Christopher Nolan lève le voile sur "Dunkirk" dans une longue interview à Première

Christopher Nolan a accordé un long entretien au magazine Première au sujet de Dunkirk, son film de guerre tourné à Dunkerque au printemps dernier. Le cinéaste anglo-américain promet un film "sensoriel, quasiment expérimental". 

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Cet entretien exclusif paraîtra ce mercredi dans les kiosques, dans le dernier numéro du magazine Première (des extraits sont déjà disponibles sur internet). Gaël Golhen, le rédacteur en chef de la revue, a eu le privilège de rencontrer Christopher Nolan dans sa salle de montage des studios Warner, à Burbank, en Californie. "Edit Bay, l’endroit où il met la dernière main à Dunkerque (le titre du film en version française NDR) possède les dimensions d’un hall de gare et un écran dont la taille rendrait les ¾ des exploitants de cinoches parisiens complètement dingues", explique le journaliste.


Le cinéaste peaufine encore le montage et les effets sonores de son film consacré à l'Opération Dynamo, épisode majeur de la Seconde Guerre Mondiale, qui permit, en mai/juin 1940, d'évacuer vers l'Angleterre quelque 340 000 soldats britanniques et français encerclés par l'armée allemande sur les plages du Dunkerquois. Le réalisateur de la trilogie Batman/The Dark Knight et d'Inception est resté plus d'un mois dans la Cité de Jean Bart pour reconstituer les événements. "Dunkerque sera fidèle aux événements, à la réalité de l’histoire et à celle des lieux", promet-il dans l'entretien. 


Fasciné par la jetée Est de Dunkerque

Christopher Nolan n'avait pas souhaité s'exprimer pendant le tournage du film à Dunkerque. Habitué jusqu'ici aux polars cérébraux et à la science-fiction, le cinéaste s'explique cette fois sur ce projet de film de guerre que le public découvrira en salle le 19 juillet prochain. "Les comptes rendus de la bataille de Dunkerque insistent sur autre chose : ce qui prévaut, ce n’est pas l’horreur, c’est l’impossibilité, le paradoxe, l’incompréhension. En mai 1940, la situation sur cette plage était kafkaïenne. Je compare cela au cauchemar bureaucratique ultime. Des queues immenses, qui s’allongent et personne pour vous dire quoi faire, où aller, à qui s’adresser..."


C'est son épouse et co-productrice Emma Thomas - présente elle aussi lors du tournage - qui lui a fait découvrir l'histoire de l'Opération Dynamo. "Emma m’a conseillé de lire un livre sur l’évacuation de mai 1940 en me disant qu’il y avait peut-être un sujet pour moi. Je l’ai trouvé très intéressant, mais ça n’a pas été immédiat. Progressivement, une vision a commencé à me poursuivre. Celle du môle (...). Ces soldats massés sur la jetée." Christopher Nolan parle ici de la jetée Est de Dunkerque. Lors du tournage, il a demandé au décorateur calaisien Guy Belegaud de la recréer dans son apparence de 1940 avec la longue passerelle en bois. C'est de cette jetée qu'embarquèrent la plupart des soldats lors de l'évacuation. De nombreuses scènes y ont été filmées.


"Le môle est ce qui m’a tout de suite fasciné dans cette histoire. Je n’avais jamais entendu parler de cette jetée. Un kilomètre de long qui s’avance dans la mer. 2,5 mètres de large (...) . J’y voyais une image élémentaire. C’est la raison pour laquelle on l’a mise dans le premier trailer. C’est une image que je n’avais jamais vue avant et qui possède une force métaphorique, allégorique si vous voulez, qui résonne immédiatement dans l’inconscient", confie le réalisateur anglo-américain. 

"Un film sensoriel, quasiment expérimental" avec du suspense

Dans cet entretien à Première, Christopher Nolan ne révèle rien de l'intrigue du film. Il en évoque seulement le concept, l'esprit, l'architecture. "L’objectif avec Dunkerque c’est d’essayer de recréer la sensation primitive de terreur qui frappait les soldats coincés sur la plage", explique-t-il. "J’ai préféré faire un film sensoriel, un film quasiment expérimental. Sans dialogue. Les soldats n’ont pas d’histoire – en tout cas je ne la raconte pas. C’est un film qui vise à faire éprouver l’expérience de ces personnages de l’intérieur. Leur peur, leur anxiété, leur angoisse." Comme le laissait entrevoir le prologue diffusé dans les salles IMAX en décembre dernier, Dunkirk sera "raconté depuis trois points de vue. L’air (avec les pilotes de Spitfire incarnés par Tom Hardy et Jack Lowden NDR), la terre (avec les soldats du Corps Expéditionnaire Britannique joués entre autres par Fionn Whitehead et Harry Styles NDR) et la mer (avec l'équipage du Little Ship Moonstone conduit par Mark Rylance NDR)."


Si Christopher Nolan annonce un film "quasiment expérimental", Dunkirk sera aussi "un film de suspense et une course contre le temps." Le cinéaste cite comme référence Alfred Hitchcock (le nom de code du tournage à Dunkerque était "Bodega Bay" en référence à la station balnéaire californienne où se déroule le thriller Les Oiseaux) mais aussi Henri-Georges Clouzot et Le Salaire de la Peur qu'il a projeté à son équipe. Il ne faudra pas s'attendre en revanche à un nouveau Il faut sauver le Soldat Ryan, film référence de Steven Spielberg sur le débarquement en Normandie de juin 1944, autre épisode majeur de la Seconde Guerre Mondiale. "Steven a créé la version ultime du chaos guerrier. Je n’étais pas sur ce registre", indique Nolan. 

Souci d'authenticité

Pour accompagner ce long entretien, Première donne aussi la parole à ses plus proches collaborateurs : son épouse Emma Thomas ("L’Opération Dynamo fut à la fois une victoire et une défaite et c’est cette contradiction qui rend le sujet passionnant"), son monteur Lee Smith ("C’est vraiment un film unique") et son chef opérateur Hoyte Van Hoytema, dont l'imposante silhouette hirsute n'était pas passée inaperçue lors du tournage à Dunkerque. "Chris a tout de suite été très clair : il voulait tourner sur les lieux de l’action et il faudrait respecter ces lieux", explique ce dernier. "L’histoire et la géographie ont donc été les deux contraintes principales du tournage. J’ai vu des dizaines de reportages d’époque, des films tournés pendant les combats aériens ; j’ai regardé des centaines et des centaines de photos."


Gaël Golhen, l'auteur de l'entretien, a accepté de nous offrir un petit bonus inédit qui ne figure pas dans la retranscription publiée ce mercredi dans le magazine Première. Christopher Nolan y insiste sur l'importance d'avoir tourné à Dunkerque, sur les lieux-mêmes de l'Opération Dynamo, dans des conditions météo parfois difficiles. "Nous étions tous très conscients de nous confronter à la réalité de l’Histoire et ça donnait vraiment de l’importance au travail d'équipe et à la camaraderie", lui a confié Christopher Nolan. "Et dans l’adversité, c’était très important. Quelque soit la dureté des conditions ou des événements qu’on rencontrait – le temps, les conditions météo notamment – personne ne nous lançait des bombes sur la tête. Et on était vraiment conscient de ça. Ça change tout. Ce qu’on vivait n’était rien, RIEN, par rapport à ce que vécurent les gens qui étaient à Dunkerque en 1940. Et ça nous a donné un sens de la responsabilité et une énergie folle."


Le cinéaste hollywoodien a expliqué également avoir beaucoup pensé à son grand-père, mort pendant la Seconde Guerre Mondiale. "Pendant qu’on tournait ce film, je suis allé me recueillir sur la tombe de mon grand-père et c’est ce genre de moment qui donne un grand sens de la responsabilité. On fait un film de divertissement, mais on traite d’une histoire vraie. C’est un drôle de paradoxe de faire un film divertissant sur des événements qui ont eu lieu et ont été horribles ; au fond, je crois que c’est ce paradoxe qui m’a donné envie de faire ce film".

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