Face à des études de médecine toujours plus exigeantes, certains n'hésitent pas à tenter leur chance à l'étranger. À 2 500 km de l'hexagone, la Roumanie se dresse comme un eldorado pour ceux qui voudraient aller jusqu'au bout de ce cursus. Programme francophone, pas de concours, diplôme reconnu à l'international... Nous sommes allés à la rencontre de ces étudiants français qui ont fait le voyage jusqu'à l'Université Grigore T. Popa de Iasi, en Roumanie.
Environ 30% de la population française vit actuellement dans un désert médical. Le besoin de nouveaux médecins se fait sentir. Et pourtant, les études de médecine sont toujours plus exigeantes. Au 1er janvier 2021, 40% des chirurgiens-dentistes en activité et nouvellement inscrits à l’Ordre étaient diplômés de l’étranger.
À l'Université Grigore T. Popa de Iasi, en Roumanie, nombreux sont les Français à venir tenter leur chance, dans l'espoir d'obtenir un diplôme reconnu en France, mais aussi en Europe. Nous avons suivi Sarah, du Valenciennois, partie y entreprendre des études de médecine après un échec à l'Université de Lille.
Tenter sa chance à 2 500 km de la France
Dès les résultats de son premier semestre à l'Université de Lille, Sarah a compris qu'elle ne pourrait pas réussir l'exigeant concours de première année. Avec sa famille, ils ont tout de suite cherché des alternatives. Lorsqu'un diplôme de médecine est obtenu dans un pays de l'Union Européenne, il est reconnu dans tous les pays membres. L'étranger s'est donc imposé comme une évidence. Mais ce choix n'est pas toujours simple, "c'est dur de les quitter, mais c’est pour les bonnes raisons : faire ce que j’aime" se confie Sarah.
C'est dur de les quitter, mais c’est pour les bonnes raisons : faire ce que j’aime
SarahEtudiante en médecine en Roumanie
Elle s'est donc tournée vers la Roumanie pour recommencer une première année d'études de médecine. L'Université Grigore T. Popa propose depuis quatorze ans une formation de médecine en français. Cette année, sur les 150 places de ce cursus, 90 élèves français ont été retenus, les autres viennent du Maroc, de Tunisie, mais aussi de Belgique. En moyenne, seul un étudiant sur quatre est admis dans le programme.
"Notre but, c'est de les préparer pour pratiquer et faire de la médecine en Europe, dans leurs pays. En France, le diplôme est équivalent à 100%" explique une professeure de l'Université roumaine.
Des cours à échelle humaine
À la différence des grands cours en amphithéâtre, en Roumanie, les étudiants francophones sont divisés en petits groupes, de quoi surprendre Sarah : "Le fait qu'on soit beaucoup moins et que ce soit beaucoup plus pratique, c'est plus explicite que les cours qu'on avait avant."
C'est plus humain, la prise en charge est différente, l'ambiance est différente. Sachant que ce n'est pas une année de concours, il y a beaucoup d'entraide
Une étudiante du programme francophone de médecine à Iasi
Répartis en groupe d'une quinzaine d'étudiants, les futurs médecins bénéficient d'installations dernier cri. Un mini-hôpital a vu le jour dans l'Université pour inciter les étudiants à la pratique, dans des conditions presque réelles. Ils peuvent s'entraîner sur des mannequins, apprendre les gestes de premiers secours, le tout réparti sur plusieurs étages selon la spécialité. "C'est plus humain, la prise en charge est différente, l'ambiance est différente. Sachant que ce n'est pas une année de concours, il y a beaucoup d'entraide" ajoute une camarade de classe de Sarah.
Au moins six années
Intégrer le programme francophone de cette université, c'est s'engager sur au moins six années. Au-delà, les étudiants peuvent faire le choix de rester cinq années de plus et se former dans la spécialité de leur choix, ou partir en France démarrer leur internat.
Les frais de scolarité sont en revanche plus élevés qu'en France : comptez 7 500 euros l'année. "Ce n’est pas un effort énorme en tenant compte que le prix de la vie ici à Iasi est suffisamment acceptable" tempère le directeur de l'université. Mais ne dites pas aux étudiants qu'ils achètent leur diplôme. S'ils ne sont pas tenus à la réussite d'un concours, ils doivent valider des épreuves chaque semestre.
On a le luxe de se poser cette question là : est-ce qu'on rentre en France ? Est-ce qu'on reste en Roumanie ? Est-ce qu'on va en Allemagne, en Suisse... ?
Une étudiante du programme francophone de médecine à Iasi
Bien que partir en Roumanie permette de contourner le système français, les étudiants regrettent souvent de ne pas pouvoir étudier près de chez eux. Axelle, en cinquième année, raconte : "Je n’ai pas eu ma PACES sur des questions qui n’avaient rien a voir avec la médecine. Il y a de la rancune que je garde encore en moi."
Pour d'autres, ce long voyage fut émancipateur au point de ne plus ambitionner de retourner dans l'hexagone. "On a le luxe de se poser cette question-là : est-ce qu'on rentre en France ? Est-ce qu'on reste en Roumanie ? Est-ce qu'on va en Allemagne, en Suisse... ?" ajoute une de ses camarades.
Découvrir la Roumanie au-delà des clichés
Avant de se lancer dans ce grand voyage, Sarah avait quelques clichés sur la Roumanie. Il a fallu convaincre son père pourquoi il était "hors de question" d'envoyer sa fille là-bas. Avec le temps elle a appris à découvrir le pays et s'en amuse aujourd'hui avec Cheyenne, sa colocataire originaire de Cambrai. "Ce n'est pas la Roumanie comme on l'imagine en France. Je m'imaginais des roulottes, des ânes... au final pas du tout. C'est pareil qu'à Lille" plaisantent-elles.
Je me dis que je suis sur la bonne voie
Sarah, étudiante en médecine en Roumanie
Ensemble, elles apprennent à connaître la culture roumaine en parcourant la ville. "Ce qui est marquant c’est qu’ici on peut tomber sur un énorme bloc puis une petite église toute mignonne".
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Avec sa colocataire, Sarah a encore beaucoup de choses à apprendre au cours de ses six années à l'Université Grigore T. Popa. "Je me dis que je suis sur la bonne voie, explique-t-elle, on ne devient pas médecin en claquant des doigts".
Une série en quatre épisodes de Claire Chevalier, Sébastien Gurak, Emilien Vanreterghem et Alexis Chantoiseau à découvrir à partir du lundi 20 novembre dans notre JT France 3 Hauts-de-France