Dépeceur de Mons : trois ans avant la prescription, l'enquête peut-elle être relancée ?

Elles s'appelaient Carmelina Russo, Martine Bohn, Jacqueline Leclercq, Nathalie Godart et Begonia Valencia et elles sont les cinq victimes du dépeceur de Mons (Belgique) en 1997. Jusqu'ici, le tueur n'a jamais été arrêté. Trois ans avant la prescription, des investigateurs indépendants tentent en cette fin 2024 de relancer l'enquête sur ce cold case.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

13 000 pièces enregistrées et 1 800 pistes explorées pendant deux décennies n'auront pas suffi à la police belge pour trouver celui que l'on appelle le dépeceur de Mons (Belgique), accusé d'avoir tué et démembré cinq femmes. Aujourd'hui, un journaliste, un ancien greffier, un criminologue et un avocat tentent de relancer les investigations. L'enquête pourrait-elle aboutir en 2024, 27 ans après les faits et trois ans avant la prescription ?

L'affaire du dépeceur de Mons

C'est rue Emile Vandervelde, à Cuesmes, Mons (Belgique) qu'un tas de sacs-poubelles est repéré le long d'une entreprise de terrassement le 22 mars 1997 par un policier à cheval. Entre cette date et le 18 avril 1997, quinze sacs plastiques sont retrouvés, disséminés dans Mons et contenant 38 morceaux humains.

Des morceaux de cadavres découpés, correspondant à cinq femmes qui finiront par être identifiées par la cellule d'enquête Corpus, créée exclusivement pour cette affaire.

Leurs noms : Carmelina Russo, Martine Bohn, Jacqueline Leclercq, Nathalie Godart et Begonia Valencia. La Belgique, déjà traumatisée par l'affaire Dutroux, sombre à nouveau dans l'horreur avec celle du dépeceur de Mons.

Un cold case obsédant

Régulièrement, le journaliste belge Frédéric Loore fait un point sur l'affaire. Un cold case qu'il n'a jamais vraiment lâché. "J'ai commencé comme jeune journaliste à Mons quand l'affaire a éclaté, se souvient-il. Je l'ai couverte à l'époque et j'ai continué à m'y intéresser par la suite, parce qu'elle m'avait marqué mais aussi parce que je suis originaire de la région."

"Les lieux que je mentionnais dans mes papiers, je les connaissais. Alors, de temps en temps, je remets le nez dans l'enquête. Il peut se passer plusieurs années entre deux articles."

Des détails à réétudier

Aujourd'hui responsable du pôle investigation du groupe IPM (La libre, La DH, Paris-Match...), Frédéric pense que les détails, les témoignages qu'il a divulgués dans ses papiers seraient susceptibles d'être analysés aujourd'hui en vue de "réinvestiguer".

C'est aussi l'avis des auteurs du livre Il est moins cinq... Enquête sur le dépeceur de Mons, publié en 2022 aux éditions Nombre 7. Après la parution d'un article de Frédéric Loore dans la version belge de Paris-Match en octobre 2023, ils décident de contacter le journaliste.

"Quand j'ai vu l'article par hasard, raconte Dani Corlana (nom d'emprunt), j'ai constaté des similitudes avec ce que nous avancions dans le livre que j'ai coécrit avec Morgan Vanlerberghe. Dès 2019, Frédéric et nous travaillions déjà sur la même piste, nous étions remontés jusqu'au même individu."

Un groupe d'irréductibles enquêteurs

Si Frédéric s'est attaché à l'affaire parce que c'était sa première en tant que journaliste, Dani Corlana, lui, était le greffier du juge Pilette, en charge de l'enquête en 1997. "J'ai travaillé au palais de Justice de Mons pendant 42 ans, se remémore l'homme aujourd'hui retraité. J'ai passé dix ans sur ce dossier."

Alors, quand le juge Pilette passe la main, impossible pour Dani de laisser tomber. Quelques années plus tard, il croise le chemin de Morgan Vanlerberghe, passionné de cold cases au point d'étudier la criminologie et de s'intéresser aux affaires judiciaires non élucidées et souvent classées sans suite.

"Au moment des faits, Morgan avait 13 ans, précise Dani. Des années plus tard, alors qu'il était à Mons, il a vu par hasard les lieux où les sacs-poubelle avaient été retrouvés. Il a commencé à mener sa propre enquête, faisant régulièrement la navette alors qu'il vivait à 200 kilomètres de là. C'est dire si l'affaire l'a passionné."

C'est pour les victimes qu'on fait tout ça. Elles étaient des femmes et il ne faut pas les oublier.

Dani Corlana

Auteur et ancien greffier du juge Pilatte

"Tout ce qui est dans le livre est factuel et réel. C'est pour les victimes qu'on l'a fait. Pour réhabiliter leur image. Vous savez, on a souvent parlé d'elles comme de prostituées paumées qui répondaient facilement à des avances, comme si elles avaient mérité ce qui leur était arrivé. Elles n'étaient pas que ça. C’étaient des femmes et il ne faut pas les oublier."

Des analyses complémentaires ?

Mais un journaliste, un ancien greffier et un passionné de criminologie n'y suffisent pas pour relancer une affaire. C'est là que Frank Discepoli intervient. Il est l’avocat des enfants de Carmelina Russo, l'une des cinq victimes du meurtrier en série et le dernier avocat des parties civiles encore actif dans ce dossier.

D'ici quelques semaines, il devrait demander au juge d’instruction des analyses complémentaires. Deux hommes en particulier ressortent des investigations des deux enquêteurs indépendants et du journaliste. L'un est décédé, l'autre vivrait toujours en Belgique. Ce dernier avait déjà été interrogé par la police à l'époque et avait été libéré faute de preuves concrètes.

Un suspect relâché faute de preuves

D'après les journaux du groupe IPM parus en août 2024, c’était quelqu’un de la région, qui fréquentait le même quartier que les victimes et correspondait au profil dressé par les agents du FBI à qui la police belge avait demandé du renfort en Virginie.

Chez lui, les enquêteurs avaient trouvé une cave nettoyée avec un puissant détergent. "Ses canalisations avaient été récurées à l’acide, précise Frédéric Loore. Et dans son ordinateur, il y avait des photos des différents endroits où ont été déposés les sacs-poubelle. Ça pose question, mais en l’absence de preuves formelles ou d’aveux, la justice n’a pas été plus loin."

Des actes d'instruction complémentaires ?

Dani Corlana avance : "Nous avons des témoignages, des nouveaux éléments sérieux, qui nous permettent de penser que maître Discepoli pourrait demander une série de nouveaux devoirs au magistrat en charge de l'instruction."

Par "nouveaux devoirs", on entend "actes d'instructions complémentaires", auditions éventuelles et nouvelles comparaisons ADN, entre les profils ADN de toutes les pièces du dossier et ceux des deux suspects, même si Dani n'y croit guère. "Les dernières datent de 2014, il n'y a pas lieu d'en refaire et c'est très coûteux."

L'affaire sera prescrite en mars 2027

L'objectif serait de confondre ou, au contraire, d'exclure définitivement les deux hommes. "Fermer une porte ou en ouvrir d'autres, c'est toujours avancer dans cette enquête !", explique Dani.

D'autant que le temps presse. La prescription dans cette affaire est fixée à mars 2027. À moins qu'elle soit déclarée imprescriptible, du fait de la réforme du Code pénal belge, qui valide la suppression des délais de prescriptions pour les crimes les plus graves.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité