Le juge des référés a statué deux fois ce 5 décembre en faveur du projet d'agrandissement de l'aéroport de Lille-Lesquin. Les maires et associations opposés à ces travaux prennent acte de ces décisions mais restent mobilisés.
Une déconvenue, pour les opposants à l'agrandissement de l'aéroport de Lille-Lesquin. Le 5 décembre, le tribunal administratif de Lille examinait deux référés : l'un, déposé par plusieurs associations contre l'aéroport de Lille, l'autre déposé par l'aéroport de Lille contre plusieurs mairies. Les deux décisions du tribunal s'avèrent défavorables aux adversaires du projet.
Les associations Non à l'Agrandissement de l'aéroport Lille-Lesquin (Nada), Nord Nature Environnement et France Nature Environnement HDF souhaitaient faire annuler l'autorisation environnementale délivrée par la préfecture, jugeant insuffisante son étude d'impact, notamment sur le volet des nuisances sonores. La gestion durable de la ressource en eau était également au coeur des préoccupations. Un premier assaut juridique sur une question de forme, qui n'aura pas fonctionné.
"Ce n'est pas vraiment un revers pour nous"
"Le juge des référés a estimé qu’en l’état du dossier qui lui était soumis, aucun de ces arguments n’était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du préfet du Nord" écrit le tribunal administratif dans un communiqué. Les associations requérantes ont donc été déboutées et les juges ont refusé de suspendre les travaux dans l'attente d'un débat sur le fond du dossier.
"Même si les audiences avaient permis de montrer des incohérences dans la version de l'aéroport, le juge n'a pas estimé que sur la forme il y avait matière à retarder ce projet. Sur notre référé, il n'y avait vraiment pas de surprise. Nous attaquions la réalisation de forage dans un référé déposé le 7 novembre, l'aéroport a décidé de faire les travaux en urgence entre le 8 et le 10 et de nous mettre devant le fait accompli. Cela a rendu cette audience un peu caduque", décrypte Charlène Fleury, porte-parole de l'association Nada
"Ce n'est pas vraiment un revers pour nous, on s'y attendait. On attend surtout avec impatience l'audience qui sera consacrée au fond du dossier, pour laquelle on n'a pas encore de date mais où on va pouvoir développer nos arguments. On tente tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre ce projet destructeur. Cette décision n'entame pas notre détermination, nous irons jusqu'au bout."
Les maires contraints de rééxaminer le dossier
Le second recours examiné le même jour, déposé par le gestionnaire de l'aéroport, visait les communes de Fretin et de Lesquin. En effet, malgré l'autorisation environnementale délivrée par la préfecture le 6 juillet 2022, les deux maires de ces communes ont refusé de délivrer le permis de construire nécessaire aux travaux. Le tribunal a décidé ce 5 décembre de suspendre ce refus de permis de construire.
"Il a estimé que cette décision préjudicie gravement et immédiatement à l’intérêt public qui s’attache à éviter la saturation de l’aérogare et à réduire rapidement son exposition au risque notamment d’attaque par voiture bélier" poursuit le communiqué du tribunal administratif. Selon le juge des référés, les motifs invoqués pour ce refus de permis "ne paraissaient pas, en l'état, pouvoir légalement fonder la décision des communes" de Lesquin et Fretin.
Les deux maires seront donc contraints d'examiner de nouveau la demande de permis de construire déposée par la société Aéroport de Lille, dans un délai d'un mois. Jean-Marc Ambroziewicz, maire de Lesquin, réfute point par point les arguments de la société d'exploitation et du tribunal.
"Il y a ce rouleau-compresseur qui passe"
"On était en référé, des procédures qui ont un caractère d'urgence, or ce chantier n'en est pas une en 2022. Concernant la sur-fréquentation, il a été redit à l'audience que le nombre de passagers cette année a à peine atteint 80% de ceux accueillis en 2019" rappelle-t-il.
On nous parle de saturation durant l'été : quelle autoroute n'est pas surchargée en juillet-août ? Ce n'est pas pour ça qu'on double les infrastructures !
Jean-Marc Ambroziewicz, maire de Lesquin
"Le deuxième point d'urgence a été celui des risques d'attentats, poursuit l'élu. Comment un aéroport aurait-il pu fonctionner depuis autant de temps avec un risque terroriste aussi présent ? S'il n'avait pas été aux normes là-dessus, il aurait dû fermer il y a longtemps."
Jean-Marc Ambroziewicz regrette surtout que "les nuisances pour la population ne soient pas prises en compte. Il y a une fois de plus ce rouleau-compresseur qui passe et nous ne sommes pas entendus."
Même déception chez sa collègue Béatrice Mullier, maire de Fretin. "Alors qu'on nous parle de décarboner, on veut nous obliger à subir ces nuisances et cette pollution, abonde-t-elle. Je suis très déçue de m'apercevoir que, face à des intérêts financiers, l'intérêt de ma population ne compte pas. Ce que nous voulons, c'est protéger nos administrés, et voilà, ça n'a aucun poids."
Les deux élus ne comptent d'ailleurs pas baisser les bras face à l'injonction du tribunal. "Le permis, c'est nous, maires, qui le signons. Nous discutons avec nos conseils municipaux, avec notre avocat, pour savoir ce que nous allons faire" assure Béatrice Mullier.
Lesquin, un aéroport actif mais vieillissant
Construit il y a 25 ans, Lesquin est le 13ème aéroport français, et s'étend sur 500 hectares. Son activité impacte 33 communes, qui se sont toutes élevées contre le projet d'agrandissement présenté en 2020 par le nouveau gestionnaire. En 2019, 30 000 mouvements d'avions sont passés au-dessus de leurs maisons.
Actif, l'aéroport n'en est pas moins obsolète, et nécessite une grande remise aux normes. C'est en partie à cela que sera consacré le budget de 100 millions d'euros prévu pour les travaux. L'autre partie sera dédiée à l'extension de l'aérogare, et l'élargissement des pistes. Eiffage, l'actuel concessionnaire, compte accueillir jusqu'à 3,9 millions de passagers en 2039 contre 2,2 millions en 2019.
Les opposants au projet dénoncent également un anachronisme environnemental "dans un contexte où le dernier rapport du GIEC nous donne 3 ans pour conserver une planète vivable" rappelait en avril Pauline Ségard, présidente du groupe écologiste à la Métropole Européenne de Lille.