L’Afghanistan aux mains des talibans, à Lille, des réfugiés afghans témoignent

Ils sont réfugiés Afghans sur le sol français et travaillent ou étudient depuis plusieurs années sur la métropole lilloise. Leurs proches vivent toujours en Afghanistan. Ces jeunes hommes réagissent à la prise de Kaboul par les talibans.

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La chute de Kaboul, dimanche 15 août, sans combat a plongé les réfugiés afghans avec qui nous avons échangé dans une sidération totale. (Les talibans ont dirigé l’Afghanistan de 1996 à 2001)."C’est vraiment un choc, je n’arrive pas à me concentrer dans mon travail, s’exclame Naser, 23 ans, préparateur de commandes sur la métropole lilloise. Je n’arrive pas à dormir, j’ai l’impression qu’on est reparti dans les années 90."

"J’ai appelé ma famille le 10 août dernier, comme je le fais régulièrement, raconte Mohammed Amin. Mon père m’a appris qu’après trois jours de conflit dans notre province, à 18 heures, l’armée avait tout à coup cessé les combats. Les tanks et les véhicules militaires sont retournés vers leur base militaire. Le maire et le préfet ont disparu. Les habitants n’ont pas compris ce qui se passait, les militaires étaient pourtant bien armés et équipés."

À Kaboul, les rues sont presque vides d’après Waïs, 23 ans, étudiant. Si ce n’est des talibans en armes qui surveillent les carrefours selon sa mère qu’il a eu hier soir au téléphone. "Tout le monde a peur des talibans et reste à la maison" explique-t-il. La charia est déjà de mise pour les femmes. Elles ne peuvent sortir qu’avec une burka et accompagné d’un homme de la famille. A la télé, les talibans disent que les filles ont le droit d’aller à l’école et les journalistes de faire leur travail. Ce n’est pas ce qui se passe dans les faits.

Waïs nous montrent des vidéos tournées selon lui la veille. Des talibans armés passant de maison en maison, un homme battu sur une place devant une vingtaine de badauds. "En ce moment, les talibans cherchent les journalistes et les fonctionnaires porte après porte, ils s’arrêtent à chaque maison."

Les promesses de changement des talibans : ils n’y croient pas. Omît, 30 ans lillois, a vu sa famille décimée, une de ses jambes sectionnée au genou par les talibans il y a 15 ans. Impossible pour lui de croire qu’ils ont changé. "Personne n’a confiance en eux", souligne Mohammed Amin, les talibans demandent aux gens de ne pas avoir peur d’eux. Mais sur les réseaux sociaux circulent des vidéos qui les montrent sous un autre jour comme ces talibans qui menacent de tuer un haut dignitaire du régime qui avec "30 balles dans la tête". Les talibans jouent un double jeu. Preuve par l’absurde pour Waïs les photos sur les réseaux sociaux. "Il y a une semaine, les Afghans critiquaient ouvertement les talibans sur Facebook. Depuis samedi, tout a changé, je vois mes amis afghans accompagnés de talibans genre tout va bien. C’est par peur qu’ils ont fait ça."

L’avenir de leur pays ? Tous le voient sombre. Selon Waïs, "les talibans sont en train de préparer la charia dans tout le pays. Ils veulent que les filles aillent à l’école jusqu’à 12 ans, après, elles seront mariés de force. Les talibans ont demandé des listes de la population auprès des mosquées."

"Je ne comprends pas l’attitude des Américains", lance Mohammed Amin. Ils sont venus pour battre les talibans. Et aujourd’hui il les laisse reprendre le pouvoir. Pourtant des soldats américains sont morts pour notre pays, aujourd’hui, ils nous laissent tomber… Aucun de mes amis afghans ne comprend.

Tous ont pour leurs proches. La fiancée de Nasser habite désormais chez sa tante, sa mère vient de mourir du Covid. "Je ne sais pas si ma tante et sa famille la feront partir avec eux, s'ils décident de quitter le pays". Le père de Mohammed Amin est menacé. "Je l’ai eu ce matin, nous dit-il, mon père doit travailler pour eux, quant à mes deux frères, l’armée des talibans veut les enrôler de force". La mère de Waïs change de domicile tous les jours. "Mon père était proche du Commandant Massoud, les talibans en veulent à toute la famille, alors ma mère et mes sœurs se cachent."

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