"C'est l'enfer, on est constamment malades" : 300 000 personnes vivent dans un logement indigne dans les Hauts-de-France

Depuis 2012, Hélène et ses enfants vivent dans un logement du parc social lillois rongé, d'années en années, par l'humidité et les moisissures. La santé de la famille en pâtit lourdement. Dans les Hauts-de-France, 300 000 personnes vivent dans un logement potentiellement indigne, selon un rapport de la Fondation Abbé Pierre publié ce mercredi 2 octobre.

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C'est la première chose qu'Hélène* et ses enfants voient lorsqu'ils ouvrent les yeux le matin. La moisissure. Elle colore en noir et en vert les quatre coins de leurs chambres. Hélène a tout essayé. Nettoyer, peindre, rien n'y fait. La moisissure revient toujours. "C'est l'enfer. On est constamment malades. On se sent mal. On ne peut plus inviter personne à la maison. On se sent isolés et démunis", confie cette mère de famille, qui a choisi de témoigner anonymement pour protéger ses enfants de "la honte" du mal logement.   

Hélène et ses enfants font partie des 300 000 personnes vivant dans un logement potentiellement indigne dans les Hauts-de-France, selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l'état du mal-logement dans la région, publié ce mercredi 2 octobre 2024. 

Des conséquences sur la santé de la famille

La famille a emménagé en 2012 dans ce logement du parc social situé à Lille (Nord). Si, au début, tout allait bien, la situation s'est peu à peu dégradée. En témoignent les fissures dans les murs, l'état d'un des radiateurs de l'appartement, presque entièrement rouillé, ou encore cette prise électrique qui semble vouloir sortir d'un mur.

Dans un rapport que nous avons pu consulter, la mairie de Lille elle-même constate les dégâts matériels. Le service d'hygiène a listé de nombreux manquements au règlement sanitaire départemental. Un conseiller médical en environnement intérieur (CMEI) est également venu dans le logement. 

Ça a déclenché 35 pneumonies depuis que je suis dans ce logement.

Hélène, habitante d'un logement indigne à Lille

Les conséquences de l'humidité et des moisissures sur la santé de la famille sont récurrentes. Ce mardi, le fils ainé revient tout juste d'un rendez-vous chez le médecin. "Je pensais que c'étaient les symptômes du Covid. Et il me dit clairement que non, c'est une allergie. Je lui explique que ma mère a des moisissures chez elle et il m'a clairement fait comprendre que c'était dû à ça, explique le jeune garçon. Il m'a demandé si j'avais de la toux, j'ai dit oui, que j'étais pris de la gorge, irrité du nez… Ça commence à venir au niveau de mes oreilles, de la tête, tout le système respiratoire, au niveau des poumons également", détaille-t-il. 

Hélène est atteinte d'une sclérose tubéreuse de Bourneville, une maladie génétique rare. Elle dit souffrir chaque jour un peu plus malgré la morphine et la ventoline. "C'est une maladie qui attaque les reins, les poumons, le cœur, le cerveau, la peau…", énumère Hélène. "Et en fait, ça a déclenché 35 pneumonies depuis que je suis dans ce logement", révèle celle qui a été hospitalisée à de nombreuses reprises. Si bien que la plupart du temps, Hélène dort sur le canapé, sa chambre étant trop infestée par les moisissures.

Des propositions de relogement inadaptées

"Ils n'ont jamais bougé. Pour eux, c'est moi qui entretiens mal le logement, qui ne chauffe pas assez ! Pourtant, j'ai 600€ de factures d'électricité par mois", dénonce-t-elle. "Eux", ce sont les services du bailleur social, Vilogia. Depuis 7-8 ans, Hélène demande à ce que des travaux soient effectués. Des propositions de relogement ont été faites, mais bien trop loin de ses besoins. "On m'a dit qu'il n'y avait pas de relogement possible dans les alentours de la MEL [La Métropole Européenne de Lille], que j'étais pas assez prioritaire", relate la mère de famille. 

Deux villes lui ont été proposées. "Vous choisissez quoi ? Douai ou Dunkerque ? Vous avez deux minutes pour répondre, deux minutes. J'étais piégée en fait." Si elle reste dans son logement, c'est parce qu'elle n'a "pas le choix". Le logement privé est trop cher. Et elle doit rester aux alentours de Lille pour son suivi médical à l'hôpital. Hélène fait tout à pied. "J'ai plus d'immunité. La dernière fois que j'ai pris les transports en commun, je me suis retrouvée 15 jours à l'hôpital."

Le taux de pauvreté atteint 19,5% dans le Nord

Selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre, le taux de pauvreté dans les Hauts-de-France est passé de 17,2 à 18% dans la région entre 2020 et 2021, contre 14,5% au niveau national. Il atteint même 19,5% dans le département du Nord. Hélène touche l'AAH, des allocations familiales et une pension alimentaire. Une fois le loyer et les factures payées, il lui reste à elle et ses deux enfants à charge environ 250 à 300€ par mois pour vivre. 

C'est pas normal qu'il y ait autant de gens qui souffrent et que les lois ne changent pas.

Hélène, habitante d'un logement indigne à Lille

Excédée, la mère de famille a suspendu le paiement de ses loyers pendant plusieurs mois. Une erreur admet-elle. Elle dit aujourd'hui avoir totalement régularisé son dossier. "C'est pas normal qu'il y ait autant de gens qui souffrent et que les lois ne changent pas", souffle Hélène. La Fondation estime que la lutte contre l'habitat indigne passe par "le contrôle et la régulation de l’offre locative, le conseil et l’accompagnement des personnes en situation de mal-logement, le soutien à l’amélioration de l’offre existante, mais aussi par l’accroissement de l’offre de logements très sociaux et de son accessibilité aux ménages les plus modestes et vulnérables".

*Le prénom a été changé à la demande de la personne.

Avec Ophélie Masure / FTV

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