L'un est médecin, l'autre négociant en métaux, tous deux d'origine palestinienne et installés dans la région lilloise. Depuis l'attaque du Hamas et la contre-offensive d'Israël, ils suivent avec inquiétude les bombardements et le blocus total de la bande de Gaza, où vivent des proches.
"Je ne sais pas comment on va s'en sortir". Les mots du docteur lillois Mohamed Salem évoque le désarroi dans lequel est plongée la diaspora palestinienne, depuis plusieurs jours particulièrement, depuis des années de manière générale.
Quatre jours après l'attaque du Hamas sur Israël, et les répliques de l'Etat hébreux sur la bande de Gaza, nous avons recueilli le témoignage de deux Nordistes d'origine palestinienne qui suivent l'évolution du conflit avec inquiétude, en contact avec leurs proches.
Mohamed Salem, médecin lillois : "à l'hôpital, ils n'ont jamais vu ça"
Ce radiologue de 63 ans, installé à Lille, est né à Jérusalem. À l'âge de sept ans, il est expulsé avec sa famille en Jordanie, où il suivra plus tard des études de médecine. Puis, il s'envole en France à 25 ans pour obtenir son diplôme de spécialité. Voilà le parcours de Mohamed Salem.
"J'ai encore de la famille et des amis en Cisjordanie et à Gaza, c'est par eux que j'ai appris ce qu'il se passait, raconte-t-il. Mais ce n'est pas nouveau, cela fait 75 ans que cela dure. Les Palestiniens n'arrivent pas à vivre, l'extrème droite israelienne nous massacrent tous les jours, ils nous colonisent."
Avec les coupures d'électricité et l'arrêt des aides à Gaza, c’est fini, quelque chose de grave va arriver."
Mohamed Salem, médecin lillois d'origine palestinienne
En avril dernier, Mohamed Salem était à Gaza dans le cadre d'une mission humanitaire comme il le fait régulièrement depuis qu'il a quitté ses terres d'origine, que ce soit avec l'association Palmed, Médecins sans frontières ou encore avec le PCRF. "Même si les autorités israéliennes ne nous laissent pas toujours entrer", fait-il savoir.
Actuellement, il est en lien avec des amis et collègues des hôpitaux de Gaza, qui subissent depuis 24 heures un "siège complet" imposé par le gouvernement de Benjamin Netanyahu. "Ce matin, j’étais en contact avec un chef de service de l'hôpital Nasser dans le sud de Gaza, rapporte-t-il. Les générateurs fonctionnent encore mais il n’y a plus de pétrole pour les faire fonctionner longtemps m'a t-il dit. Si ça continue comme ça, ils vont devoir annuler des opérations dans un ou deux jours."
150 femmes et des enfants sont morts ! Il faut en parler et pas seulement dénoncer les bombardements et les prises d'otages du Hamas.
Mohamed Salem
Il décrit une situation alarmiste avec ce blocus total. "Avec les coupures d'électricité et l'arrêt des aides, c’est fini, il y aura des morts. Quelque chose de grave va arriver", avance le médecin. "À l'hôpital Al-Shifa, le plus grand de Gaza, ils me disent qu'ils n'ont jamais vu ça." Tout en expliquant que ces établissements souffraient déjà d'un manque de médicaments.
Pour l'heure, le bilan selon les autorités palestiniennes s'établit à 700 morts. "Dont 150 femmes et des enfants !", tient à préciser Mohamed Salem. Il faut en parler. Il ne faut pas seulement dénoncer les bombardements et les prises d'otages du Hamas."
La semaine prochaine, le docteur lillois souhaite se rendre à Gaza pour aider. Si Israël lui autorise l'accès... Pour le reste, l'avenir lui paraît très ombragé. "Avec une violence et une terreur comme cela, je ne sais pas comment on va s’en sortir avec des négociations de paix."
Nasser Fakawy : "on ne sait pas s'il y a des morts dans notre famille"
Cet habitant de Mons-en-Baroeul, négociant en métaux, a fui la Palestine il y a plus de 30 ans. Aujourd'hui, il ne quitte plus son poste de télévision et suit continuellement les frappes qui touchent la bande de Gaza. "Il y a des morts toutes les deux minutes à la télévision, on ne sait pas s'il y a des morts de notre famille... On ne dort pas."
"On vit dans un monde de civilisation, mais malheureusement les lois démocratiques européennes, occidentales et américaines, s'arrêtent toujours au bord de la Palestine et ne rentrent pas chez nous, déplore-t-il. C'est une forme d'injustice que les Palestiniens subissent depuis 1947, où on a été chassé de notre propre terre."
Nous avons déjà essayé de faire la paix avec eux, nous n'avons rien eu.
Nasser Fakawy, Nordiste d'origine palestinienne
Sa famille est originaire de Jaffa, d'où elle jouissait de larges terrains. "Puis ils se sont réfugiés à Gaza pour 25 mètres carrés, explique-t-il. Depuis, ma famille n'arrive pas à revenir à Jaffa." En ce moment, l'embargo total complique le quotidien de ses proches. "Il n'y a pas d'eau, pas d'électricité, c'est très compliqué", relate-t-il.
"Nous sommes colonisés par Israël, et nous avons le droit de nous défendre, assure-t-il. Nous avons déjà essayé de faire la paix avec eux, nous n'avons rien eu, car je ne pense pas qu'Israël cherche la paix." Avant de rappeler qu'il est "contre les attaques de civils, des deux côtés."