Troquer sa caméra pour la plume, c’est le défi que s’est lancé l’ancienne journaliste et rédactrice en chef Audrey Gloaguen. Un polar qui emmène notamment le lecteur dans la région de Gravelines.
Celle qui fut journaliste d’investigation à France 2 et rédactrice en chef dans plusieurs sociétés de production pendant dix ans, mais également réalisatrice de documentaires, a décidé de s’adonner à l’écriture, il y a 8 ans.
Huit ans pour accoucher de son 1er roman "Semia" qui aura connu sept versions avant d’arriver le 10 mars 2022, dans nos librairies.
Un roman, un thriller
La veille de Noël, trois corps pendus sont retrouvés dans un centre commercial en région parisienne. L’héroïne du roman, une journaliste en plein divorce, qui ne se sent pas bien dans son travail où elle risque d’être licenciée, doit trouver une enquête forte pour garder son emploi. Elle va alors se lancer dans cette enquête haletante, qui de la banlieue parisienne à Aokigahara, la forêt des pendus du mont Fuji, en passant par Gravelines, va la mener sur la piste d'un réseau social et d'un logiciel révolutionnaire baptisé SEMIA (Semantic Analysis) qui dresse un portrait psychologique des utilisateurs et suscite la convoitise jusqu'au sommet de l'État.
Cette région est pleine de richesses. Esthétiquement, elle regorge de paysages cinématographiques, comme l’univers des mines que je trouve exceptionnel.
Audrey Gloaguen
Gravelines, les Hauts-de-France, mis en lumière dans ce polar, où Audrey Gloaguen imagine un énorme hangar baigné d’une lumière bleue abritant tous les serveurs du réseau social.
"J’aime particulièrement cette région. J’y ai travaillé en tant que journaliste, mais également pour mon documentaire "Inceste", consacré à une jeune fille de la région. Je me souviens avoir été accueillie par sa famille avec tellement de gentillesse."
L’écriture comme une libération
Si pour ce premier roman, elle n’hésite pas à comparer l’exercice à une traversée de l’Atlantique Nord à la rame, elle reconnaît surtout qu’il a été une véritable bouffée d’oxygène.
"J’étais, explique-t-elle, comme dans un tourbillon professionnel, rythmé par l’enchaînement de documentaires formatés et une pression institutionnelle qui ne me convenait plus. Le réel est très contraignant, juge-t-elle, l’imaginaire est une expérience créative incroyable."
Un univers de création qu’elle qualifie d’enivrant
"C’est magique de voir les scènes se créer sous nos doigts, de prendre conscience que nous sommes à l’origine du chemin, de la direction que nous donnons au livre. On crée des personnages qui deviennent presque réels, on les façonne, je voyais vraiment les scènes en les écrivant."
L’imaginaire rendu possible grâce à un laborieux travail de fourmi
"L’écriture d’un roman demande un travail énorme de documentation, j’ai mis plusieurs mois à me documenter pour le passage lié au Japon afin d’être le plus proche de la réalité. J’ai besoin de partir d’une base réelle. Je lis beaucoup d’articles, je regarde énormément de photos, sans doute mon côté réalisatrice, les photos m’inspirent, ensuite le cerveau fait son chemin. Comparé au documentaire, où ce sont les personnages que l’on filme qui dicte l’histoire, il y a un côté jouissif dans l’écriture d’un roman, où c’est l’auteur qui trace le chemin, c’est une liberté inouïe."
Pourquoi un polar ?
Au-delà d’une intrigue qui s’étale sur deux semaines à peine et nous tient tout du long en haleine, ce premier roman est particulièrement bien écrit, avec un style sec et précis. Parfois saccadés, parfois très imagés, les mots créent une ambiance très juste et renforcent les émotions du lecteur. L’écrivaine joue avec les phrases comme le prédateur avec ses victimes, nous embarquant dans son univers glaçant. Un univers qu’affectionne tout particulièrement Audrey Gloaguen.
"J’aime le glauque, pour me détendre, je ne vais pas regarder une comédie, mais plutôt un drame comme la série "Scenes from a Marriage" sur OCS, l’adaptation de la série culte d'Ingmar Bergman qui relate la vie et les déboires d'un couple marié. J’aime les thrillers, les polars, j’aime explorer le côté obscur de la force, j’aime ausculter la noirceur de l’âme. Pour un premier livre, c’est également rassurant de commencer par un polar, car l’intrigue donne un cadre assez fort, comme une colonne vertébrale."
Une part autobiographique
Faut-il voir dans ce 1er roman, le reflet d’une partie de son histoire personnelle ? A cette question, Audrey Gloaguen confie "comme la journaliste de ce thriller, j’ai connu une remise en question professionnelle, sans laquelle ce roman ne serait peut-être pas entre vos mains. Comme elle, j’ai, à une période de ma vie, fréquenté l’univers de la banlieue. Je suis née dans le 93, j’étais première de classe, et mon premier amour a été un dealer de shit. Dans un roman, il y a toujours une part autobiographique, car il est inspiré de faits réels, la fiction, c’est une adjonction de tout, on prend un peu d’un tel et d’un tel, de ce qui nous entoure."
Un premier roman, une première rencontre également avec les lecteurs
"C’est toujours étonnant de voir les gens acheter son livre. On crée un livre qui devient une entité autonome à part entière. On crée quelque chose et ensuite, il fait sa vie, seul, un peu comme un enfant."
Un premier thriller qui semble avoir pris le bon chemin, en ayant été sélectionné pour le prix Polar 2022. Gageons de toute façon qu’il ne sera pas le dernier ouvrage de fiction d’Audrey Gloaguen, bien décidée à reprendre la plume.