vers de terre, les racines, les insectes, les champignons, les bactéries... Et l'eau s'écoule facilement dans ces petits trous pour atteindre les plantes et les nappes phréatiques." Mais l'agriculture intensive, qui mélange produits chimiques et labours avec du gros matériel, "réduit considérablement la vie des sols" et "la terre se tasse".
Ainsi, au lieu de s'infiltrer dans la terre, l'eau ruisselle et crée des coulées de boue.
Un projet "porteur d'espoir"
Philippe Frutier, en compagnie d'Hervé Payen et Agathe Vannieu, les deux coauteurs du film, est parti à la rencontre d'environ 25 agriculteurs, six sont présents dans le film. "Ce sont des gens qui ont des voix très constructives, mais le problème, c'est qu'ils sont un peu livrés à eux-mêmes et doivent se débrouiller seuls", dit-il. Ils tentent de mettre en place des solutions pour la conservation des sols, mais auraient "besoin d'être accompagnés techniquement et assurés en cas de raté". Mais Philippe se veut rassurant : "Ils vont plutôt bien dans une profession qui va plutôt mal et ça, c'est très porteur d'espoir".
C'est là que le film entre en jeu. Il représente un exposé pédagogique aisément présentable au grand public, mais aussi aux pouvoirs politiques locaux qui pourraient s'enquérir de cette cause. Paysans du ciel à la terre peut être l'occasion d'initier un dialogue.
Il faut absolument montrer aux consommateurs, aux agriculteurs et aux politiques qu'il y a d'autres voies possibles que celle qui va vers "toujours plus de terres et plus de rendement". On peut y arriver autrement.
Philippe Frutier
Dans la région, le photographe estime qu'il y a "une marge de manœuvre énorme" parce que la culture intensive y est "très développée" donc il y a "plus de possibilités pour corriger le tir".
Je rêve de faire de notre région un laboratoire mondial pour un changement vers des pratiques agroécologiques, mais il faut que tout le monde s'y mette.
Philippe Frutier
Les prochaines projections du film dans la région auront lieu le lundi 9 octobre au cinéma Le Modern à Templeuves en Belgique et le lundi 16 octobre au cinéma Saint-Leu à Amiens. Toutes les projections sont suivies d'un échange entre le public et l'équipe du film ou/et un agriculteur.