Face au Coronavirus, les forces de l'ordre doivent elles aussi se réorganiser, et notamment les enquêteurs de la direction interrégionale de la police judiciaire de Lille (DIPJ), saisis des affaires les plus graves qui ont lieu dans les Hauts-de-France.
Quel impact la pandémie de Covid-19 a-t-elle sur les enquêtes de police, dans les affaires les plus graves de la région Hauts-de-France ? La police judiciaire de Lille doit bien "composer" avec le coronavirus dans le traitement de ses dossiers, notamment les investigations au long cours.
Urgences prioritaires
L'objectif de la DIPJ de Lille, en ces temps de crise sanitaire et de confinement, c'est de poursuivre son action "en gérant la santé de ses personnels et en préservant ses capacités opérationnelles dans la durée", dit son chef Romuald Muller. Préserver le potentiel opérationnel, notamment en cas d'événement grave, comme un attentat.
Pour l'instant, priorité est donnée aux "saisines urgentes avec les enquêtes de flagrance à fort enjeu d’ordre publique, et qui doivent avoir une réponse judiciaire rapide".
Autrement dit, les affaires qui "tombent", comme le meurtre par balle d'un homme dans la nuit du 18 au 19 mars à Hem, pour laquelle la PJ de Lille a été saisie par le parquet à 5 heures du matin.
Ou encore la double tentative de braquage d'une poste et d'une boulangerie commise mercredi à Amiens, où un suspect a pu être interpellé et placé en garde à vue.
Soulager la sécurité publique
En cette période particulière, où les policiers de commissariats sont mobilisés en nombre à surveiller les allers et venues sur la voie publique, la police judiciaire est chargée de soulager certains services, comme les sûretés urbaines, pour des affaires moins graves que ce qu'elle a l'habitude de traiter.
Comme cette découverte de cadavre mardi 17 mars à Denain (Nord), où une femme de 71 ans a été retrouvée sans vie dans la cour de son habitation, avec des traces suspectes sur le corps. "L'autopsie a lieu demain, et typiquement nous aurions dû récupérer l'affaire après l'autopsie si elle révèle qu'il s'agit d'un meurtre", indique M. Muller. Là, la PJ de Lille a directement été saisie.
L'enquête sur la tentative d'homicide sur un migrant ce 18 mars à Grande-Synthe aurait là-aussi dû être confiée un service de sûreté urbaine, mais dans le contexte de coronavirus, c'est la DIPJ qui en a exceptionnellement hérité.
"Mode dégradé"
Si la maison tourne normalement pour les affaires urgentes, l'activité est ralentie pour les dossiers au long cours. Ces enquêtes complexes et minutieuses ouvertes depuis plusieurs mois, qui sont de fait un peu mises de côté actuellement, à cause du Covid-19.
Des investigations qui "nécessitent d’entendre des témoins, et aujourd’hui on ne peut pas convoquer et exposer des gens au virus, alors qu’ils ont le statut de témoin ou de victime", explique le patron de la DIPJ de Lille. "ll n'y a que les mis en cause qu’on peut aller chercher".
De plus, les délais de certains actes de police technique et scientifique sont rallongés. La police judiciaire, qui a son propre laboratoire, travaille également avec des laboratoires privés . "Ils ont un rôle à jouer actuellement dans la crise sanitaire", prioritaire.
Et au laboratoire de la PJ, une partie du personnel a des contraintes de gardes d'enfants. L'effectif y est donc restreint, ce qui "rallonge les délais de transmission des résultats" attendus par les enquêteurs pour faire avancer leurs dossiers.
"On serait seuls dans la rue"
Enfin, il y a le "travail d'initiative" de la police judiciaire qui se trouve impacté par la pandémie, et qui concerne des enquêtes ouvertes notamment pour trafics de stupéfiants.
Des affaires où des surveillances sont mises en place par les policiers. Les surveillances techniques (téléphoniques par exemple) ne posent pas vraiment de problème, mais les dispositifs physiques, en plein confinement, sont rendus presque impossibles.
"Les démantèlement des trafics, ce sont des enquêtes au long-cours qui nécessitent une activité de surveillance sur le terrrain. Et il faut que les gens soient dehors... Les surveillances physiques, aujourd’hui, on serait seuls dans la rue".
Malgré ces contraintes passagères, "la police judiciaire continue son action", "on est sur le pont !" assure enfin Romuald Muller.
Le policier reconnaît néanmoins qu"une ou deux opérations" auraient pu être menées durant cette période, si nous n'avions pas été pas en pleine pandémie de coronavirus.