Après l’annonce du PSE en novembre 2019, la réception des lettres de licenciement à dix jours de Noël est un deuxième coup de massue pour une dizaine de salariés de l’usine Cargill d’Haubourdin. De "l’irrespect" pour les syndicats. "Halte aux calomnies" répond la direction.
Ils s’attendaient à recevoir un courrier, mais plutôt en début d’année prochaine. Depuis le début de la semaine, une dizaine de lettres de licenciement ont été envoyées à des salariés de l’usine Cargill d’Haubourdin. "C’est un joli cadeau de Noël", tente d’ironiser un opérateur de production qui souhaite rester anonyme, afin de cacher sa colère alors qu'il vient de recevoir sa notification de licenciementardi 15 décembre. "J’ai le moral à zéro, ce qu’ils font là, c’est lamentable."
Pourtant, au terme d’une réunion entre la direction et les syndicats le 10 décembre dernier qui portait précisément sur les risques psycho-sociaux entrainés par la notification de licenciement, un accord avait été trouvé pour n’adresser les courriers aux salariés concernés qu’à partir du 4 janvier 2021, afin de sauver au maximum les fêtes de fin d’année entachées par une telle nouvelle.
Selon les syndicats, 16 envois sont prévus avant Noël et une dizaine de salariés ont déjà reçu leur courrier, dont l''envoi est daté au 11 septembre… soit au lendemain de la réunion sur les risques psycho-sociaux. "Pourquoi ? se demande tout simplement Dorian Vallois, délégué syndical CGT. Ils nous avaient pourtant clairement annoncé qu’il n’y aurait aucun envoi avant les fêtes. On nous parle de ressources humaines. Ressources OK, mais l’humain il est où la dedans ? C’est de l’irrespect." La direction explique que ces envois découlent d'un comité social et économique organisé le 26 novembre dernier, mais qu'une suspension est prévue du 15 décembre au 4 janvier. On fait le point sur cette polémique.
"En plus de prendre nos emplois, ils nous détruisent psychologiquement"
Ces premiers licenciements interviennent dans un contexte social très tendu. Rappelons qu’en novembre 2019, un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avait été annoncé. Celui-ci prévoyait initialement la suppression de plus de 180 postes sur les quelques 300 que compte l’usine Cargill d’Haubourdin, spécialisée dans la transformation d'amidon. Finalement, la direction affirmait qu’il y aurait "129 personnes licenciées au maximum" grâce à la "création de 30 postes et un investissement de 30 millions d’euros dans les deux ans." Aujourd'hui, la direction va plus loin et annonce "90 licenciements, tout au plus."
"L’année dernière en novembre, ils nous annonçaient qu’ils allaient licencier 180 personnes et un an plus tard, on reçoit ce courrier, constate, amer, Dorian Vallois. En plus de prendre nos emplois, ils nous détruisent psychologiquement." Un procédé également dénoncé dans un communiqué par des politiques. Le député du Nord Adrien Quatennens se demande si "le père noël est une ordure ?" L’élu de la France Insoumise exprime son soutien "aux salariés qui luttent pour le maintien de leur emploi ainsi que (sa) solidarité avec leurs familles malmenées par cette multinationale." Fabien Roussel, député du Nord communiste, dénonce également cet envoi "la veille de Noël."
? #Cargill Haubourdin : le père noël est une ordure ?
— Adrien Quatennens (@AQuatennens) December 16, 2020
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Fin septembre, le comité social et économique (CSE) et les syndicats avaient saisi le juge des référés pour suspendre tout bonnement le plan social en cours, demande rejetée par la justice le 4 novembre. Maître Fiodor Rilov, avocat auprès des salariés de l’usine, avait alors saisi au nom du CSE et de la CGT la cour d’appel de Douai, en dernier recours. L’audience devrait se tenir le 23 mars prochain. De leur côté, les syndicats annoncent d’ores et déjà qu’ils feront "réintégrer l’ensemble des salariés qui auraient pu être licencié entre temps" si la justice leur donne raison.
Pourquoi ces envois avant Noël ?
Comment expliquer alors l’envoi de lettres de licenciement avant les fêtes de Noël malgré l'accord trouvé le 10 décembre dernier ? La réponse est toute trouvée pour Dorian Vallois, délégué syndical CGT. "Le responsable des relations sociales a entamé une guerre ouverte avec la CGT parce qu’on est en désaccord avec la direction sur le PSE. Là où il faudrait faire les choses dignement, il se venge et en fait une affaire personnelle."
"En quarante ans dans cette boîte, c’est la première fois que je vois ça. C’est une manière de remuer le couteau dans la plaie."
Daniel Petit, à la tête du comité social et économique, ne comprend pas. "En quarante ans dans cette boîte, c’est la première fois que je vois ça. C’est une manière de remuer le couteau dans la plaie." Une réunion, prévue ce jeudi 17 décembre, devrait leur permettre de poser directement la question.
"La direction a été très claire sur le fait que les notifications de licenciement seraient envoyées et interviendraient avant le début de l’année 2021, mais que toute notification serait suspendue entre le 15 décembre et le 4 janvier."
Jointe par téléphone, la direction du site d'Haubourdin veut tout bonnement clôre cette polémique. "Halte aux calomnies" expliquent-ils. Le sujet a été dans un premier temps abordé lors d'un CSE organisé le 27 novembre dernier, avant de revenir sur la table lors de la réunion sur les risque psycho-sociaux le 10 décembre. "La direction a été très claire sur le fait que les notifications de licenciement seraient envoyées et interviendraient avant le début de l’année 2021, mais que toute notification serait suspendue entre le 15 décembre et le 4 janvier", rapporte-t-on. Soit des envois dès la semaine du 7 décembre... stoppés entre le 15 décembre et le 4 janvier.