"Les proches ont peur que l'on charcute le corps du défunt" : encore trop d’idées reçues sur le don d’organes

Donner ses organes, une décision difficile. Surtout si la personne décédée ne s'est pas clairement exprimée de son vivant. Dans ce cas, la décision finale revient aux proches. Les Hauts-de-France font figure de mauvais élèves en la matière. Avec plus de 50% de refus. Le 17 octobre est la journée mondiale du don d'organes. Rencontre avec le médecin coordonnateur des prélèvements, anesthésiste réanimateur au CHU de Lille, Guillaume Strecker.

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Au 1er janvier 2024, il y avait 21 866 personnes inscrites sur la liste nationale d’attente pour une greffe d’organes. Le Centre hospitalier universitaire de Lille est le premier préleveur de France. Et pourtant, les chiffres ne sont pas importants, explique Guillaume Strecker, anesthésiste-réanimateur aux Urgences. 

Qui sont les donneurs ?

Pour être un donneur potentiel, paradoxalement, il faut être en bonne santé. Toutes les personnes qui décèdent ne peuvent pas donner leurs organes. Les prélèvements sont possibles essentiellement sur les patients en état de mort cérébrale. Au CHU de Lille, cela représente une centaine de personnes par an. Mais avec les refus et selon l'état de santé du patient, les médecins du CHU ne vont réaliser des prélèvements que sur une cinquantaine de personnes. 

Autre possibilité, les patients qui rentrent dans le cadre d'une procédure appelée "Maastricht 3". En France, le prélèvement d’organes sur donneurs décédés après un arrêt cardiaque à la suite d’une décision d’arrêt des traitements, est possible. "Au CHU de Lille, cela concerne une vingtaine de personnes" par an, explique Guillaume Strecker. 

L’âge moyen des donneurs décédés prélevés en 2023 est de 57,8 ans, un chiffre stable depuis 10 ans.

Comment se déroule un prélèvement

Plus que le don, c'est le prélèvement qui est source de craintes par les familles, raconte le coordonnateur des prélèvements au CHU de Lille. "Il y a beaucoup d'idées reçues et de fantasmes sur le prélèvement d'organes" explique Guillaume Strecker.

Il explique : "Les proches ont parfois peur que l'on "charcute" le corps du défunt. Non. C'est une intervention chirurgicale comme une autre, souvent réalisée au bloc des urgences". Il poursuit : "Au bloc, il y a des anesthésistes, chirurgiens, infirmiers. Le patient décédé est perfusé, ventilé, on contrôle ses poumons. On réalise des bilans biologiques, on surveille qu'il ait une bonne tension, une bonne hémoglobine. Il est important de maintenir le "milieu intérieur" du patient pour avoir des organes de qualité. Et tout cela est très encadré". L'agence de biomédecine, qui gère le don d'organes en France, a défini des procédures et fixé un cadre réglementaire strict. 

Il y a beaucoup d'idées reçues et de fantasmes sur le prélèvement d'organes.

Guillaume Strecker

Pour finir, Guillaume Strecker explique : "La restitution du corps après l'opération se fait comme n'importe quelle intervention. Le corps est recousu avec le même soin que sur un vivant. Ça ne se voit pas. Nous avons des obligations envers le défunt, sa famille, légalement aussi."

Et puis, l'intervention est confiée à un chirurgien qui a suivi une formation spécifique pour les prélèvements et les greffes. 

Sauver 3 à 4 vies, parfois 7

Sur un donneur, il est possible de prélever un à sept organes, comme les reins, le foie, le cœur, les poumons, le pancréas. "On prélève en moyenne 3 à 4 organes", comme confirme le médecin anesthésiste.

Les organes les plus greffés en France sont les reins, le foie et le cœur. Mais les refus sont nombreux, trop nombreux. Le docteur Strecker l'explique par le fait que pour les Français, "on évoque peu sa mort, la potentialité de mourir et donc, on s'exprime rarement sur le sujet du don".

Le professionnel rencontre les familles des personnes décédées. Il raconte :"On respecte le choix de la personne décédée. Mais si le défunt ne s'est pas exprimé de son vivant, c'est souvent compliqué pour les proches. La Loi autorise à prélever si la personne n'est pas inscrite sur le registre de refus du don. En pratique, si la famille exprime un refus, on va chercher à comprendre pourquoi. Souvent c'est parce que le décès est trop soudain, trop violent. La famille craint d’aller à l’encontre de la volonté de la personne et préfère alors dire non".

Positionnez-vous clairement, dites à vos proches si vous souhaitez être donneur.

Guillaume Strecker, médecin anesthésiste au CHU de Lille

Si le professionnel respecte complètement le choix des familles, l'homme confie sa déception, souvent. "Parce qu'on ne greffe pas que des personnes âgées", lâche-t-il. À Lille, ce sont un à deux enfants de moins de 2 ans qui sont greffés chaque année. Il conclut : "Positionnez-vous clairement, dites à vos proches si vous souhaitez être donneur". Et sauver des vies.

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