Rentrée scolaire. "Il finit lui-même par dire qu'il est bête" : les élèves en situation de handicap confrontés à un manque d'accompagnement

Alors que la rentrée a enfin sonné, 1/3 des élèves en situation de handicap du Nord-Pas-de-Calais peinent à trouver leurs marques, faute d'accompagnement spécialisé pourvu par les AESH. Un métier essentiel pourtant absent des salles de classes, qui pèse sur l'inclusion d'élèves déjà dévalorisés.

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Le bruit des cartables à roulettes retentit devant les écoles élémentaires. En face des grilles, parents et enfants se prennent dans les bras. Un dernier câlin, les larmes aux yeux parfois, avant de retrouver le tableau gris... C'est la rentrée.

Ce lundi 2 septembre, les 755 000 élèves de l'académie de Lille ont regagné le chemin de l'école. Et, comme chaque année, s'est posée la question du manque de personnel spécialisé tel que les AESH (les accompagnants des élèves en situation de handicap, 11 000 dans notre académie), dont la présence est devenue un luxe pour les 39 000 écoliers souffrant d'un handicap inscrits dans un établissement du Nord-Pas-de-Calais.

Dans la région, deux tiers d'entre eux devraient être accompagnés par un AESH. Quid des 13 000 élèves restants ? Le mystère reste entier. Les associations de défense des droits des personnes en situation de handicap alertent cependant depuis quelques jours sur le manque d'AESH, sur les difficultés d'accès à cet accompagnement et sur l'absurdité de certaines décisions.

"Mon fils n'aura droit qu'à 5 heures d'accompagnement humain cette année, sur 27 heures de cours. Il y a comme un problème." Louise* a la voix qui tremblote. C'est le jeu quand elle raconte le parcours de son fils, Raphaël*, un jeune garçon de 10 ans atteint de trouble du langage oral et de dyslexie, qui devrait avoir le droit à 15 heures de présence AESH selon la dernière évaluation de l'équipe de suivi de scolarisation (ESS). La maman dénonce le manque de moyens alloués aux AESH dans cette école du Valenciennois : "Il y a une accompagnante pour 5 enfants. Maintenant ce sont les élèves qui doivent s'adapter aux enseignants, alors que chacun fonctionne différemment. Ça devrait être l'inverse."

Mon fils n'aura droit qu'à 5 heures d'accompagnement humain cette année, sur 27 heures de cours. Il y a comme un problème.

Louise, mère d'un enfant en situation de handicap

Louise questionne également les conditions d'accès aux AESH, qui relèvent du parcours du combattant. Selon la Valenciennoise, il lui a fallu plus de 6 mois pour constituer son dossier, puis 6 autres mois pour que la demande soit traitée par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Une charge mentale en plus, qu'il faudra réitérer quelques mois plus tard. Quelques années pour les parents les plus chanceux.

Un système défaillant

Forcément, devant l'école, l'appréhension de retrouver chiffres et lettres se fait sentir. Raphaël a la boule au ventre. Heureusement, sa mère se veut bienveillante : "Je l'ai toujours préservé en disant qu'il grandirait à son rythme. On m'a dit qu'il ne lirait jamais mais avec de la patience, il a réussi... Et maintenant il dévore la bibliothèque."

Quelques kilomètres plus loin, à Lille, Thomas* tombe de fatigue. Lui aussi entre en CM2 ce lundi, mais contrairement à certains camarades heureux de revenir à l'école, Thomas ne veut pas entrer dans sa salle de classe. "Il n'a pas dormi de la nuit tellement il était stressé par la rentrée", souligne sa mère, Nathalie*. "Il déteste l'école."

Des fois mon fils me dit qu'il est bête. C'est ce qu'on lui a expliqué toute sa vie, ce que lui répétaient ses maîtresses.

Nathalie, mère d'un enfant en situation de handicap

L'écolier âgé de 10 ans a eu un parcours scolaire semé d'embûches, qui lui ont fait perdre confiance en ses capacités. "Des fois mon fils me dit qu'il est bête. C'est ce qu'on lui a expliqué toute sa vie, ce que lui répétaient ses maîtresses", se lamente Nathalie, en mentionnant qu'il a pourtant d'autres dons que la grammaire et la lecture. Mais faute d'accompagnement ciblé, le jeune garçon n'a pas pu être pris en charge correctement. Et cette année encore, le dossier de Thomas ne lui permettra pas de bénéficier de l'accompagnement d'une AESH, contrairement à Enzo, l'un de ses camarades de classe. Pour pallier ce manque, Nathalie a eu le droit de placer son fils à côté de son ami Enzo, dont l'AESH individuelle ne devrait pas avoir le droit d'aider Thomas. "Mais elle sait à quel point la situation est difficile et elle ferme les yeux."

Les parents de Thomas racontent également un changement d'école forcé, à cause d'un niveau trop exigeant, ainsi qu'un manque de tolérance vis-à-vis de certaines aides auxquelles leur fils peut prétendre (calculatrice, alphabet et chiffres collés sur la table...) voire des pratiques humiliantes de la part d'enseignants. "Je comprends qu'une maîtresse qui a 25 enfants à charge ne peut pas tout faire et perde patience, mais Thomas n'est pas un robot", s'offusque Nathalie.

Je comprends qu'une maîtresse qui a 25 enfants à charge ne peut pas tout faire et perde patience, mais Thomas n'est pas un robot.

Nathalie

Un métier en crise

Un mal-être chez les élèves atteints de handicap et leurs parents, qui reflète une crise professionnelle plus globale "qui ne va pas en s'arrangeant, loin de là" selon Sylvie Plamont, présidente de l'Apedys Nord-Pas-de-Calais. La présidente explique que le métier d'AESH, comme beaucoup de professions liées à l'humain, n'est pas assez attractif. Salaire au SMIC, écartèlement entre plusieurs classes, voire plusieurs établissements scolaires, prix de l'essence... Des conditions de travail qui poussent de nombreux professionnels à jeter l'éponge.

On se retrouve avec des parents affolés le jour de la rentrée, qui m'appellent parce que leur enfant n'a pas d'accompagnement et ne peut parfois pas aller à l'école.

Sylvie Plamont, présidente de l'Apedys Nord-Pas-de-Calais

Le portable de Sylvie ne cesse de sonner depuis ce matin. "C'est à cause de tout ça qu'on se retrouve avec des parents affolés le jour de la rentrée, qui m'appellent parce que leur enfant n'a pas d'accompagnement et ne peut parfois pas aller à l'école." Pour la présidente de l'antenne Nord, cette profession souffre déjà d'un manque criant de reconnaissance. Une première étape serait donc d'en faire un véritable métier de l'Éducation nationale. "Enfin, quand on aura un ministre de l'Éducation", pouffe-t-elle entre deux sonneries.

*Les prénoms ont été modifiés

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