Selon le dernier rapport de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), depuis 2014, l'utilisation du préservatif a chuté de presque 10% chez les garçons et les filles en Europe. Un constat alarmant, que le Planning familial de Lille et plusieurs témoignages viennent étayer en ce 26 septembre, journée mondiale de la contraception.
L’utilisation des préservatifs chez les jeunes a considérablement diminué en Europe depuis 2014. Le dernier rapport de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) est catégorique : le taux de rapports sexuels non protégés est inquiétant chez les adolescents. En moins de dix ans, le pourcentage de jeunes ayant utilisé un préservatif lors de leur dernier rapport sexuel est passé de 70 à 61 % chez les garçons et de 63 à 57 % chez les filles.
Aussi, seul un tiers des adolescents questionnés ont déclaré n’avoir utilisé ni préservatif ni pilule contraceptive lors de leur dernier rapport sexuel.
Des résultats contre-intuitifs à l'heure des réseaux sociaux et de la libération de la parole autour du tabou de la sexualité. Mais surtout, des chiffres alarmants qui témoignent d'une exposition grandissante des jeunes au risque d’infections sexuellement transmissibles (IST), de grossesses non désirées et d’avortements non sécurisés.
Des fake news à la peau dure
En découvrant ces nouvelles données, Laurette Lauff, conseillère au planning familial de Lille, ne peut s'empêcher de souffler. "Malheureusement ce n'est pas si étonnant."
La professionnelle travaille régulièrement dans des collèges et des lycées pour dispenser des cours d'éducation sexuelle. Au contact de ces jeunes, la conseillère a découvert que de grosses lacunes sont à combler et que beaucoup de fausses idées autour de la contraception restent à corriger.
Au cours de leurs interventions, les membres du planning familial ont relevé plusieurs rumeurs et croyances chez les jeunes qui peuvent expliquer cette baisse d'utilisation. Pour la pilule, ce sont surtout des problèmes hormonaux et la peur de développer un cancer ou une infertilité qui rebutent les jeunes filles. Exemple avec Pia, étudiante en première année de psychologie, qui ne souhaite pas dépendre de ce médicament : "Je vois souvent des témoignages de filles qui ont des grosses poussées d'acné à 25 ans, qui font des dépressions quasi à chaque fois... Le préservatif, c'est plus sécure que la pilule, parce que là c'est juste un bout de poison."
Je vois souvent des témoignages de filles qui ont des grosses poussées d'acné à 25 ans, qui font des dépressions quasi à chaque fois.
Pia, étudiante
Pourtant, côté préservatif les légendes aussi vont bon train, jusqu'à toucher les sphères des théories du complot. "Par exemple on m'a déjà dit que les préservatifs gratuits étaient percés pour participer au réarmement démographique", raconte Laurette. Une anecdote qui peut faire sourire, mais qui illustre la défiance des jeunes adultes vis-à-vis des contraceptifs.
Mais le principal frein au préservatif selon la conseillère, reste la notion de plaisir. "Moi je pense que le préservatif ça procure moins de sensations aux garçons", abonde Anna, 19 ans, en réfléchissant. Son petit ami Mathias s'empresse de nier, mais affirme que dans son entourage cette affirmation est plutôt habituelle.
Le danger des réseaux sociaux, une réalité ?
Quand on explique les chiffres de l'OMS au jeune couple, Anna tombe des nues. "Ah bon ?! Avec toutes les informations qu’on a sur les réseaux sociaux pourtant je pensais que c’était l’inverse. Qu'on se protégeait beaucoup plus."
En réalité la nuance est plus subtile. Laurette différencie deux types de jeunes : les "super informés" qui se sont construits avec Me Too. Puis à l’opposé, celles et ceux qui sont sujets à des prises de risque, méfiants, qui croient les mauvaises personnes. La principale source de ce "mouvement anticontraception" reste en tout cas les réseaux sociaux et les contenus qui se glissent insidieusement dans l'algorithme des jeunes, pour former une bulle (dés)informationnelle.
Beaucoup de jeunes ont écumé les réseaux sociaux pendant le confinement et, isolés, ils n'ont pas pris la bonne information.
Laurette Lauff, conseillère au planning familial de Lille
Un basculement progressif des ados qui aurait explosé depuis le Covid et l'avènement de Tik Tok. Laurette Lauff retrace : "Beaucoup de jeunes ont écumé les réseaux sociaux pendant le confinement et, isolés, ils n'ont pas pris la bonne information. Avec la tendance du complotisme grandissante, initiée par les antivax, ils sont maintenant persuadés qu'on leur veut du mal."
Lutter contre le manque d'éducation sexuelle
La faute des réseaux sociaux, mais pas que. Le planning familial de Lille pointe également du doigt le manque de cours d'éducation sexuelle en France. Pourtant, une loi votée en 2001 oblige les écoles, collèges et lycées à dispenser au moins trois séances d'éducation sexuelle par an et par groupe d'âge homogène. "Beaucoup sont encore persuadés que le SIDA, c'est fini. Et comme ils n'entendent pas parler des autres IST ils se sentent à l'abri", déplore Laurette Lauff. "C'est comme pour les grossesses, les adolescents pensent que quand on est jeune, ça n'arrive qu'aux autres."
Et pour preuve, lorsqu'on demande à Pia, Anna et Mathias de nommer des IST, tous font les yeux ronds. "Le VIH, le papillomavirus... La mycose ?", finit par tenter Mathias, peu convaincu par ses réponses. "Effectivement, la mycose n'est pas une IST", rétablit Laurette. Le jeune homme reconnaît qu'il manque d'informations.
Ils font souvent face à beaucoup d'inquiétudes, de pressions sociales. Tout en faisant avec les moyens qu'ils ont à disposition. Il ne faut pas les diaboliser.
Laurette Lauff
En plus de briser des clichés et de contrer la propagation de fake news, ces cours apportent des conseils, un cadre d'écoute hors du cadre familial et permettent aux élèves de connaître leurs droits. Par exemple, peu de jeunes savent qu'ils ont le droit à des préservatifs gratuits en pharmacie jusqu'à 18 ans sans carte Vitale, et jusqu'à 26 ans sous présentation d'une carte.
Laurette souligne tout de même que beaucoup d'adolescents et de jeunes adultes font ce qu'ils peuvent. "Ils font souvent face à beaucoup d'inquiétudes, de pressions sociales. Tout en faisant avec les moyens dont ils disposent. Il ne faut pas les diaboliser, à cet âge, tout est encore rectifiable."