Témoignage. "C'est un échec" : dans les Hauts-de-France, de nombreuses démissions de maires et de conseillers municipaux depuis 2020

Publié le Écrit par Valentin Pasquier

Désavoué par son conseil municipal, le maire de Ronchin (Nord) a choisi de démissionner ce mardi 21 mars. Dans les Hauts-de-France, et surtout dans l'Oise, les désistements d'élus municipaux s'accentuent depuis les élections de 2020. La défiance des conseillers, une désillusion ou des problèmes avec les administrés en sont les différentes causes.

Patrick Geenens est amer. "C'est la première fois, depuis que l'aventure socialiste a débuté à Ronchin en 1946, qu'un maire démissionne," confie le futur ex-premier édile de cette commune de près de 20 000 habitants de la métropole lilloise. Ce 21 mars, Patrick Geenens a annoncé se retirer de ses fonctions, suite au rejet du conseil municipal de voter son projet de budget.

"On avait pourtant travaillé six mois à cet exercice", confie Patrick Geenens, élu en 2014. Lors du vote, il a été lâché par dix élus de sa majorité qui s'opposaient à maintenir au même niveau la taxe foncière sur la commune. L'élu s'est retrouvé en minorité, à une voix près (16 sur 33).

Davantage de démissions depuis 2020

"Ronchin est de tradition ouvrière, peuplée de nombreux "petits" propriétaires qui ont du mal à payer l'électricité, l'eau. Avec l'inflation, ce n'est certainement pas l'année où il faut leur taper sur la tête en augmentant la taxe foncière, assure l'élu. Quand on se heurte à un mur, il faut savoir être humble et partir."

Patrick Geenens se retire de son poste et restera conseiller municipal et vice-président de la métropole de Lille. Dans la Métropole européenne, Provin et Pérenchies ont aussi perdu leurs maires suite à des désistements d'élus.

Cette mandature 2020-2026 est particulièrement cruelle pour les élus municipaux. Depuis les élections de 2020, près de 3% des maires de France ont démissionné de leur fonction selon les calculs réalisés par La Gazette des communes. Ce nombre de démissions en deux ans - plus de 960 - rejoint celui enregistré lors des quatre premières années de la précédente mandature (2014-2020).

En milieu rural, un sentiment d'abandon

Dans les Hauts-de-France, l'Oise est aux avant-postes de ces défections. Depuis les élections de 2020, le département picard concentre avec l'Isère, la Côte-d'Or, l'Eure et la Haute-Garonne 10% des élus français qui raccrochent leurs écharpes tricolores. Selon la préfecture de l'Oise, ils sont déjà 21 à avoir jeté l'éponge depuis le dernier scrutin il y a trois ans, contre 36 pendant la mandature 2014-2020.

En 2023, le département compte déjà trois défections de maires, neuf adjoints et 32 conseillers municipaux. À Auneuil (3 000 habitants), 14 des 27 élus ont démissionné car opposés à un projet de méthaniseur voulu par le maire, provoquant une élection municipale anticipée. Coudun (1 000 habitants), Savignies (800 habitants) et Trumilly (510 habitants) qui ont fait face à une vague de démissions de conseillers, organisent eux aussi des élections en mars et avril 2023.

"Les causes sont assez hétérogènes et on ne décèle pas vraiment de logique, soutient Sébastien Piatkowsky, directeur de l'Union des maires de l'Oise (UMO). Ces démissions peuvent être dues à la méconnaissance des prérogatives des élus, à des désillusions. Énormément d'adjoints et conseillers ont découvert, après leur élection, que le poids de leur rôle était trop important pour eux. Ça peut aussi être lié à des problèmes avec la population."

Travail, humilité et courage

C'est justement le cas de Thierry Levasseur, qui a décidé de quitter la mairie de Lihus (430 habitants) en février 2023. Accusé par une administrée d'avoir pendu son chien, il a été lâché par son conseil municipal. "C'est un échec, parce que j'ai donné 22 ans de ma vie pour ma commune," confiait-il. Il a porté plainte, mais celle-ci a été classée sans suite.

On m'a dit : "de toutes façons on sait où tu habites, on va te faire subir, à toi et à ta famille, le même sort que tu as fait subir à ce chien", on va te pendre", "on va brûler ta maison"

Thierry Levasseur

ex-maire de Lihus (Oise)

"La fonction de maire, c'est la version moderne du sacerdoce, sourit Patrick Geenens, à Ronchin. Il faut aimer les gens, il faut aussi être prêt à se faire engueuler. Ça demande du courage, beaucoup de travail, et surtout beaucoup, beaucoup d'humilité."

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