Alors que les contaminations augmentent dans le Dunkerquois, plusieurs théories se contredisent pour connaitre l'origine de cette explosion : proximité avec le Royaume-Uni ou "chapelles clandestines" organisées dans la sphère privée alors que le carnaval a été annulé ?
Depuis une dizaine de jours, les contaminations explosent à Dunkerque. En témoigne le taux d’incidence – c’est-à-dire le nombre de cas positifs pour 100 000 habitants – qui dépasse actuellement 650 sur le territoire, contre moins de 200 à l'échelle nationale.
Alors que partout ailleurs en France, la situation semble plutôt maîtrisée, comment expliquer cette augmentation du nombre de cas à l'échelle d'une agglomération ?
Pour certains, la hausse des contaminations est directement liée aux "chapelles clandestines" organisées dans la sphère privée, alors que l’édition 2021 du célèbre carnaval de Dunkerque a été annulée. D’autres évoquent la proximité de la ville portuaire avec le Royaume-Uni où le variant britannique, plus contagieux, s’est développé avant d’arriver en France.
Carnaval "underground" pour certains
Patrick Goldstein, chef des urgences au CHRU de Lille, en est convaincu : impossible d’écarter les rassemblements festifs privés organisés à Dunkerque suite à l’annulation du carnaval et l’augmentation du nombre de cas. "Il y a de toute évidence un lien entre cette volonté de vivre quand même un peu le carnaval, ce que je comprends parfaitement, et cette augmentation de l’incidence du virus sur Dunkerque", avance-t-il.
"Il faut que les Dunkerquois aient un comportement exemplaire pour nous aider et s'aider eux-mêmes, sinon la plupart d'entre eux va finir ici".
Ce que confirment les soignants à l’hôpital de Dunkerque, totalement saturé, qui constatent un relâchement des comportements. "Il faut que les Dunkerquois aient un comportement exemplaire pour nous aider et s'aider eux-mêmes, sinon la plupart d'entre eux va finir ici", insiste le docteur Christophe Couturier, à la tête des urgences. Les clusters familiaux se multiplient et il arrive que parents et grands-parents se retrouvent hospitalisés.
Même si Patrick Goldstein admet qu’il est probable que ces festivités privées ne soient pas la seule raison, il faut selon lui revenir à des règles raisonnables de vie sociale. "C’est de la prévention, on demande à nos amis dunkerquois de faire attention. Il est hors de question de stigmatiser qui que ce soit".
Proximité avec le Royaume-Uni pour d’autres
Du côté de l’Agence Régionale de Santé des Hauts-de-France, l’explication de cette hausse des contaminations "tient certainement à la proximité du Royaume-Uni", selon les mots de son directeur Benoît Vallet. Tout en rappelant qu’il faut "absolument être dans une logique de respect des mesures barrières" et éviter les rassemblements privés, les autorités sanitaires pointent du doigt la situation géographique du Dunkerquois, porte d’entrée de l’Europe pour le Royaume-Uni tout proche.
"Des dispositifs de contact tracing et donc de recensement des voyages et des déplacements ont montré qu’il y avait, trois ou quatre semaines en amont, des échanges qui avaient été faits et qui expliquaient le début de ces cas".
"Il y a eu au tout début des échanges entre le Royaume-Uni et le littoral Nord, rapporte Benoît Vallet. Des dispositifs de contact tracing et donc de recensement des voyages et des déplacements ont montré qu’il y avait, trois ou quatre semaines en amont, des échanges qui avaient été faits et qui expliquaient le début de ces cas".
⚠️#COVID19 ⚠️
— Préfet de la région Hauts-de-France et du Nord (@prefet59) February 15, 2021
Rappel : suite à la dégradation de l’évolution épidémique dans le #Dunkerquois, les mesures sanitaires sont renforcées. pic.twitter.com/Zjq9uvb6pI
À ce jour, une vingtaine de clusters actifs sont recensés à Dunkerque, parfois dans la sphère privée mais également dans plusieurs collectivités. "On a des établissements de type santé, des établissements pour personnes âgées dépendantes, des entreprises, des écoles…", liste le directeur de l’ARS.
Agacement des Dunkerquois
En toile de fond de ces suppositions sur la genèse de la hausse des contaminations, l’agacement des Dunkerquois s'intensifie, particulièrement chez leur maire, Patrice Vergriete. Présent ce jeudi matin au Kursaal pour assister au premier jour du dépistage massif organisé, l’édile a répondu aux suppositions de la tenue de "chapelles clandestines" dans la ville. "Je fais le constat qu’à Dunkerque, il n’y a pas plus de chapelles clandestines que de fêtes clandestines à Lille, à Arras ou ailleurs, a-t-il déclaré, non sans cacher son agacement sur ce qu’il considère comme une polémique inutile. Ça s’appelle chapelle clandestine en ce moment parce que c’est le carnaval, mais à Lille ça s’appellerait fête clandestine. Il y en a autant qu’ailleurs. Les Dunkerquois ont été très respectueux. Je note jusqu’à présent que tous ceux qui expriment ça ne sont pas Dunkerquois".
Sur les réseaux sociaux, des voix s’élèvent également pour dénoncer une stigmatisation des habitants de la ville. Sur la page Facebook du groupe Dunkerque au cœur rassemblant plus de 45 000 internautes, un message posté assure que le fait de dénoncer les "chapelles clandestines" est une accusation sans preuve. "Dois-je en conclure que nos écoles, collèges, lycées très touchés sont des chapelles le soir venu, que nos policiers Dunkerquois font chapelles aussi ?", ironise l’administrateur du groupe, avant de conclure. "Il y a peut-être des chapelles dites clandestines (mais) il y a surtout un variant qui contamine 50% de +, que nous sommes une région frontalière".
Selon Patrice Vergriete, la raison est à aller trouver ailleurs. "C’est trop facile de faire le lien entre le calendrier et ce pic actuel. Pour moi, c’est un faux problème et un faux débat qui ne règle rien de la suite".