Trois plaintes ont été déposées contre un employé de la crèche municipale Madeleine Brès, à Lille, accusé d'attouchements sur deux bébés, le 2 mai 2024. Alcoolisé la journée des faits, cet éducateur a été mis à pied le lendemain. Mais des parents regrettent d'avoir été prévenus qu'un mois plus tard. La direction dit avoir agi "le plus rapidement possible".
Ce jeudi 2 mai, Antoine (nom d'emprunt), éducateur au sein de la crèche Madeleine Brès, dégage une odeur d'alcool sur son lieu travail. Au moment de changer les couches des bébés, il s'amuse à caresser le sexe d'un enfant, sous le regard d'une collègue. "Regarde comme je peux le faire rigoler", lui aurait-il adressé.
Peu de temps après, toujours dans la matinée, il réitère le même geste en lavant un autre bébé, tout en prenant à témoin une autre de ses collègues. L'auteur de ces agissements est le responsable de l'unité de vie Orchidée, accueillant 18 des 70 enfants de cette structure, l'une des plus grosses de Lille.
Des gestes commis sous le regard de ses collègues
Sous l'effet de "sidération", les deux assistantes maternelles, témoins des scènes, ne révèlent pas immédiatement ce qui vient de se passer à leur hiérarchie. Elles n'évoqueront que l'état d'ébriété de leur collègue en fin de journée, ce qui conduira à sa mise à pied dès le lendemain.
Ce n'est que dix jours plus tard, le 13 mai, après le pont de l'Ascension, qu'elles informent la direction sur les gestes inappropriés de l'éducateur. L'employé est licencié dans la foulée.
Une enquête ouverte
Sur la base de ces témoignages, la fédération Léo Lagrange, gestionnaire de la crèche, la mairie de Lille, délégataire, et l'une des familles de victime, décident de déposer une plainte pour suspicion d'attouchements sexuels auprès de la procureure de Lille. Selon nos informations, une enquête a été ouverte et est menée par la brigade des mineurs. Sollicité, le parquet de Lille ne nous a pas répondu.
Les parents de l'unité prévenus un mois plus tard
Au-delà des suites judiciaires de cette affaire, certains parents mettent en cause la "communication tardive et le manque de transparence" de la direction de la crèche dans cette affaire. "Nous avons été informés un mois plus tard, avec des informations non cohérentes", raconte Sophie, mère d'une fille qu'elle a retirée de la structure.
On se demande si notre enfant n'a pas subi la même chose
Sophie, mère d'une fillette
En effet, si les parents des victimes présumées ont été convoqués en priorité, le reste des parents de l'unité Orchidée a pris connaissance des faits au cours d'une réunion jeudi 6 juin. "À ce moment-là on se demande si notre enfant n'a pas subi la même chose", raconte Sophie (elle souhaite rester anonyme), qui aurait souhaité être informée plus rapidement, notamment pour veiller sur le comportement de sa fille et repérer d'éventuels signaux d'alertes.
"Les procédures nous ont fait perdre du temps"
Alors pourquoi avoir attendu près d'un mois avant de prévenir l'ensemble des parents de l'unité Orchidée ? "Je comprends les inquiétudes des parents, mais nous les avons prévenus le plus rapidement possible", assure François Top, le directeur. Ce dernier explique ce délai par un ensemble de procédures à suivre lorsqu'un événement de ce type se produit.
"Il nous a fallu informer la protection maternelle et infantile (PMI), la mairie de Lille, notre hiérarchie et faire un signalement auprès de la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP)", énumère-t-il. Il explique également que lui et certains employés de la crèche ont dû se rendre disponibles pour être auditionnés par la brigade des mineurs. Avant de conclure : "les procédures nous ont fait perdre du temps."
"Un manque de clarté dans les informations livrées"
Autre reproche adressé à la direction : le "manque de clarté dans les informations livrées" aux parents. Clarisse (elle souhaite rester anonyme), mère d'un petit garçon, était présente à la réunion du 6 juin, et regrette que la convocation par mail n'indiquait pas "clairement" la nature des faits abordés.
Cette convocation est passée tellement innaperçue qu'il n'y avait que sept parents sur les 18 de l'unité.
Clarisse, mère d'un garçon
"Cette convocation est passée tellement inaperçue qu'il n'y avait que sept parents sur les 18 de l'unité, illustre-t-elle. Puis, je suis venu avec ma fille, or j'aurais aimé qu'elle n'entende pas cela." À cette critique, le directeur répond "qu'il est compliqué de qualifier précisément les actes alors qu'une enquête est en cours".
L'éducateur souffrait de "problèmes psychologiques"
Selon François Top, le geste de cet éducateur est un "événement isolé". Le directeur d'établissement tient à rappeler que lors des recrutements de personnels, le casier judiciaire est inspecté par la protection maternelle et infantile (PM) et le diplôme est vérifié.
Concernant l'auteur présumé des faits, il avait été en arrêt maladie au mois de février dernier, "pour des problèmes psychologiques et un état dépressif", explique François Top.
Notre psychologue se rend disponible pour les parents qui le souhaitent et une ligne téléphonique a été ouverte pour nos employés.
François Top, directeur de la crèche
La direction assure que des dispositifs de prise en charge psychologique ont été mis en place. "Notre psychologue se rend disponible pour les parents qui le souhaitent et une ligne téléphonique a été ouverte pour nos employés, précise François Top. Une formation de sensibilisation sur les "procédures de signalement" devrait aussi être instaurée auprès des équipes professionnelles.
La crèche Madeleine Brès, située boulevard de Metz, avait été inaugurée par Martine Aubry, la maire de Lille, en novembre 2023. Ses locaux neufs, venus remplacer l'ancienne crèche Concorde, accueillent des enfants de 0 à 3 ans.