Un temps oubliée au fond des placards, la petite vaisselle de mamie a fait son chemin. Ringarde hier, follement tendance aujourd’hui, la vaisselle "Terre de Fer" des faïenceries de Saint-Amand-les-Eaux fait le bonheur des amateurs de vintage. On vous dit tout.
Façonnée au 19ème siècle dans les manufactures de Saint-Amand-les-Eaux, notre assiette Terre de Fer a traversé deux guerres. Elle a peut-être entendu parler de la Commune de Paris à la table familiale, et qui sait, peut-être a-t-elle croisé Louise de Bettignies ?
Elle est en tout cas le témoin d’une activité économique florissante à Saint-Amand et alentours, celle des faïenceries.
>>> Avec Anne-Catherine Verwaerde dans l'émission Intérieurs (extrait ci-desssous), chaque samedi à 10H55 sur France 3 Hauts-de-France, chinez simple et découvrez comment reconnaître la vaisselle Terre de fer, ses astuces, son prix et ses motifs :
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A quoi ressemble notre petite assiette Terre de Fer ? Apprenez à la reconnaître.
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©France Télévisions
L’assiette Terre de Fer de Saint-Amand, descendante d’une sacrée lignée
Quand elle sort des fours vers la fin du 19ème siècle, notre assiette a déjà derrière elle une généalogie impressionnante. De la pièce unique aux objets de tables plus usuels, c’est dès le début du 18ème siècle que les manufactures Desmoutiers, puis Desmoutiers-Dorez et Fauquez agrémentent les tables et les intérieurs des gens aisés. Pas encore de Terre de Fer, mais de la faïence stannifère, de la faïence fine ou de la porcelaine tendre.
L’époque est faste pour la faïence, son usage ne s’est pas encore totalement démocratisé mais elle n’est plus un produit luxueux comme au 17ème siècle. La table, auparavant nomade, investit une nouvelle salle et compte bien y rester : jusqu’alors réservée aux nobles, la salle à manger s’installe petit à petit dans les demeures bourgeoises, il s’agit donc de l’habiller !
Mais après une période prospère, l’industrie faïencière amandinoise se met en sommeil. Il faut attendre la fin de la Révolution Française pour qu’elle revienne sur le devant de la scène, à l’aube du 19ème siècle.
>>> Retrouvez une charmante petite assiette de Terre de Fer dénichée par Anne-Catherine Verwaerde dans la nouvelle émission de France 3 Hauts-de-France, Intérieurs. Du haut de son grand âge, elle pourrait bien avoir quelques histoires à raconter, sur france.tv ici ou à la télévision ce samedi 17 février à 12H55.
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Le 19ème, un tournant dans la production faïencière de Saint-Amand
La petite assiette d’Anne-Catherine Verwaerde n’a pas encore vu le jour, mais les choses se préparent. Dès 1818 est fondée la Manufacture de Bettignies, la toute première d’une lignée de faïenciers qui donnera naissance - au siècle suivant - à la plus grande société céramique de Saint-Amand, dite "Moulin-des-Loups et Hamage".
Avec la Révolution Industrielle, les modes de vie et de consommation évoluent. La bourgeoisie s’est durablement installée, les agriculteurs troquent leurs bottes pour des bleus de travail, les villes s’agrandissent, l’époque est à la recherche d’un peu plus de confort.
Grâce aux progrès techniques, les manufactures de Saint-Amand accompagnent ces nouvelles aspirations avec succès, et deviennent un important centre de production faïencière (à titre d’exemple, la seule usine de Wandignies-Hamage produit à la fin du siècle plus de 12000 assiettes par jour et comptera jusqu’à 700 ouvriers au début du 20ème siècle).
Sans délaisser la production de pièces uniques, elles mettent l’accent sur l’accessibilité : fini la faïence tendre, trop coûteuse, et vive la faïence fine "Terre de Fer".
Quand la céramique "Terre de Fer" s’invite dans les foyers
L’idée est de produire plus, moins cher et toujours aussi joli. Alors on adopte cette faïence fine qui vient d’Angleterre, agrémentée de kaolin pour la rendre plus claire, et de feldspath pour qu’elle soit plus résistante. Distribuée sous la marque Terre de Fer, elle fait un carton au sortir des chaînes de production des Faïenceries du Moulin des Loups, Saint-Amand, Orchies ou Hamage.
Foin des décors peints à la main, on adopte un procédé plus industriel avec le décor par transfert (ou décalcomanie). Beaucoup moins chère, la faïence devient accessible à tous les foyers, l’art de la table se démocratise : les salles à manger sont devenues courantes, les jolies assiettes aux teintes monochromes s’invitent sur les tables, parmi lesquelles… notre fameuse assiette "Terre de Fer", bien sûr !
Si elle est isolée aujourd’hui, elle ne l’était pas au 19ème siècle. Dans la famille vaisselle : ses consœurs plates – creuses ou à dessert, mais aussi la soupière, le légumier, la terrine, le beurrier et autres pièces indispensables à la bonne tenue d’une table. On monte son ménage ou on ne le monte pas, le vaisselier ne suffit pas toujours à contenir le service de table de cette fin 19ème . D’autant que le repas familial devient une institution en cette fin de siècle…
Le service assorti est un incontournable auquel on attache une grande importance, un marqueur de réussite.
La pimpante assiette "Terre de Fer" est passée de mains en mains et de famille en famille. Plus d’un siècle après son arrivée sur le marché, devenue rare, elle est la coqueluche des collectionneurs.
Une aïeule à l’âge canonique, qui ne respecte plus complètement les canons
Les grandes familles ont donné naissance à de plus petites familles, les services de table ont peu à peu perdu de leur faste : exit les soupières, les 12 assiettes (au minimum) et leur florilège de ramequins ! Après avoir été très longtemps codifié, l’art de la table a envoyé balader un certain nombre de principes : au 21ème siècle fini l’assortiment, l’heure est à la déconstruction et au dépareillé, on n’ose imaginer ce qu’en penseraient nos ancêtres…
La petite assiette Terre de Fer a pris sa revanche sur la soupière, désormais c’est elle qui fait la table, et on peut dire qu’elle a un sens affirmé de l’adaptation face à nos lubies du jour. Dresser une table, aujourd’hui, c’est créer une déco à notre image et lui donner une âme. La seconde vie est notre crédo, on aime les objets qui racontent une histoire et qui ont du charme. Mieux encore, on adore les marier avec des pièces contemporaines. L’essentiel étant de trouver la juste harmonie : le déséquilibre oui, mais tout est dans l’art de la nuance.
Notre assiette légèrement craquelée, version monochrome bleu dont le charme nous subjugue, n’a pas fini de voir du pays, elle en a l’habitude...
Pour en savoir plus, un lieu incontournable : le musée de la Tour Abbatiale de Saint-Amand-les-Eaux, qui abrite une magnifique collection de céramiques amandinoises des 18ème, 19ème et 20ème siècles. Courez-y !
Comment reconnaître la vaisselle "Terre de Fer"
. Première chose à faire, retourner votre objet : sur son envers vous découvrirez l’estampille, cette signature qui vous indiquera la mention "Terre de Fer" et la manufacture qui l’a créée.
La toucher et l’observer : la céramique "Terre de Fer" n’est pas une porcelaine, elle est donc moins légère et sans transparence. Parfois, elle peut présenter un aspect un peu rugueux et ne pas être totalement blanche pour les modèles les plus anciens.
Comment l’entretenir
La vaisselle « Terre de Fer » déteste les chocs thermiques, alors un mantra : pas de micro-ondes ni de températures trop élevées.
Pas fan du lave-vaisselle, elle préfère un délicat lavage à la main, suivi d’un séchage soigné pour éviter les taches d’humidité.
Un détail à ne pas négliger : sa matière étant poreuse, elle absorbe facilement les couleurs des préparations que vous y déposez (parfois même leur saveur). Il serait dommage de ternir votre petite merveille par des teintes inopportunes.