Onzième jour du procès en appel de Willy Bardon à Douai dans l'affaire Kulik. C'est sur la garde à vue de l'accusé que les débats se sont concentrés. Une garde à vue durant laquelle il n'a pas nié mais pas non plus confirmé que la voix enregistrée de lors de l'appel d'urgence d'Élodie est la sienne.
Au onzième jour du procès en appel de Willy Bardon à Douai, c'est la garde de vue de Willy Bardon qui a été examinée. Une garde à vue durant laquelle l'Axonais n'a pas démenti que c'est sa voix que l'on entend sur l'appel d'urgence passé par Élodie lors de son agression.
Nous sommes le 16 janvier 2013. Un an plus tôt, le nom de Grégory Wiart est sorti dans la presse. Un coup de tonnerre dans l’affaire Élodie Kulik. Au bout de dix ans d’enquête, une technique de recherche ADN importée des États-Unis révèle que le jeune plombier-chauffagiste axonais est l’auteur du viol de la banquière de Péronne.
Un suspect inquiet
Ce 16 janvier 2013, il est 6h30 du matin et Willy Bardon, qui a assisté aux obsèques de son copain Grégory en 2003, roule dans la nuit au côté de son collègue Benoît. Comme tous les jours, ils se rendent sur un chantier en région parisienne. Le portable de Willy Bardon sonne. Au bout du fil, sa compagne de l’époque, Christelle : "Il faut que tu rentres. Les gendarmes sont à la maison. Ils te cherchent". Willy Bardon blêmit. "D’un coup, y’avait plus de son plus d’image", dira Benoît plus tard en se remémorant la scène.
Depuis quelques semaines, Willy Bardon sait que les gendarmes posent des questions à tout l’entourage de Grégory Wiart, et particulièrement à ses potes du club de 4X4. Il dépose son collègue au routier de Gonfreville, et fait demi-tour. À 7h40, le 16 janvier 2013, la garde à vue de Willy Bardon commence à la gendarmerie de Saint-Quentin. Elle est menée par le major Michel, qui est venu donner un coup de main à la cellule d’enquête Élodie Kulik.
Devant la cour aujourd’hui, l’officier de police vient redire avec force que Willy Bardon était particulièrement perturbé par cet interrogatoire, plus que la moyenne. "Je vous le répète, il était très inquiet. Il a refusé de s’alimenter pendant toute la durée de sa garde à vue".
Après de nombreuses questions sur ses habitudes et ses fréquentations, le 17 janvier, vient le moment de faire écouter à Willy Bardon l’appel au secours passé par Élodie Kulik aux pompiers le 11 janvier 2002 à 0h21. Cet appel glaçant où l’on entend deux voix d’hommes très calmes derrière les hurlements d’épouvante de la jeune femme. Plusieurs membres du club de 4X4, également soupçonnés, ont affirmé reconnaître la voix de Willy Bardon.
Bug technique
Ce que lui en a dit, on le sait grâce au procès-verbal de la garde à vue, un malencontreux bug technique ayant coupé le son de l’enregistrement par la webcam : "je reconnais que c’est bizarre car en écoutant, on dirait ma voix. Mais c’est pas ma voix (...) Je n’ai pas de souvenir. Je me souviens de plein de choses d’il y a onze ans mais pas de ça (...). J’étais saoul au point de me souvenir de rien ? (...) Je sais pas si c’est moi qui l’ai fait, je ne me souviens pas (...) C’est possible que j’y étais à entendre ma voix mais j’ai pas de souvenir".
Me Stéphane Daquo, l’avocat de Willy Bardon, interpelle le major Michel : "Vous pouvez nous rappeler comment s’est déroulée cette garde à vue, notamment en terme de conditions de repos ?" "À Saint-Quentin nous n’avions pas de cellule, répond le gendarme. Les personnes auditionnées restaient dans le bureau pendant les pauses. M. Bardon pouvait dormir sur sa chaise. C’était une garde à vue tout à fait normale".
Ce jour de janvier 2013, la conversation entre Willy Bardon et le major Michel se poursuit :
Willy Bardon : "De toute façon, je suis pas assez courageux pour faire ça."
Le Major Michel : "Croyez-vous qu’il faille être courageux pour s’attaquer à une jeune femme seule la nuit ?"
Willy Bardon : "J’sais pas, faut quand même être balèze pour faire ça."
Après une dernière protestation d’innocence, Willy Bardon décidera ce jour-là de se taire et de ne plus répondre à aucune question des gendarmes.
Un comité de soutien
Ce onzième jour du procès en appel a vu entrer en scène l'entourage de Willy Bardon : ses amis sont bien décidés à se faire entendre. Ils n’étaient pas là lors du premier procès aux assises de la Somme. Ou alors ils s’étaient faits tellement discrets qu’on ne les avait pas vus.
Il y a quelques mois, ils ont constitué un comité de soutien. Ils affirment être environ soixante-dix. "On n’a pas voulu médiatiser, ça sert à rien de se faire insulter sur les réseaux sociaux", expliquait il y a quelques jours sa compagne Amélie. Lundi 28 juin, ils sont six à être venus parler pour Willy Bardon. Avec une grande sincérité, mais un peu de maladresse aussi, Isabelle, Daniel, Tiffany, Gilles... Viennent décrire un gars généreux, serviable, le cœur sur la main.
La partie civile a tôt fait de rappeler que la grande majorité de ces témoins ne connaissait pas Willy Bardon il y a 19 ans, à l’époque du crime qui est jugé aujourd’hui. Ce que résume ainsi l’avocate générale à l'un d'eux Anthony, qui en reste sans voix : "Mais monsieur, on peut être un type ordinaire et avoir un jour un passage à l’acte. Croyez-vous que l’on repère les monstres au premier regard ?"