Seize ans après la tornade d'Hautmont, qui avait fait quatre morts, des phénomènes météorologiques similaires sont régulièrement observés dans la région. Pourtant, selon le maire d'Hautmont, la prévention n'est toujours pas au point et la crainte d'un nouveau drame demeure.
"De la colère, de la tristesse et de l'espoir" : ce sont les sentiments qui dominent le maire d'Hautmont ce samedi 3 août 2024. Stéphane Wilmotte ne comprend pas que la prévention face aux risques de tornade n'ait pas évolué, seize ans après le drame qui a touché sa ville.
À lire aussi >>> "Nous sommes marqués à vie" : 15 ans après la tornade d'Hautmont, le souvenir de cette nuit meurtrière reste intact
S'il n'était pas encore élu à l'époque, il se rappelle comme si c'était hier du dimanche 3 août 2008. Il est 22 heures 30 lorsqu'une tornade de 250 mètres de large frappe la ville d'Hautmont. Des vents jusqu’à 300 kilomètres par heure endommagent plus d’un millier de foyers, rendant 180 maisons inhabitables ou totalement détruites. Trois décès sont à déplorer ce soir-là. Le lendemain matin, une quatrième personne se donne la mort.
Une tornade dans l'Avesnois?
"On n'avait pas mesuré l’ampleur de la catastrophe", estime l'édile, avec des années de recul. "Il y a ce qu’on voyait et ce qu’on ne voyait pas." Les habitants constatent, à l'époque, les pertes humaines et les dégâts matériels. Invisible, lui, "l'impact psychologique est toujours présent", plus de quinze ans après. Stéphane Wilmotte décrit une commune traumatisée, avec environ 250 enfants et de nombreux adultes qui ont eu besoin d'un suivi psychologique.
Ça laisse un goût amer de constater qu’on n’a pas tiré les conséquences de ce qu’il s’est passé.
Stéphane Wilmottemaire d'Hautmont
Pourtant, depuis, rien n'a été fait pour éviter un drame similaire. Ce vendredi 2 août, Stéphane Wilmotte en a fait le constat amer en levant les yeux vers le ciel. "Les nuages étaient très bizarres, il faisait chaud et sec..." Comme en 2008. À l'instar du maire, d'autres habitants craignent alors qu'une nouvelle tornade déferle sur Hautmont. Le phénomène observé, qui était en effet une tornade selon le site d'observation Keraunos, a provoqué des inondations et des coulées de boue dans le village de Solrinnes, à une quinzaine de kilomètres.
Par chance, le pire a été évité. Toutefois, pour Stéphane Wilmotte, l'absence d'alerte est incompréhensible. "Je suis en colère, car on me dit depuis des années qu’il existe des logiciels permettant de repérer des tornades", explique-t-il. "Et hier après-midi : il ne s’est rien passé. Ça signifie que ça peut recommencer. Ça laisse un goût amer de constater qu’on n’a pas tiré les conséquences de ce qu’il s’est passé." Le maire estime être inaudible et demande à l'État "des réponses, des moyens de prévention pour permettre aux gens de se protéger". Il a même tenté d'écrire au ministère de l'Intérieur – en vain.
À lire aussi >>> IMAGES. Après une nuit d'orages, des communes inondées dans le Nord et le Pas-de-Calais
Des outils pour prévenir les tornades ?
L'élu, qui s'est fortement intéressé à la question de ces phénomènes météorologiques, explique qu'il est possible d'alerter les personnes à proximité d'une potentielle future tornade. En effet, de tels outils sont utilisés de l'autre côté de l'Atlantique. Avec la "Tornado Alley" – cette allée des tornades qui comprend les grandes plaines du centre des États-Unis – le pays est habitué à ces phénomènes climatiques destructeurs.
À lire aussi >>> Épisode orageux : les raisons de ce clignotement dans le ciel cette nuit au-dessus de Lille
Mais pas d'emballement : "On ne peut pas prévoir une tornade précisément plusieurs heures à l'avance", précise Emmanuel Wesolek. Ce spécialiste en climatologie est à la tête de Keraunos, un site Internet gratuit qui fournit des informations au sujet des orages et des tornades. "Ce qu'on est capables de faire aujourd'hui, c'est d'identifier une journée à risque, de localiser le phénomène à l'échelle du département et de quantifier son intensité."
On pourrait prévenir les personnes qui sont dans l’axe, entre 10 et 15 minutes à l'avance. Aux États-Unis, ils sont très bien organisés pour ça.
Emmanuel Wesolekspécialiste en climatologie, à la tête de Keraunos
Surtout, "on a des radars qui identifient le mouvement des vents à l’intérieur des nuages d’orage", explique Emmanuel Wesolek. "Donc, on pourrait prévenir les personnes qui sont dans l’axe – mais seulement entre 10 et 15 minutes à l'avance. Aux États-Unis, ils sont très bien organisés pour ça." De quoi laisser aux personnes en danger le temps de se mettre à l'abri.
La "Tornado Alley" française
Or, le Nord Pas-de-Calais est "fortement exposé aux tornades", explique Emmanuel Wesolek. La France a, elle aussi, son allée des tornades : elle prend en écharpe tout le nord-ouest du territoire, de la Charente-Maritime en passant par la Normandie et le bassin parisien, jusqu'au Nord Pas-de-Calais.
À lire aussi >>> 200 moutons pris au piège des inondations suite aux orages dans le Nord Pas-de-Calais
"Ça tient au fait qu’on a un environnement géographique propice à ces phénomènes : avec une absence de relief qui y est favorable et, en plus de ça, des conditions météorologiques instables et perturbées tout au long de l'année." Autrement dit : été comme hiver, les risques de tornades existent. Depuis le début de l'année, deux tornades ont été observées autour de chez nous – le 8 avril à Lestrem et ce 2 août à Solrinnes.
Dans le Nord Pas-de-Calais, on a un environnement géographique propice aux tornades.
Emmanuel Wesolekspécialiste en climatologie, à la tête de Keraunos
Ainsi, pour Stéphane Willmotte, il est urgent de mettre en œuvre des moyens similaires à ceux mobilisés aux États-Unis. "Il faut que ça bouge. On dirait qu'il faut attendre qu’il y ait une nouvelle catastrophe ?", s'inquiète-t-il. "Dans une zone plus urbaine, comme à Lille, une tornade risquerait de faire des dizaines de morts."
Si le scénario est possible, Emmanuel Wesolek tempère : on n'a pas vu de tornade à Lille depuis le XVIIIème siècle... En espérant que ça dure.