Rats, cafards, froid, humidité... De jeunes migrants dévoilent la réalité de leur campement à l'occasion des Journées du patrimoine

Les oubliés des politiques françaises organisent, eux aussi, leurs Journées du patrimoine. Pour faire entendre leur colère, mais surtout leur détresse, la soixantaine de jeunes migrants isolés qui vivent sur la plaine des Vachers à Lille, ouvrent les portes de leur camp au public et dévoilent leurs conditions de survie, indignes et alarmantes.

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"Honorables visiteurs, bienvenue dans le patrimoine que nous laisse la France !" D'un point de vue aérien, la plaine des Vachers a tout d'un tableau pointilliste. Bariolé de taches bleues, vertes, oranges et blanches, le panaché de couleurs qui recouvre ce parc de la Métropole européenne de Lille (MEL) n'a pourtant rien de ravissant.

Des dizaines de tentes et de bâches sont installées entre les arbres de la plaine. À l'intérieur, quelques effets personnels, amassés par une soixantaine de jeunes migrants en procédure de reconnaissance de minorité, sont entreposés.

Ces adolescents sont installés dans le quartier de Bois-Blanc depuis le début d'année, faute de place en centre d'hébergement. Considérés ni mineurs ni majeurs tant que la procédure judiciaire - lancée pour vérifier leur âge - n'a pas été achevée, ces jeunes ne peuvent pas bénéficier des aides versées par l'État aux enfants de moins de 18 ans. Livrés à eux-mêmes, ces ados sont contraints de survivre dans la ville, sans toit et sans savoir quand tout cela pourra cesser.

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Un eldorado qui ne tient pas ses promesses

En colère et démunis, ces 60 jeunes migrants ont décidé de faire un pied de nez aux autorités en organisant leurs propres Journées du patrimoine ces 21 et 22 septembre 2024. L'occasion pour eux de faire découvrir, non pas de hauts plafonds aux moulures dorées et des vitraux du XVe siècle, mais des conditions de vie scandaleuses, qui font rougir de honte les élus venus découvrir ce "patrimoine de l'indignité".

Après un tour du campement, des prises de parole sont organisées. Une dizaine de jeunes prennent le micro pour raconter leur expérience, leur quotidien, et appeler à ouvrir les consciences. "Nous nous demandons où est passée l'éthique, la morale d'un homme ou d'une femme qui fait semblant d'oublier que nous sommes des enfants." Désenchantés, ces enfants ont d'abord fait face à une grande désillusion en mettant les pieds en France.

Nous nous demandons où est passée l'éthique, la morale d'un homme ou d'une femme qui fait semblant d'oublier que nous sommes des enfants.

Un jeune migrant anonyme

"Ils n'avaient jamais imaginé recevoir cet accueil", relate Pauline Ségard, présidente du groupe écologiste de la MEL. "On comprend qu'en arrivant ici, ils déchantent puisque la France n'est pas à la hauteur de sa réputation."

L'hiver approche

Rats, insectes en tout genre... Sans murs pour les protéger, la soixantaine de jeunes présents à Bois-Blanc est directement confrontée à l'insalubrité, celle qui peut influer sur la santé physique et mentale de ses victimes. De plus, si en été leurs tentes sont de vraies passoires thermiques qui emprisonnent la chaleur, en hiver, le froid y est glaçant.

En cette fin septembre, le défi le plus urgent sera donc de trouver un logement pour affronter les six prochains mois. "On vous demande seulement un hébergement. Ou même juste un truc à manger, des habits... Certains gens portent les mêmes habits pendant une semaine", confesse un adolescent, venu de Kinshasa au Congo. "On est en train de souffrir là."

Le jeune homme prend également la parole pour parler des enfants scolarisés. Derrière lui, une tente orange trône sur les feuilles mortes. Le garçon la pointe du doigt et raconte la situation de celui qui y réside : "La tente orange, c'est celle d'un jeune qui va à l'école à Loos. Il vit ici, mais il ne pourra jamais apprendre ici. Il a des devoirs à faire, il a des cours à apprendre sur le net, mais il n'a pas de connexion, il n'a rien. J'ai le cœur qui saigne en voyant ça."

Le silence saisit la foule, coincée entre respect et profond désarroi.

Il a des devoirs à faire, il a des cours à apprendre sur le net, mais il n'a pas de connexion, il n'a rien. J'ai le cœur qui saigne en voyant ça.

Un jeune homme en attente de reconnaissance de minorité

Protéger et intégrer ces mineurs isolés

Le plus dur reste finalement l'incertitude. Sans date butoir, les migrants en attente de reconnaissance de minorité ne savent pas si leur situation durera deux, cinq, neuf mois ou plus.

Le premier adjoint de la Ville de Lille, Arnaud Deslandes, s'était ému de la situation le 20 septembre 2024 en alertant Doriane Beccue, vice-présidente du Département en charge de l'insertion et Virginie Lasserre, préfète déléguée à l'égalité des Chances.   

"Le fait est que 80% des gamins ici qui ont fait des recours, auront une minorité reconnue, argumente Olivier Treneul, porte-parole du syndicat SUD au conseil départemental du Nord. Donc l'extrême majorité de ces mineurs, sont des mineurs. Des enfants de moins de 18 ans que la société et le Département doivent prendre en charge et protéger."

L'extrême majorité de ces mineurs, sont des mineurs. Des enfants de moins de 18 ans que la société et le Département doivent prendre en charge et protéger.

Olivier Treneul, porte-parole du syndicat SUD au conseil départemental du Nord

En plus des délais, Olivier Treneul et Pauline Ségard se sentent impuissants face à l'inaction de l'État et du Département du Nord, qui se renvoient la balle pour le placement de ces jeunes migrants. Plus encore, Olivier Treneul dénonce une "ségrégation" dans la manière dont le conseil départemental prend en charge ces jeunes : "Il met à l'abri les enfants reconnus mineurs, mais avec des prix de journée qui sont dérisoires par rapport aux enfants qui ne sont pas étrangers."

Pourtant, la conseillère métropolitaine l'assure, ces adolescents ont envie de s'intégrer, de vivre une vie ordinaire dans un pays qu'ils ont choisi comme terre d'accueil. "Les intégrer représenterait un énorme avantage pour notre pays... Et ça, on n'arrive pas à le voir."

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