Nouveau cri de colère des professionnels de la protection de l'enfance à Lille, 50 millions d'euros débloqués

Une centaine d'acteurs de la protection de l'enfance - travailleurs sociaux, familles d'accueil, magistrats - s'est rassemblée à Lille, ce mardi 29 novembre. Ils dénoncent une "maltraitance institutionnelle". Le Département du Nord annonce 50 millions supplémentaires au budget 2023.

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"Notre but, aujourd'hui, c'est d'inciter le Département à sortir le carnet de chèques." Le message de Manon Levebvre, procureur au parquet des mineurs et représentante du syndicat de la magistrature (SM), est sans ambages. Les acteurs de la protection de l'enfance, dont une centaine s'est rassemblé mardi 29 novembre devant le Conseil départemental du Nord, à Lille, ont besoin de plus de moyens financiers et humains.

Ce n'est pas la première fois que la profession manifeste son mécontentement. Le 17 novembre dernier, une tribune co-signée par des avocats, juges et travailleurs sociaux, était publiée dans nos colonnes, pour dénoncer la situation "catastrophique" de la prise en charge des enfants placés dans le Nord. Trois jours avant la Défenseure des droits Claire Hédon évoquait un état "extrêmement préoccupant" dans le département.

Depuis, la colère n'est pas redescendue, comme le démontre ce nouveau mouvement social. "On est au bout du rouleau, en termes de condition de travail et de revalorisation salariale", lance Julien Lecoutre, éducateur spécialisé à Douai, âgé de 43 ans. "On nous demande de faire beaucoup de choses avec pas beaucoup de moyens", appuie Sophie Thomas, assistante familiale à Douai, de 52 ans. 

"Des centaines d'enfants ne peuvent pas être placé"

Au cœur des revendications des acteurs de la protection de l'enfance : le manque de places en foyer et en famille d'accueil. "Il y a plusieurs centaines d'enfants qui devraient faire l'objet de placement et qui ne peuvent pas être mis à l'abri", déplore Eleonora Ongaro, 30 ans, juge. Mille mineurs, plus exactement, seraient non placés ou mal placés. 

La magistrate déplore "l'impuissance" de la justice face à cette carence de places : "les décisions que prennent les magistrats, et notamment les juges des enfants du tribunal des enfants de Lille, ne sont pas appliquées" Ou alors, les décisions trainent en longueur.

Côté chiffres, en 2015, le Conseil départemental (en charge de l'Aide sociale à l'enfance) a supprimé 700 lits. En réaction à la grogne des professionnels, son président, Christian Poiret, a annoncé la création, en 2019, de 450 places. Mais un déficit de 250 places réside. Et ce alors qu’en deux ans, les mesures de placement ordonnées par les Juges des Enfants ont augmenté de 10%, notamment suite à la crise sanitaire et des confinements qui ont contribué à l’augmentation des violences au sein du foyer familial.

Un suivi difficile des enfants

Les principales victimes de ce système sont les enfants. A cause de la pénurie de lits, ces derniers peuvent être ballottés de foyer en foyer ou de famille en famille. Une instabilité forcément néfaste pour l'avenir du mineur. "Si on n'arrive pas à les accompagner et les aider à se reconstruire par rapport à ce qu'ils ont pu vivre, ça sera délétère pour l'ensemble de la population", prévient Julien Lecoutre. En France, un quart des personnes sans-abri  sont d’anciens enfants placés.

Dans les familles d'accueil, le manque de moyens défavorise le suivi scolaire, parental ou encore médical du mineur. "Souvent, ce sont des enfants qui arrivent avec un vécu, qui ont besoin d'une prise en charge particulière, mais qu'on ne peut pas toujours leur donner ou alors pas immédiatement", regrette Sophie Thomas. Elle évoque notamment les délais pour une prise en charge psychologique.

50 millions d'euros débloqués par le Département

Les conséquences peuvent alors être dramatiques comme l'explique cette assistante familiale : "quand on est obligé de rafistoler des situations et faire avec les moyens du bord on peut en arriver à négliger l'autre et pourquoi pas frôler la maltraitance."

Devant cette situation, les acteurs de la profession ressentent une dévalorisation de leurs métiers, et un "manque de reconnaissance". "Ce qui se traduit par une désertification de notre travail, explique Julien Lecoutre. Des gens s'en vont à la pelle, démissionnent, font des demandes de rupture conventionnelle. Il est temps de tirer la sonnette d'alarme."

Les syndicats ont été reçus en fin de jours par la vice-présidente du Conseil départemental du Nord. Une enveloppe supplémentaire de 50 millions d'euros a été débloquée sur le budget 2023. Un montant "insuffisant" estime les syndicats, au vu des suppressions de postes passées.

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