Ce que l'on sait du double meurtre par balles des membres d'un club de motards à Aubigny-au-Bac

Deux membres d'un club de motards ont été retrouvés morts dans un hangar, dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 août 2024, à Aubigny-au-Bac (Nord), entre Cambrai et Douai. Un suspect s'est rendu et un autre a été interpellé dimanche par la section de recherches de la gendarmerie de Lille, en charge de l'enquête. La piste du règlement de compte entre membres semble privilégiée.

Le week-end aura été agité pour les quelque 1.200 habitants d'Aubigny-au-Bac (Nord). La petite commune rurale a été le théâtre d'un double homicide par balles dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 août. Il s'agit de deux hommes qui "appartenaient ou étaient proches d'un club de motards", selon Frédéric Fourtoy, le procureur de Douai, qui s'est exprimé auprès de l'AFP. 

Les victimes sont deux hommes, âgés de 30 et 38 ans. Ils ont été retrouvés morts dans un hangar, autrefois bâtiment industriel, qui servait de lieu de rendez-vous pour le club de motards locaux. Selon une source proche du dossier, les deux victimes étaient connues pour des faits de droit commun.

Les gendarmes ont été appelés par les pompiers peu après minuit, dimanche 4 août. Notre équipe sur place, Léo Marron et Sergio Rosenstrauch, a recueilli le témoignage d'une voisine, "choquée" que de tels évènements prennent place à Aubigny-au-Bac.

"J'ai éteint la télévision vers minuit trente et j'ai entendu deux coups de feu. C'était assourdissant, j'ai eu peur", retrace Laura, qui vit près de la route nationale depuis trois ans. "Et ma fille qui a sa chambre qui donne sur la cour s'est réveillée en sursaut", ajoute-t-elle.

Assassinat en bande organisée

Après avoir entendu "une voiture repartir", son conjoint tombe nez à nez avec des gendarmes alors qu'il ouvre sa fenêtre. L'enquête a en effet été confiée aux gendarmes de la section de recherches de Lille. Une autopsie des corps est par ailleurs prévue en début de semaine, précise le procureur de Douai, Frédéric Fourtoy.

"Concernant le mobile, nous explorons toutes les hypothèses à ce stade", explique-t-il à l'AFP, indiquant qu'une ouverture d'information judiciaire "est prévue dans le courant de la semaine prochaine du chef d'assassinat en bande organisée".

Une source au sein de la gendarmerie précise que ce club est affilié aux Hells Angels. Il s'agit d'un club de motards fréquemment criminalisés et actif dans le monde entier. Ses membres sont regroupés autour de "chapitres", des sortes d'antennes, réparties dans une cinquantaine de pays et sur chaque continent.

Le groupe qui se rassemblait à Aubigny-au-Bac, et dont les deux victimes faisaient vraisemblablement partie, porte le nom de "Chosen Few MC 1%". Créé à Los Angeles aux États-Unis, en 1959, ce club est le premier constitué par des hommes noirs. Au départ antiraciste, ses fondements sont l'amour de la moto, de la liberté, de la loyauté entre membres et du rejet de la conformité.

Le 1% fait quant à lui référence à l’association américaine des motards qui avait déclaré, après des émeutes de motards dans les années 1950, que "99 % de ses membres sont des citoyens respectueux des lois et seulement 1% des éléments illégaux".

Mais l'étalage de drapeaux confédérés américains sur les réseaux sociaux des bikers contredit l'origine même de leur groupe. Ce symbole est repris par le Ku Klux Klan et les suprémacistes blancs et on l’aperçoit régulièrement dans leurs manifestations aux États-Unis.

"Venez me sortir de là"

Le créateur du groupe de motards qui fait l'actualité, surnommé "Tank Mcx", ne fait pas exception et arbore pins et vestes floquées du fameux drapeau lors de diverses inaugurations de groupes locaux.

Il serait l’un des deux hommes tués ce dimanche et serait originaire de Maubeuge. Le double meurtre prend des airs de règlement de compte. Les gendarmes et le maire d'Aubigny-au-Bac, joints par France Bleu Nord, envisagent bien la piste d'un différend entre des membres. À l’appui, la publication d'une vidéo du président du club et victime, "Tank Mcx", sur Facebook.

Elle a été publiée le 3 août vers 18h, quelques heures seulement avant sa mort. On y voit l'homme dans le hangar et sur le parking, vêtu d'une veste militaire, de lunettes de soleil et d'une casquette bleue et verte. "Voilà, moi président Tank, je suis là", s'adresse-t-il face caméra, visiblement remonté. En arrière-plan plusieurs hommes, ses "frères, ceux qui [l]e soutiennent".

La raison de cette diatribe ? L'homme aurait été évincé de son club "en dehors des règles" lors de précédentes réunions auxquelles il n’aurait pas assisté. "C'est bien beau de me virer comme un malpropre", continue-t-il avant de provoquer : "en attendant je suis chez moi, venez me sortir de là."

Un groupe discret

La voisine Laura avoue ne pas beaucoup connaître les motards mais elle dresse un tout autre portrait du groupe de passionnés de moto. "Ils venaient nous voir pour nous demander s'ils ne faisaient pas trop de bruit parce qu'ils savaient qu'on a des enfants", raconte-t-elle à nos équipes sur place.

Raphaël Corté, le secrétaire général de la mairie abonde en ce sens : "Je craignais que des riverains se plaignent du bruit mais ce n'est pas le cas." Il faut dire que la nationale qui passe devant le local est déjà très bruyante. "On les connaît très peu puisqu'ils venaient de s'installer depuis quelques mois", ajoute le secrétaire général, qui n'avait pas non plus reçu de signalements de la part des gendarmes.

Deux hommes ont été interpellés à la suite des faits. Le premier suspect s'est rendu directement aux gendarmes et le deuxième, qui jouerait un "rôle plus modeste" dans l'affaire, a été interpellé dimanche en fin de journée, a appris l'AFP lundi de source proche de l'enquête. Le parquet de Douai a confirmé l'information à France 3, ce lundi 5 août.

Cette histoire n'est pas sans rappeler celle des quinze membres des "Chosen Few" de Lille qui avaient été interpellés en juin 2015 dans le cadre d'une vaste opération de police visant à démanteler ce club.  Celle-ci avait permis, avec l'appui de 230 militaires, de saisir drogue, armes et véhicules volés à Lille, Douai, Lens et Calais.

Une source proche de l'enquête avait alors à l'époque assuré que les membres du club avaient procédé à "de nombreux actes délictueux, avec une idéologie néonazie".

Avec AFP

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