"Les vieux méritent mieux !", l'appel à l'aide des personnes âgées en Ehpad qui réclament plus de soignants

Plus de moyens pour un meilleur accompagnement des personnes âgées, mais aussi une loi Grand âge, c'est ce que réclament une vingtaine d'associations du secteur. Elles se mobilisent ce mardi 24 septembre dans le cadre d'une journée nationale, pour affirmer aux pouvoirs publics que "les vieux méritent mieux".

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"Les vieux méritent mieux", le slogan est fort, concis, explicite. C'est sous cette appellation qu'une vingtaine d'organisations du secteur du grand âge se sont mobilisées ce 24 septembre 2024. Objectif : interpeller les pouvoirs publics pour obtenir plus de moyens pour l'accompagnement des personnes âgées, mais aussi une loi Grand âge et un débat national sur la question.

Carmen Bauwens, résidente de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de Loos, près de Lille (Nord), pose un constat sans appel concernant les soignants : "Ils ne sont pas assez pour nous accompagner. Ils courent et nous, on est là, on attend." Un manque de moyens humains dû à un cruel déficit financier.

89% des Ehpad publics hospitaliers étaient déficitaires en 2023.

Sophie Devaud

FHF Hauts-de-France

"La situation est critique sur le plan financier pour les structures dans toute la France, et les 500 Ehpad des Hauts-de-France ne font pas exception. Mais c'est valable aussi pour l'aide des personnes à leur domicile.", alerte Arnaud Rousseaux, correspondant régional de l’Association des Directeurs au service des Personnes Agées (AD-PA).

Sophie Devaud, de la Fédération hospitalière de France (FHF) des Hauts-de-France précise : "Les déficits ont été multipliés par trois en trois ans dans la région pour les Ehpad publics hospitaliers. 89% des établissements étaient déficitaires en 2023, sachant que le niveau de déficit moyen est de 200 000 euros par structure."

Publiques, associatives et privées, des organisations unies face à l'urgence

Ce mardi 24 septembre, débats, manifestations, animations étaient au programme dans tout le pays. C'est la Fnadepa, la fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées, qui était à l'origine des deux éditions précédentes.

Mais cette année, toutes les organisations se sont mises d'accord, représentant donc les structures publiques, associatives mais aussi commerciales. Un combat national commun d'ampleur, à l'image de l'urgence de la situation.

Un problème d'attractivité

"Est-ce qu'on pourra encore tenir ? S'interroge Arnaud Chevalier, trésorier de la Fnadepa Hauts-de-France. Certes il y a la question du déficit, mais il y a aussi un problème de recrutement des personnels et d'attractivité. Les vieux méritent mieux, ça signifie que nos aînés méritent qu'on passe plus de temps auprès d'eux."

"On n'a plus les moyens ni humains ni financiers pour passer du temps auprès des résidents, déplore son président, Marc-Antoine Haverbeke. Investir de l'argent entraînerait un meilleur accès au soin, plus de prévention, des économies dans les hôpitaux, mais aussi plus de personnels donc une meilleure attractivité. Et puis un Ehpad est souvent le gros employeur d'un village ou d'une ville et il fait tourner les commerces locaux." Un cercle vertueux, en somme, mais qui a un coût, et pour lequel aucune décision politique n'a été prise.

C'est un financement de 10 milliards par an, on n'y coupera pas.

Arnaud Rousseaux

Correspondant régional AD-PA

Et ce n'est pas faute d'avoir alerté les gouvernements successifs. Une trentaine de rapports complets ont été remis aux différents ministres depuis plus de dix ans. Emmanuel Macron lui-même avait annoncé le vote d'une loi avant la fin 2019 et son Premier ministre de l'époque Edouard Philippe voulait faire du chantier de la dépendance "un marqueur social de notre quinquennat".

Le projet a été abandonné. Mais les difficultés, elles, restent bien réelles. Pour les associations, ajoute Arnaud Rousseaux, "le rapport Libault sur l'autonomie et le rapport El Khomri sur l'attractivité des métiers du grand âge, tous deux remis à la ministre de la Santé Agnès Buzin en 2019, disent tout. Ils listent exactement ce qu'il faut faire. C'est un financement de 10 milliards par an, on n'y coupera pas."

    L'urgence, c'est un plan de secours pour ne pas s'écrouler. Certaines structures ne passeront pas l'hiver.

    Arnaud Rousseaux

    Représentant AD-PA pour les Hauts-de-France

    Deux axes majeurs

    Il y a d'abord une question importante à régler à court terme. "L'urgence, alerte encore Arnaud Rousseaux, c'est un plan de secours pour ne pas s'écrouler. Clairement, certaines structures ne passeront pas l'hiver."

    Et puis il faudra dans un deuxième temps, mais de façon urgente également, la tenue d'un débat national. "Il est sans cesse repoussé depuis quinze ans. La situation politique est tendue, mais le sujet du grand âge est extrêmement fédérateur, quels que soient les bords. C'est un sujet de cohésion."

    Un papy-boom imminent

    Pour Sophie Devaud, "on se contente pour l'heure de survivre, mais on devrait se préparer au papy-boom, qui est la conséquence du baby-boom." Les babyboomers nés en 1945 auront 80 ans en 2025 et 85 ans en 2030. Ils en avaient 23 en mai 68 et ont donc vécu avec des valeurs d'autonomie et de liberté et la majorité d'entre eux souhaite maîtriser son vieillissement et l'anticiper.

    D'après le rapport 7 de l'agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale, intitulé Le domicile du futur commence aujourd'hui, publié en juin 2024 et mis à jour en septembre, on s'attend à une explosion des 75-84 ans d'ici à 2030. Une population qui se caractérise par "des fragilités physiques (risque de chutes...), psychiques (perte de mémoire...) ou sociales (veuvage, risque d'isolement, arrêt de la conduite...)."

    Evalués à 2,2 millions aujourd'hui, les 85 ans et plus seront 4,8 millions en 2050.

    Agence nationale de la performance sanitaire et médico sociale (anap)

    Selon le rapport, cette population devrait être la cible principale des politiques de prévention et d'adaptation des logements, des villes ou des mobilités car elle va "passer de 4 millions en 2020 à 6 millions en 2030, soit une hausse de +50%".

    Et si les personnes de 85 ans et plus - âge moyen d'entrée en Ehpad - constituent une population dont le volume va quasiment stagner dans la décennie, elles vont connaître une croissance exponentielle par la suite. "Évalués à 2,2 millions aujourd'hui, les 85 ans et plus seront 4,8 millions en 2050.", détaille le rapport. Une génération qui est propriétaire à 75% de son logement et souhaite rester à la maison le plus longtemps possible.

    Des services d'aide à domicile asphyxiés

    "La situation est difficile pour les établissements mais ce qui se passe à domicile, c'est pire, regrette Arnaud Chevalier. Les services sont asphyxiés. Aujourd'hui, 25% des plans d'aide à domicile ne peuvent pas être réalisés par manque de personnel."

    C'est pourquoi la mobilisation "Les vieux méritent mieux" implique non seulement les bénéficiaires, mais aussi les soignants, les professionnels du secteur, les bénévoles et les familles. "C'est vrai qu'on n'a plus les moyens, ajoute Arnaud Rousseaux, mais les personnels font ce qu'ils peuvent et donnent le meilleur. Malgré les difficultés, je peux vous assurer que chaque établissement a toujours un projet fort, concernant la vie sociale, mais avec des petites ficelles. Aujourd'hui, on est au bout de ces ficelles."

    Et de mentionner Paul Christophe, nordiste nommé ministre des Solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le gouvernement Barnier. "On serait ravis de le recevoir dans le Nord pour voir s'il a pris la mesure des enjeux." L'appel est lancé.

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