Wambrechies : après l'âge d'or du genièvre, la distillerie Claeyssens a fait le pari du whisky

Classée aux monuments historiques, la distillerie Claeyssens de Wambrechies a produit jusqu'à six millions de bouteilles d'alcool de genièvre par an avant de devenir l'une des premières à faire le pari du whisky français à la fin des années 1990. 

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Fuyant la révolution brabançonne, les Claeyssens (prononcer "cléssence"), originaires de Menin (Belgique), s'installent en 1789 sur les berges de la Deûle près de Lille et produisent de l'huile. Mais dès 1817, ils optent pour la production d'alcool de genièvre, qui génère davantage de revenus. 

Cet alcool de céréales fermentées puis distillées dans un alambic garni de genièvre a souvent été considéré comme "le starter du matin" pour les mineurs descendant à la fosse ou aux ouvriers des filatures de textile, explique Mathieu Ferrant, distillateur et guide. 

Le genièvre et son taux d'alcool de 49%, versé dans le café du matin, formait la "bistouille", popularisée dans une scène culte de la tournée du facteur dans "Bienvenue chez les ch'tis" lorsque Kad Merad, directeur de poste fraîchement débarqué dans le Nord, découvre les "joies" de la mixture...

La distillerie Claeyssens, qui tournait à plein régime avec une quarantaine d'ouvriers - 9 salariés aujourd'hui - est finalement rachetée en 1998 par la famille Depasse, propriétaire des Grandes distilleries de Charleroi. "La diversification vers le whisky a été un choix stratégique, puis indispensable, car le genièvre était passé de mode notamment à cause de la fermeture des mines et des usines dans la région", explique Sophie Hautcoeur, directrice du tourisme à la distillerie. 

Un choix pas si osé, tant la fabrication du whisky diffère en fait peu de celle du genièvre, parfois surnommé le "gin français". La meunerie, la cuisson-saccharification, le levurage et la distillation sont semblables.

Pour la fabrication de l'alcool de genièvre, c'est dans des alambics que le maître distillateur ajoute les baies de genévrier. Pour le whisky, le vieillissement se fait au minimum trois ans en fût. "Ici, l'évaporation de l'alcool, la part des anges, c'est pour la vierge!", lance Mathieu Ferrant, montrant une statue de la madone qui trône au-dessus d'un alambic, déclenchant des rires parmi la quinzaine de touristes.
 

58 distilleries en France


Car la particularité de cette distillerie de 6.000 m2 est d'offrir un voyage dans le temps avec des machines datant d'entre 1830 et 1850 qui fonctionnent toujours lors de la production d'octobre au printemps. 

"C'est formidable de voir toutes ces vieilles machines! Souvent dans les usines, il y a la partie ancienne pour le décor et la partie nouvelle toute en inox, alors qu'ici tout marche comme avant", glisse Johnny venu de Tervuren, près de Bruxelles. René, un sexagénaire originaire de la région, s'exclame: "les mines, c'est fini, mais l'époque de Germinal, ça continue par ici!". 

Si la France compte aujourd'hui 58 distilleries de whisky, celle de Wambrechies, qui a sorti sa première bouteille en 2003, pour 1,1 million d'euros de chiffre d'affaires en 2017, fait partie des "pionnières": il s'agit de la troisième la plus ancienne après deux qui se sont lancées en Bretagne, explique Philippe Jugé, directeur de la Fédération du whisky de France. 

Dans un pays figurant dans le top 3 des plus grands consommateurs de whisky avec les Etats-Unis et la Corée du Sud, la distillerie offre une gamme "qui a trouvé sa place dans le marché français"... où les 800.000 bouteilles produites en France font pâle figure face aux 200 millions consommées annuellement en France, selon M. Jugé. 

Mais pour autant, la distillerie n'a pas abandonné le genièvre, avec entre 300.000 et 400.000 bouteilles produites par an, autant que le whisky. "Si le whisky est notre produit porteur, le genièvre est notre ADN: on le produit quand même depuis plus de 200 ans!", sourit Mme Hautcoeur. 


 
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