34 des 38 plages des Hauts-de-France ne sont pas recommandées à la baignade d'après le classement de l'association La Belle Plage. En cause, la pollution bactériologique des eaux de baignade.
"Stop aux plages polluées. Nous voulons nous baigner partout !" L'association Eau et Rivières de Bretagne (ERB), a le 25 mai, lancé conjointement un nouveau site internet et une pétition pour alerter sur la qualité des eaux de baignades sur le littoral français. Selon les critères retenus par ERB, près de 90% des plages des Hauts-de-France ne permettraient pas de se baigner sans risque.
19 plages à éviter, 15 déconseillées
Nommé labelleplage.fr, le site classe les plages de telle sorte à distinguer les lieux où la baignade est recommandée, peu risquée, déconseillée ou à éviter, selon l'importance de la pollution bactériologique. Dans un dégradé allant du bleu, pour les eaux les plus recommandées, au rouge pour les zones à éviter, l'association a recensé 1854 plages dans toute la France. De cette manière l'association tente de prendre le contrepied des analyses habituellement proposées par les ARS.
Le littoral des Hauts-de-France fait figure de mauvais élève et se pare majoritairement de rouge. Sur 38 plages classées, 19 sont à éviter et 15 sont déconseillées. Seules 5 sont considérées comme peu risquées et aucune n'est recommandée. S'y baigner, c'est s'exposer à des bactéries et virus à l'origine des gastro-entérites, otites ou infection de la peau.
Assainissement, élevage et industrie
"Il y a une combinaison d'explications" analyse Christophe Le Visage, vice-président d'ERB. D'une part, la pollution des eaux de baignade nordistes est liée à l'assainissement. "Quand les stations d'épuration ne sont pas aux normes, ou lorsqu'elles débordent lors des épisodes de crue, ça jette les eaux usées dans la mer."
L'élevage intensif est un facteur qui influe également sur le taux de pollution bactériologique des eaux de baignade. Mais le vice-président souligne aussi l'impact "des entreprises et industries agroalimentaires qui peuvent avoir des dispositifs de type « fermentation » qui aboutissent à la prolifération de bactéries."
𝐄𝐥𝐥𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐯𝐨𝐭𝐫𝐞 𝐩𝐥𝐚𝐠𝐞 ?
— Eau et Rivières de Bretagne (@Eauetrivieres) May 25, 2024
La réponse ici dans "l'autre" classement des eaux de baignades : https://t.co/TvxLGwQ8mi
🔵 recommandé
🟢peu risqué
🟠déconseillé
🔴à éviter#labelleplage #quelquundoitluidire #mer #plage #france pic.twitter.com/c9fYA2Tjnb
L'enquête menée par Eau et Rivières de Bretagne ne s'intéresse pas à n'importe quelle pollution, mais bien à la pollution bactériologique qui, "contrairement aux pollutions chimiques qui se stockent dans les sols, s'efface immédiatement si on la stoppe." Faut-il encore réussir à identifier d'où elle provient.
Comment ça se calcule ?
En avant-dernière place du classement figure la plage de Boulogne-sur-Mer avec une note attribuée de 45,45/100. Pour expliquer ce résultat, Christophe Le Visage détaille, "supposons que sur 4 ans, 50 prélèvements d'eau ont été faits. Si sur ces 50 prélèvements, 40 sont classés comme « bons », on attribue une note de 80 (soit 40 divisé par 50)".
Ensuite, l'association suit un barème bien précis. "On considère les eaux de baignades comme « recommandées » au-delà de 95, entre 85 et 95 c'est « peu risqué »." En deçà, l'ERB attribue les résultats de "déconseillé" ou "à éviter".
Toutes les données relatives aux prélèvements sont des données publiques, que les Agences Régionales de Santé (ARS) utilisent déjà pour établir leur propre barème, jugé "insuffisant" par l'association. "L'ARS se contente d'appliquer strictement une directive européenne. Son classement se base sur une sorte de moyenne très sensible aux grosses pollutions. Une plage avec beaucoup de petites pollutions peut se retrouver dans la catégorie « bon » ou « excellent »", relate le vice-président.
L'ERB a donc pris le pas de classer les résultats indépendamment au lieu d'en faire une moyenne, et compare ses résultats selon les seuils recommandés par l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
8 propositions pour une baignade de qualité
Au-delà de ce bilan mitigé pour les Hauts-de-France, "notre message c'est aussi de montrer les bonnes plages" rappelle Christophe Le Visage. Dans le Nord et le Pas-de-Calais, il n'y a qu'à Gravelines que la baignade est peu risquée. "Il ne faut pas que ça décourage les gens d'aller se baigner" ajoute-t-il.
Ce qu'on veut c'est se baigner, pas que les plages soient interdites
Christophe Le VisageVice-président d'Eau et Rivières de Bretagne
À terme, l'association espère interpeller les pouvoirs publics. C'est pourquoi elle partage une pétition pour alerter le grand public sur cette pollution, et pour demander plus de transparence aux autorités.
Pour améliorer la qualité des eaux de baignade en France, l'association a regroupé huit propositions :
- rendre visible les pollutions
- promouvoir les plages propres
- mobiliser les autorités publiques
- mieux encadrer la gestion des effluents d'élevage
- poursuivre l'amélioration de la gestion des eaux usées
- agir sur les eaux pluviales
- renforcer la surveillance et le suivi de la qualité des eaux de baignade
- mettre en place un suivi épidémiologique des pathologies associées aux pollutions
Alors que les pavillons bleus se multiplient dans la région et sont gages d'une certaine propreté sur le littoral, ils semblent être en contradiction avec les résultats dévoilés par l'ERB. Cet été, l'association appelle donc à la vigilance avant de se rendre sur les bords de plage. "Ce qu'on veut c'est se baigner, pas que les plages soient interdites."
"Qu'on ne crée pas une inquiétude sans raison, nous sommes des élus responsables"
Conseiller régional délégué au tourisme et maire du Touquet, Daniel Fasquelle peine à cacher sa colère face au classement. Avec un score de 59,72/100, sa plage a été classée "à éviter". "C'est surtout cette association qui est à éviter et ses commentaires" assène-t-il. "Tout cela n'est pas très sérieux."
En 3 ans, l'ARS a effectué 17 prélèvements dans les eaux du Touquet, "tous ont été positifs et ont indiqué une qualité d'eau parfaitement dans les clous de la directive européenne. Le dernier prélèvement date du 13 mai et indique une eau de bonne qualité" explique l'édile. En parallèle, la commune effectue quotidiennement ses propres prélèvements. "S'il y a le moindre doute nous fermons la plage du Touquet."
Le très mauvais score qu'a obtenu sa plage, il peine à le comprendre, dans la mesure où "nous n'avons pas eu à le faire [fermer la plage, NDLR] l'année dernière, ni depuis le début de l'année. On peut se baigner au Touquet Paris Plage et sur les plages de la Côte d’Opale en toute sécurité. Qu'on ne crée pas une inquiétude sans raison, nous sommes des élus responsables" conclut-il, quelques semaines avant le lancement de la saison estivale.