Il y a 80 ans, les troupes alliées britanniques, américaines, canadiennes et polonaises libéraient le Nord et le Pas-de-Calais. Tout commence le 1er septembre 1944, dans les secteurs d'Arras et Douai. L'occupant allemand sera chassé en quelques jours seulement de la région, excepté sur le littoral.
C’est un film exceptionnel, tourné il y a 80 ans jour pour jour dans la région de Lens. Nous sommes le 2 septembre 1944, dans le village de Bouvigny-Boyeffles. On y voit des habitants, grand sourire, qui guettent l’arrivée des troupes Alliées. Impatients, ils se rendent à la rencontre de leurs libérateurs : des Britanniques qui progressent vers le Nord.
Quand leurs blindés traversent le bourg, la population brandit l’Union Jack et acclame en héros ces soldats. La veille, les Anglais viennent de libérer les villes de Douai et Arras. Après quatre années d’occupation, la libération du Nord Pas-de-Calais vient de débuter.
Les Britanniques libèrent Arras, Douai et Lens
La 2ème armée britannique du général Dempsey joue un rôle primordial dans la reconquête du territoire des Hauts-de-France. Après avoir libéré Amiens le 31 août, les Anglais avancent au pas de course en direction d’Arras et de Douai.
"1er septembre au matin, les troupes britanniques pénètrent dans la ville d’Arras. Tout de suite, les gens sortent. C’est même dangereux, raconte Alain Jacques, directeur de la société archéologique d’Arras. Il y aura d’ailleurs quelques civils qui vont décéder car ils sortent trop vite des abris et les combats sont encore en cours".
On a les photos qui montrent l’alégresse dans la ville, notamment toutes ces jeunes filles qui suivent avec des bouquets, des drapeaux, qui chantent. On voit la joie sur leurs visages. C’est un grand moment pour la ville d’Arras.
Alain Jacques, directeur de la société archéologique d'Arras
Officiellement, c’est un régiment de Gallois qui libère la préfecture du Pas-de-Calais.
Tout un symbole. "En 1940, le régiment de Welsh-wards était le dernier à quitter la ville, à résister dans la ville, le 26 mai. Quand les Welsh sont remontés en 44, on les a laissés rentrer les premiers pour rendre hommage à la défense qui avait été effectuée plus tôt".
À Cambrai, les Américains permettent aux habitants de "respirer normalement"
Les troupes britanniques avancent donc au centre, en direction de Bruxelles. Tandis qu’à l’Est, ce sont les Américains, partis depuis Péronne, qui foncent vers la Wallonie en passant par Valenciennes et Cambrai.
Le 2 septembre 1944, la ville est enfin libérée par les troupes du général Bradley.
Denise Cauchy avait 15 ans à l’époque. Elle se souvient de chaque instant. "Vous ne pouvez pas mesurer ce que ça fait après 4 ans d’oppression. Tout à coup, vous avez des gens qui arrivent et qui vous apportent la liberté, le droit de respirer normalement, raconte, émue, la nonagénaire. On a dévalisé l’épicier et on a apporté tous les fruits et les tomates qu’on a trouvés. Eux nous ont donné du chocolat".
Une libération d’autant plus espérée par les habitants alors que la ville est bombardée par les Alliés depuis le mois d’avril. En quelques mois, 250 civils ont été tués et plus de 300 Cambrésiens blessés.
Dans l’Audomarois, les Polonais acclamés
Le 5 septembre 1944, les habitants de Saint-Omer se réunissent sur la Grand-Place pour fêter leurs libérateurs. Ces soldats alliés ne sont ni Britanniques, ni Américains, mais Polonais.
Fin août, les Canadiens et les Polonais ont libéré ensemble Abbeville avant de se séparer. Tandis que les premiers libèrent Montreuil-sur-Mer le 4 septembre, les seconds prennent la direction de l’Audomarois.
Sur des images inédites filmées par un notaire le 5 septembre 1944, on aperçoit une foule qui acclame l’arrivée des chars. Les Allemands viennent de déguerpir. "Il y a beaucoup de photos qui réapparaissent, indique Alban Simon, président de l’association "Culture : passion partagée". Ils ne sont passés qu’une seule journée mais nous disposons d’énormément de documents".
La première division blindée polonaise est arrivée par les hauteurs de Saint-Omer. Commandés par le général Stanislaw Maczek, les combattants polonais ont débarqué en Normandie début août 44 aux côtés des Canadiens. Après avoir férocement combattu les Allemands dans la poche de Falaise, ils les ont ensuite pourchassés vers le Nord.
"Dans les témoignages, les habitants sont surpris de voir des Polonais. En plus, ces libérateurs parlent Français puisqu’ils vivent sur le territoire Français depuis les années 20. Il y a donc beaucoup d’échanges avec la population". La Libération de l’Audomarois coûtera la vie à une quinzaine d’hommes de la première division blindée polonaise. Leurs noms sont aujourd’hui inscrits sur les monuments funéraires.
Le rôle majeur de la Résistance à Lille
Il est 17 heures, dimanche 3 septembre 1944, lorsque les derniers coups de feu résonnent dans les rues de Lille. La capitale des Flandres est enfin libérée, le drapeau nazi qui flottait sur la nouvelle Bourse – alors siège de la Kommandantur – est jeté au sol. Sur les monuments, mais aussi aux fenêtres des maisons, les drapeaux français sont sortis.
Fait notable : les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) ont joué un rôle primordial dans cette libération. "Ces groupes ont joué un rôle important en harcelant les groupes d’Allemands qui se repliaient, en guidant les troupes Alliées pour se repérer sur les routes, en assurant la protection des industries pour empêcher les dynamitages par les Allemands", liste Yves Le Maner, historien et coauteur du "Nord Pas-de-Calais dans la main allemande 1940-1944".
Après une réunion à Fives le 1er septembre, des actions sont menées conjointement par différents groupes de Résistants et la Citadelle est libérée le 2 septembre. Grâce au concours des troupes britanniques, la libération de Lille est actée le lendemain.
La ville s’est pratiquement libérée toute seule grâce à l’action de la Résistance.
Yves Le Maner, historien et co-auteur du "Nord Pas-de-Calais dans la main allemande 1940-1944"
Si les FFI feront plusieurs milliers de prisonniers dans les troupes allemandes en repli, la Résistante paiera un lourd tribut : 500 d’entre-eux perdront la vie dans ces combats.
La majeure partie du Nord et du Pas-de-Calais sera libérée en moins d’une semaine. Seules quelques poches de résistance allemande subsisteront encore sur le littoral à Boulogne-sur-Mer, Calais et surtout Dunkerque. La cité de Jean Bart ne sera reprise qu’en mai 1945, soit après 4 ans 11 mois et 5 jours d’occupation allemande.