Contrairement à la tendance nationale qui projette une majorité de députés Nouveau Front Populaire à l'Assemblée Nationale, dans le Nord et le Pas-de-Calais, le RN a confirmé son implantation territoriale. Même si le jeu des reports de voix a fait basculer plusieurs circonscriptions. On fait le point avec Tristan Haute, maître de conférences en sciences politiques à l'université de Lille.
Sur les 33 circonscriptions qui composent le Nord et le Pas-de-Calais, 17 ont été remportées par des élus RN ou alliés, 8 par des candidats Ensemble-Horizons, 5 par le Nouveau Front Populaire, et 3 LR-DVD.
Ces résultats contredisent la tendance nationale qui projette une majorité de siège pour les candidats NFP. Ils sont "surprenants au regard de ce qu'il s'est passé ces dernières semaines, mais assez logiques", analyse à chaud, en ce lendemain de soirée électorale Tristan Haute, maître de conférences en sciences politique à l'université de Lille.
"Un front républicain qui a très bien marché"
Au fil des scrutins, le Rassemblement National s'offre toujours plus une place de choix dans nos départements. Dès le premier tour de ces élections législatives, 12 députés RN avaient été élus. On s'attendait alors à une vague bleu marine sur le Nord Pas-de-Calais, qui a finalement été plus nuancée.
"Avec un report de voix de la gauche vers la majorité présidentielle qui s'est très bien fait, il y a eu des remontées assez surprenantes" relate le politologue. On note par exemple, la victoire sur le fil de Jean-Pierre Bataille (DVD) dans la 15ème circonscription du Nord, celle de Sébastien Huyghe (LR) dans la 5ème du Nord ainsi que Valére Létard (UDI) dans la 21ème circonscription du Nord.
Il y a eu des remontées assez surprenantes
Tristan HauteMaître de conférences en sciences politiques à l'université de Lille
Si l'implantation du Rassemblement National dans le bassin minier n'est plus à prouver, "le RN a été bloqué dans son ascension dans le dunkerquois, ainsi que dans la métropole lilloise" poursuit-il. Désormais, c'est la majorité présidentielle qui incarne la droite modérée. Elle a réussi à se maintenir dans "les circonscriptions les plus aidées de la métropole lilloise. Comme avec Violette Spillebout, dans la 9ème du Nord. Sa victoire n'est pas surprenante, elle est dans une circonscription taillée pour la droite."
Ces revirements de situation ont été possibles grâce à "un front républicain qui a très bien marché, notamment à gauche" explique le maître de conférences. "Il y a eu une percée du Nouveau Front Populaire dans le Nord, qui ne se traduit pas dans les circonscriptions, mais les résultats sont sans appel à Lille, Roubaix et Lomme", où la coalition de gauche a notamment fait élire Aurélien Le Coq (LFI) dans la première circonscription du Nord avec 75,49% des suffrages.
"Cette victoire suscite une forme d'espoir"
Dans l'expectative d'une victoire du Rassemblement National dimanche soir, une manifestation était prévue sur la place de la République de Lille. Elle s'est finalement transformée en célébration populaire, qui traduit la surprise de ces résultats.
"Le fait pour la gauche, d'arriver en tête et de défaire le RN, c'est une forme de victoire qui était inespérée. C'est une célébration de soulagement. Cette victoire suscite une forme d'espoir" explique Tristan Haute, qui n'exclut pas que la mobilisation de la jeunesse ait pu faire pencher la balance pour la coalition de gauche.
"Il ne faut pas oublier qu'une partie des jeunes se mobilise électoralement de manière très épisodique, ils ont une distance par rapport à la politique partisane. Mais ils ont eu l'impression que là, cela a servi à quelque chose. Aux européennes c'était différent." Dans le Nord et le Pas de Calais, le taux de participation a avoisiné les 65% dans les deux départements.
► Revivez ici l'annonce des résultats des législatives 2024 dans le Nord Pas-de-Calais
Des changements d'avis entre le premier et le second tour ?
L'hypothèse d'un changement radical de vote chez les électeurs des circonscriptions qui ont eu une majorité RN au premier tour, mais qui ont finalement penché pour un candidat Ensemble ou NFP au second tour, Tristan Haute y croit moyennement. "Ce que dit la science politique, c'est que les déplacements se font toujours de proche en proche." En d'autres termes, il est plus probable qu'un électeur qui a donné sa voix au RN au premier tour ait opté pour l'abstention au second tour, plutôt que pour un vote NFP.
"Il n'y a pas trop de transfert de vote RN vers NFP", de manière générale, "c'est assez rare de changer d'avis" conclut-il.