La mesure a été utilisée pour la première fois ce 8 août à Lille dans un dossier de "recours à la prostitution". Au lieu de payer une amende au Trésor public, l'auteur de l'infraction doit verser 1500 € à une association engagée contre les violences sexuelles.
C'est une petite révolution lancée au parquet de Lille. Quand le dossier le permettra, les auteurs de violences sexistes ou sexuelles feront l'objet d'une nouvelle alternative aux poursuites : le paiement d'une contribution citoyenne à une association spécialisée dans l’accompagnement et l’assistance aux victimes.
"L'amende au trésor public était souvent mal comprise, explique Carole Etienne, la Procureure de la République de Lille, à l'initiative du projet. Il y avait parfois ce sentiment de "vache à lait" pour le mis en cause". Pourquoi payer une telle somme ? A quoi sert ce montant ? Pourquoi verser l'argent à l'État ?
Désormais, cette amende pourra, dans certains cas, être remplacée par un virement ou un chèque directement envoyé à une association d'aide aux victimes.
Cela contribue à la réparation du préjudice social et, pour l'auteur des faits, cela facilite la prise de conscience
Carole Étienne, Procureure de la République de Lille
Un premier cas le 8 août
La première contribution citoyenne a été proposée par le parquet de Lille ce mardi 8 août dans le cadre d'un dossier de recours à la prostitution. L'auteur, convoqué pour la première fois devant la justice, a reconnu les faits. Aucune victime n'est identifiée dans l'affaire. Le délégué de la Procureure lui a alors proposé, plutôt que de passer devant le tribunal, une mesure d'alternative aux poursuites.
L'homme devra suivre un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels et verser 1 500€ au Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), association agréée par le ministère de la Justice.
"L’idée, c'est de faciliter la prise de conscience, explique la Procureure de Lille, de prouver à cette personne qu’elle contribue à un problème de société, qu’elle a fait une victime, tout en permettant à l’association de trouver des subventions".
En donnant de l'argent directement à l'organisme, le mis en cause est responsabilisé et contribue à l’action de l'association qui elle-même protège l’une de ses victimes.
Une mesure de clémence
Le montant est fixé en fonctions des moyens et des ressources de l'auteur des faits. La contribution ne peut être inférieure à 200€ et ne peut excéder 3 000€.
La somme doit être versée directement à l'association, sans intermédiaire, dans un délai défini par le délégué de la Procureure. "Une alternative aux poursuites ne s'impose pas comme une condamnation pénale, explique la Procureure, c'est une mesure de clémence qui suppose une reconnaissance des faits. La personne doit accepter la mesure qu’on lui propose."
Dans cette affaire de recours à la prostitution, l'auteur de l'infraction a trois mois pour suivre le stage et payer l'association. S'il ne le fait pas, le contrat de confiance est rompu. La procédure sera alors réorientée et la personne convoquée devant le tribunal.
Élargir le champ de cette contribution citoyenne
"Ces dossiers d’alternatives aux poursuites sont le premier niveau de petite ou de moindre gravité, même si c’est difficile de s’exprimer sur un degré de gravité", précise Carole Etienne. Ils concernent les primo-délinquants pour les infractions suivantes :
- les violences intrafamiliales
- le harcèlement moral et sexuel
- le chantage sexuel
- les menaces au sein du couple
- le recours à la prostitution
- l'outage sexiste
Mais l'idée est d'élargir le champ de cette contribution citoyenne en travaillant avec d'autres associations. Exemple évoqué : l'aide aux victimes des accidents de la route. D'autres partenariats pourraient prochainement être signés.
Depuis 2021, d'autres tribunaux ont déjà mis en place la contribution citoyenne, comme Poitiers, Bobigny ou Alençon.