Le tissu d'élus socialistes dans ces deux départements n'a pas empêché la débâcle d'Anne Hidalgo (1,74%) au 1er tour de la présidentielle. Les villes PS de Boulogne, Liévin, Lens, Douai ou Calais ont voté majoritairement pour Marine Le Pen (RN). Les communes PS de Lille et Grande-Synthe ont porté Jean-Luc Mélenchon (LFI) en tête.
"Une défaite historique". Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste, ne s'est pas trompé de qualificatif. Jamais le PS n'avait obtenu pire score depuis le début de la 5ème République. Avec 1,74%, Anne Hidalgo dépasse de peu les candidats d'extrême gauche Philippe Poutou (0,77%) et Nathalie Arthaud (0,57%), mais est reléguée derrière le candidat communiste Fabien Roussel (2,31%). Là encore, une première depuis 1969.
Le score d'Anne Hidalgo dans le Nord (1,43%) et dans le Pas-de-Calais (1,47%) est même inférieur au chiffre atteint à l'échelle nationale. Pourtant, ces deux départements sont historiquement des bastions du Parti socialiste. L'ancrage local y est encore présent. Le conseil général du Pas-de-Calais est dirigé par le socialiste Jean-Claude Leroy. Boulogne-sur-Mer, Lens, Liévin, les plus grandes villes du département derrière Calais et Arras, restent aux mains des socialistes. Sans oublier Lille, dans le Nord, piloté par la socialiste Martine Aubry.
"L'ancrage local ne compte plus"
"L'ancrage local ne compte plus, balaye le politologue Remi Lefebvre. Les électeurs différencient clairement les élections locales et nationales." Anne Hidalgo en a fait les frais, cinq ans après la première déflagration nommée Benoit Hamon (6,4% des suffrages en 2017). La maire de Lille, Martine Aubry, a toutefois salué la campagne de la candidate PS avant d'appeler à "battre l'extrême droite" de Marine Le Pen.
Boulogne, Lens, Liévin... des communes PS qui votent RN
La liste est longue des mairies socialistes du Pas-de-Calais et du Nord où Marine Le Pen est arrivée en tête au 1er tour de cette élection présidentielle : Boulogne-sur-Mer (32,52%), Lens (39,70%), Liévin (45,61%), Carvin (40,72%), Denain (41,67%), Douai (28,07%)... En 2017 déjà, la candidate RN l'avait emporté dans ces communes. Cinq ans plus tard, elle ne fait que conforter sa main mise sur ces territoires. "Le vote RN est une lame de fond, l'ancrage local n'est plus un frein à ce vote", analyse Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'université de Lille.
Dans ces villes, le Parti socialiste a poursuivi son recul après le camouflet de 2017. Par exemple, à Boulogne-sur-Mer, dirigé par Frédéric Cuvillier (PS), Anne Hidalgo a recueilli 706 voix de moins que Benoit Hamon. A Lens, ville tenue de Sylvain Robert (PS) depuis 2013, la candidate obtient 795 bulletins de moins.
"Ce qui est spectaculaire, c'est la différence entre les élections locales et les élections nationales", note Rémi Lefebvre. Liévin illustre cette dissonance. En 2020, lors des élections municipales, le candidat RN, Louis Mompeu, n'avait obtenu que 15,97% des suffrages face au candidat PS, Laurent Duporge, qui récoltait 73,52%. Une tendance renversée pour l'élection présidentielle, avec 45,61% pour Marine Le Pen et 19,70% pour Jean-Luc Mélenchon, alors qu'Anne Hidalgo n'atteint que 2,63%.
Lille, de socialiste à insoumise
La métropole nordiste est une autre illustration de taille de la déroute socialiste. Dimanche, Anne Hidalgo y a reçu seulement 2.000 bulletins, soit 7.849 de moins que pour Benoit Hamon en 2017. Dans cette ville socialiste depuis 1955, dirigée depuis 2001 par Martine Aubry, la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon est arrivée en tête avec 40,53% des suffrages au 1er tour de la présidentielle.
"Plus de 40%, c'est énorme, commente Rémi Lefebvre. Lille, c'est une ville de gauche qui a basculé du socialisme à Insoumis, par l'effet du vote utile." En 2017, Mélenchon avait déjà pris la première place, devant Emmanuel Macron. Mais cette année, le candidat gagne près de 9.000 bulletins supplémentaires. "Attention, LFI n'est pas propriétaire de ce vote de gauche", nuance cependant le politologue.
La défaite cuisante d'Anne Hidalgo fragilise la situation financière déjà délicate du PS. Arrivé sous la barre des 5%, le parti ne sera pas remboursé par l'Etat de ses frais de campagne.