Au huitième jour du procès des tortionnaires du petit Yanis, la cour s'est concentrée d'abord sur l'analyse du psychologue qui a examiné les six accusés. L'après-midi a été consacrée aux plaidoiries. Les réquisitions seront données le 19 janvier, pour un verdit attendu le 20.
C'est presque l'issue de deux semaines d'audience, où la cour d'Assises du Nord a revécu l'horreur, encore et encore. Six adultes sont accusés d'être impliqués dans le calvaire vécu à Auberchicourt par le petit Yanis, deux ans et demi à l'époque des faits. L'enfant peine encore à se reconstruire.
En 2018, sa mère, Christine P., dépassée par le climat de violences qui règne dans son propre foyer et l'énergie du petit garçon, décide de le laisser à un couple d'amis à Auberchicourt. C'est le domicile de son amant, Sébastien B. et de sa compagne Coraline R. Dans la maison de la rue des Rosiers, pendant deux semaines, l'enfant va être frappé, torturé et humilié.
Pendant le procès, la cour a tenté de démêler le pourquoi et le comment de ces actes de cruauté incompréhensibles. Les accusés, qui reconnaissent les faits, encourent entre 7 et 30 ans de réclusion criminelle, selon leur responsabilité dans le calvaire de Yanis.
Sébastien B., une personnalité impulsive et "égocentrée"
Dans la matinée, l'attention de la cour s'est concentrée sur l'expertise finale d' Yves Delannoy, le psychologue qui a examiné les six accusés. Il estimé que Sébastien B., victime de violences dans son enfance, avait reproduit les abus subis sur le petit Yanis. Mais il s'est montré assez pessimiste sur les capacités de progression du principal accusé, parlant d'une "personnalité égocentrée" et "immature", qui agit en permanence dans l'immédiateté.
Comme lui, la grande majorité des accusés ont vécu la violence ou l'abandon dans leur enfance. Christine P., la mère de Yanis est elle aussi décrite comme "autocentrée", "perdue". " Elle aime Yanis à sa façon, de façon pathologique" a noté l'expert.
Seule Audrey R., qui comparaît libre, semble dénoter dans ce tableau de misère sociale. Yves Delannoy a évoqué sa progression dans la reconnaissance des faits et ses responsabilités. Elle serait plus apte que les autres à avancer et se reconstruire, à s'éloigner de l'ombre de la récidive.
"Vous avez fait passer Yanis de la poussette à la chaise roulante !"
L'après-midi devait être consacrée aux plaidoiries et au réquisitoire de l'avocate générale. La cour a du s'en tenir à la première partie du programme seulement, au vu de l'heure avancée. C'est Me Massenet, avocate de l’association La Voix de l’enfant qui a ouvert le bal des avocats. "Ce ne sont pas de simples violences que vous avez à juger, mais des actes extrêmes" a-t-elle déclaré en ouverture de son propos.
Pour elle, les accusés qui ont assisté aux violences sans les dénoncer "ont choisi de ne pas voir, de ne pas savoir" et sont également responsable du sort réservé à l'enfant. Me Broyart, avocat de l’association Enfance et Partage, a lui rappelé la responsabilités des services sociaux qui ont laissé Yanis à sa mère, malgré les alertes. "Reste-t-il un semblant d’humanité chez les accusés ?" a de son côté interrogé l'avocate du père de Yanis, parlant d'une "tragédie de haine et de violence".
La plaidoirie la plus virulente, sans surprise, a été livrée par Me Reseinthel, l'avocat du petit Yanis. "Vous avez fait passer Yanis de la poussette à la chaise roulante !" a-t-il cinglé à l'encontre des accusés, demandant en plus des peines le retrait de leur autorité parentale sur l'ensemble des enfants victimes. "A chaque fois que vous l'avez cassé, vous recommenciez. (...) Je n'ai pas les mots."